« Les portes de la Cedeao restent ouvertes aux pays du Sahel », selon Omar Alieu Touray

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« Les portes de la Cedeao restent ouvertes aux pays du Sahel », selon Omar Alieu Touray
« Les portes de la Cedeao restent ouvertes aux pays du Sahel », selon Omar Alieu Touray

Manon Laplace – Envoyée spéciale à Addis-Abeba

Africa-Press – Niger. Alors que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest traverse une crise inédite, le président de la Commission de l’organisation se veut optimiste au sujet du départ annoncé du Mali, du Burkina Faso et du Niger.

Jamais l’organisation sous-régionale n’avait, à ce point, été dans la tourmente. Plus critiquée que jamais, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) fait aujourd’hui face au départ annoncé de trois de ses membres fondateurs, ce qui représente la sortie de quelque 70 millions de citoyens de l’espace communautaire. Si les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) – le Mali, le Burkina Faso et le Niger –, ont réaffirmé le caractère « irréversible » de leur décision, le Gambien Oumar Alieu Touray, à la tête de la Commission de la Cedeao, veut croire à une sortie de crise.

Négociations avec les juntes sahéliennes, crise politique au Sénégal, défiance des populations ouest-africaines: en marge du 37e sommet de l’Union africaine, auquel il participait, Oumar Alieu Touray revient, pour Jeune Afrique, sur les soubresauts qui agitent l’espace communautaire ouest-africain.

Jeune Afrique: Les pays de l’AES ont récemment annoncé leur volonté de quitter la Cedeao. Est-ce à dire que toutes les médiations en cours, pour la levée des sanctions, l’établissement d’un chronogramme électoral, ou la libération de Mohamed Bazoum sont abandonnées ?

Oumar Alieu Touray: Le 8 février, les missions de médiation et le Conseil de sécurité de la Cedeao se sont réunis au niveau ministériel. La Cedeao a décidé, à cette occasion, de garder sa porte ouverte à ces trois pays. La Cedeao est une organisation qui va au-delà des gouvernements. C’est une communauté de citoyens, une communauté de personnes. C’est pourquoi, malgré les malentendus, nos portes resteront ouvertes et nous continuerons ce que nous avons commencé.

Avez-vous le sentiment que les pays de l’AES sont ouverts à une négociation pour rester au sein de la Cedeao ?

Nous poursuivrons le dialogue et je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas discuter. Rien n’indique que nos frères du Mali, du Burkina Faso et du Niger ne sont pas sensibles à nos mains tendues. Nous sommes donc très optimistes.

Si le processus est mené à son terme, un départ de l’AES aurait des répercussions économiques considérables. Des négociations sont-elles déjà en cours afin de convenir d’accords commerciaux ou relatifs à la circulation des personnes ?

Comme je l’ai dit, nous appartenons toujours à une seule communauté et nous sommes conscients du fait que les peuples ouest-africains veulent l’unité. Nous voulons tout faire pour ne pas séparer ces peuples, nos peuples, qui jouissent de la libre circulation, qui bénéficient d’un certain nombre de réalisations, comme le commerce intercommunautaire au sein du marché commun. Ce sont là des acquis dont tous les citoyens de la Cedeao doivent pouvoir continuer à bénéficier.

L’avenir politique de la Cedeao semble plus que jamais menacé. Craignez-vous que l’on se dirige vers deux blocs antagonistes: les civils contre les militaires ?

Non, je ne vois pas d’antagonisme ici. Mon avis est que la division, en toute circonstance, nous rend plus faible. Aucun d’entre nous, ni les trois pays [de l’AES] ni les autres États membres de la Cedeao, ne sortiraient gagnants d’une telle séparation. Notre communauté a tout à gagner à rester unie et nous comptons travailler en ce sens.

Le report de l’élection présidentielle au Sénégal, retoqué par le Conseil constitutionnel sénégalais, a mis à mal la stabilité politique du pays et pourrait avoir des conséquences dans toute la région. Était-ce, selon vous, une erreur politique ?

Le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la question. Il ne s’agit donc pas de dire si c’est une erreur ou non. Le Conseil constitutionnel a décidé que ce qui était proposé n’était pas conforme à la Constitution et la présidence sénégalaise a publié une déclaration affirmant qu’elle prenait note de la décision du Conseil et qu’elle s’y conformerait. C’est ce qui importe désormais.

Pour autant, Macky Sall n’a toujours pas proposé de date pour le scrutin…

Le Sénégal est un modèle de démocratie, non seulement en Afrique de l’Ouest mais aussi sur l’ensemble du continent. Le président Macky Sall a réaffirmé son attachement aux institutions, je suis certain qu’il agira en conséquence.

Après le coup d’État au Niger, la Cedeao s’est dite prête à employer tous les moyens nécessaires pour rétablir Mohamed Bazoum, y compris l’option militaire. Après l’échec des négociations, qu’est-ce qui l’a poussé à reculer ?

Notre objectif dans l’ensemble de la sous-région reste l’ordre constitutionnel, tout simplement parce que c’est ce que prévoient nos règles communautaires. Les sanctions qui ont été décidées découlent des traités et des instruments auxquels tous les membres ont souscrits. Y compris les trois pays en transition. [Concernant les autres moyens envisagés] avec le temps, nous avons réalisé qu’une approche différente pourrait être bénéfique.

Il semble justement y avoir une défiance grandissante des populations à l’égard des règles communautaires que vous évoquez. Certains estiment qu’elles sont appliquées selon un deux poids, deux mesures…

Je pense que les populations d’Afrique de l’Ouest sont attachées à la démocratie participative. La Cedeao ne fait que mettre en œuvre les instruments qui garantissent la mise en place de gouvernements responsables, qui viennent au pouvoir par le biais de cette démocratie participative. Je ne pense donc pas que nous assistions à une grande division entre les citoyens et les gouvernements sur cette question.

Ce à quoi nous assistons, c’est une désinformation grandissante sur le sujet. C’est un réel problème. Nous devons donc tous y être attentifs, car elle donne une impression qui ne correspond pas vraiment à la réalité.

Source: JeuneAfrique

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