Mohamed Bazoum destitué par des soldats de sa propre garde présidentielle au Niger

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Mohamed Bazoum destitué par des soldats de sa propre garde présidentielle au Niger
Mohamed Bazoum destitué par des soldats de sa propre garde présidentielle au Niger

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Niger. Les pays du Sahel africain semblent toujours pris dans l’entourloupe des « coups d’Etat », et ce qui est arrivé dans certains pays de cette région du continent africain vient de se produire également au Niger.

Selon ce qui continue à être relayé par les médias, qu’ils soient locaux ou internationaux, un groupe de militaires relevant de la garde présidentielle au Niger aurait procédé à la destitution du président Mohamed Bazoum.

Ce coup d’Etat aurait été déclenché tôt ce mercredi 26 juillet, au moment même où Mohamed Bazoum commençait sa journée, comme d’habitude, dans sa résidence présidentielle, située au sein d’un camp militaire voisin du palais dans lequel le chef de l’État réside avec sa famille depuis son arrivée au pouvoir, en 2021.

C’est d’ailleurs ici même qu’est installé le QG de la garde présidentielle censée assurer sa protection, et que devint finalement son « bourreau », car ce sont des éléments de cette garde, qui compterait environ 700 hommes, qui, en cette matinée de juillet, ont décidé de renverser le président.

Le chef de ce groupe, le colonel Amadou Abderrahman, le membre de l’armée de l’air qui est apparu entouré de 9 autres compères militaires, a fait la déclaration suivante : « Nous, les forces de défense et de sécurité, réunis au sein du Conseil national pour la protection de la patrie, avons décidé de mettre fin au régime à la suite de la détérioration continue de la situation sécuritaire et de la mauvaise gestion économique et sociale ».

Lors de sa déclaration télévisée, le Chef des putschistes a affirmé « l’adhésion » du conseil au « respect de toutes les obligations assumées par le Niger », rassurant également « la communauté nationale et internationale quant au respect de l’intégrité physique et morale des autorités déchues conformément aux principes des droits de l’homme », au moment même où Washington a appelé à la libération « immédiate » du président Mohamed Bazoum, retenu en otage dans la présidence même avec les membres de sa famille.

Le communiqué rendu public par le groupe militaire putschiste indiquait également :
• la suspension de toutes les institutions émanant de la VIIe République,
• les secrétaires généraux des ministères seront chargés de la conduite des affaires,
• les forces de défense et de sécurité gèrent la situation,
• tous les partenaires extérieurs sont priés de ne pas intervenir,
• la fermeture des frontières,
• et l’imposition d’un couvre-feu dès le mercredi soir.

Témoignage oculaire

Des sources non divulguées ainsi que des citoyens ont affirmé qu’un groupe militaire de forces spéciales stationné dans la région de Tillabéri (à l’ouest du Niger) était arrivé dans la capitale, Niamey, et que des forces militaires s’étaient positionnées devant le bâtiment de la télévision d’État et que plusieurs véhicules militaires équipés avaient occupé l’avenue principale de la capitale.

Une information émanant de la présidence, a indiqué que l’armée se tenait prête à intervenir contre les putschistes afin de résoudre la situation à Niamey, mais ce n’était qu’éphémère.

Déclenchement de manifestations populaires

On relève par ailleurs que des centaines de citoyens nigériens ont participé à des manifestations de soutien au président Mohamed Bazoum, détenu à l’intérieur du palais présidentiel. Les manifestants, qui se sont rassemblés devant le palais ont exigé la libération immédiate de Bazoum, tandis que la Garde présidentielle a riposté en tirant en l’air après qu’un certain nombre de manifestants aient tenté de s’approcher des murs du palais.

Dans la mêlée de ce qui s’est passé mercredi, sachant même que la raison du comportement de la Garde présidentielle était floue et confuse, l’Agence France-Presse a cité une source proche de Bazoum, laquelle s’est exprimée sous couvert d’anonymat, et selon laquelle ce qui s’est passé était tout simplement « une réaction de mécontentement de la part de la Garde présidentielle, mais que des pourparlers sont en cours avec le président », précisant à ce propos que « Le président allait bien et en bonne santé, ainsi que sa famille, au palais présidentiel ».

D’autres informations ont fait état du fait que le commandant de la garde présidentielle, le général Omar Chiani, qui est en poste depuis 10 ans, serait à l’origine de la détention du président, et que ces développements coïncident avec les discussions sur l’intention récente de Bazoum de relever le général Chiani de son poste.

En effet, ce mercredi 26 juillet 2023, plus tôt dans la journée, les médias ont rapporté que les gardes présidentiels auraient encerclé le palais présidentiel à Niamey, bloqué le bureau et la résidence de Bazoum, alors que la situation dans la capitale Niamey est restée relativement calme.

Les mêmes sources poursuivent que, malgré le fait que les forces armées leur aient fixé un ultimatum, les putschistes auraient refusé de libérer le président Bazoum après des négociations.

Un portail d’information français a rapporté quant à lui que l’intention de Bazoum de limoger le commandant de la garde présidentielle Omar Chiani, pourrait bien être la principale cause de la mutinerie.

L’armée soutient le coup d’État alors que le président nigérien s’était engagé à protéger les acquis démocratiques.

En effet, les dirigeants militaires du Niger ont appuyé de tout leur poids un coup d’État contre le président démocratiquement élu, alors même que Bazoum s’est engagé à protéger les acquis démocratiques « durement acquis » de son pays.

Le commandement militaire a déclaré son soutien au coup d’État fomenté la veille par des soldats de la garde présidentielle et a déclaré que sa priorité était d’éviter de déstabiliser le pays.

Dans ce contexte, le chef d’état-major des forces armées du Niger, Abdou Sadikou Issa, a ajouté qu’il fallait « préserver l’intégrité physique » du président et de sa famille et éviter « une confrontation meurtrière… qui pourrait créer un bain de sang et affecter la sécurité de la population ».

Le ministre des Affaires étrangères, Hassoumi Massaoudou défendant le président Bazoum

Hassoumi Massaoudou Chef de la diplomatie nigérienne

Le ministre des Affaires étrangères, Hassoumi Massaoudou, n’a pas tardé à lancer un cri de ralliement sur Twitter à « tous les démocrates et patriotes » pour contrecarrer le coup d’État, en déclarant que le « pouvoir légal et légitime » était celui exercé par le président élu, soulignant également que s’il y avait eu « une tentative de coup d’État…il faut reconnaître que l’ensemble de l’armée n’était pas impliqué ».

Il a ajouté : « Nous demandons à tous les soldats grincheux de retourner dans leurs rangs. Tout peut se faire par le dialogue mais les institutions de la république doivent continuer à fonctionner.

Plusieurs partisans de Bazoum s’étaient rassemblés dans la ville alors que les événements se déroulaient mercredi, exprimant leur « opposition à un changement de pouvoir », a déclaré un journaliste de Reuters qui se trouvait sur les lieux. Ils ont ensuite été dispersés, et des séquences vidéo ont montré des personnes s’enfuyant au son des coups de feu.

Qui sont derrière ce coup d’Etat ?

Le Niger est l’un des pays au monde qui a connu le plus de coups d’État dans son histoire contemporaine, puisqu’il a enregistré 4 coups d’État depuis son indépendance de Paris en 1960, en plus de nombreuses tentatives de coup d’État ratées, et le dernier coup d’État dans ce pays africain a eu lieu en février 2010, renversant le président Mamadou Tanga.

Le Niger est un allié clé de la France et des États-Unis dans la guerre contre les groupes armés dans la région du Sahel africain, et son rôle s’est accru depuis que les relations avec les gouvernements militaires du Burkina Faso et du Mali se sont détériorées, provoquant le retrait des troupes étrangères.

Nous savons également tous que Mohamed Bazoum fût élu en 2021 pour être le premier président arabe du Niger, sans oublier qu’il est un proche allié de la France, et qu’avant son investiture le 2 avril 2021, les autorités ont arrêté deux soldats accusés d’avoir préparé une tentative de coup d’État contre le président du pays.

Agé de 63 ans, Bazoum fait partie d’un groupe de dirigeants pro-occidentaux en déclin au Sahel, où une insurrection menée par des groupes armés déchaînés a provoqué des coups d’État contre des présidents élus au Mali et au Burkina Faso. Leurs juntes, adoptant une position nationaliste, ont chassé les troupes françaises et, dans le cas du Mali, ont tissé une alliance étroite avec la Russie qui continue à ramper vers d’autres pays voisins.

En mai dernier, le président nigérien s’est plaint que son gouvernement avait été la cible d’une campagne de désinformation du groupe paramilitaire russe privé Wagner, qui a exercé une influence déstabilisatrice ailleurs dans la région.

Et ce jeudi 27 juillet 2023, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées dans la capitale et ont scandé le soutien à Wagner en agitant des drapeaux russes. Plus tard, ils ont jeté des pierres sur la voiture d’un politicien qui passait.

Cependant, des images de la capitale, Niamey, ont montré des gens en train de brûler des voitures et de piller les commerces, ce jeudi, et le siège du parti politique de Bazoum n’a pas échappé à l’incendie.

Parmi les questions qui restent floues, il y a celle de savoir si le Niger allait pivoter et engager Wagner en tant que partenaire de la lutte contre le terrorisme comme ses voisins le Mali et le Burkina Faso, qui ont expulsé les forces françaises ?

De là on comprendrait quand même que l’ombre de la Russie dans ce coup d’Etat plane « véridiquement » !

Toutefois, l’accusation pointant du doigt le « patron » de la Garde présidentielle, à savoir le Général Omar Chiani, que voulait Bazoum, semble-t-il, relever de ses fonctions, tiendrait également comme « mobile » de ce putsch.

D’autre-part, on ne sait toujours pas quelle partie du Niger les conspirateurs contrôlaient.

Préoccupation des organisations africaines

La destitution de Mohamed Bazoum a été largement condamnée au niveau international.

Commission africaine

Commentant ces développements, le président de la Commission africaine, Moussa Faki, a déclaré : « J’ai été informé d’une tentative de porter atteinte à la stabilité des institutions démocratiques et républicaines au Niger », ajoutant que « ce qui se passe au Niger équivaut à un coup d’État, une tentative que nous condamnons ».

Bien avant, Faki a déclaré que l’Union africaine « condamne fermement la tendance de certains soldats à déstabiliser les institutions démocratiques au Niger », et a considéré ce qui se passe comme « une trahison du devoir républicain », et a exhorté les soldats à « cesser immédiatement ce comportement inacceptable », tout en exhortant la communauté internationale à « renvoyer les soldats immédiatement et sans conditions, dans leurs casernes ».

Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)

Pour sa part, le président nigérian Bola Ahmed Tinubu a déclaré que les dirigeants du groupe CEDEAO n’accepteront aucun mouvement qui entrave la légitimité de l’autorité et son travail dans n’importe quelle partie de l’Afrique de l’Ouest.

Tinubu, qui est également président de l’Assemblée des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), a confirmé qu’il consultait les dirigeants ouest-africains sur le Niger. « Nous protégerons la démocratie que nous avons travaillé si dur pour mériter », a-t-il déclaré.

La CEDEAO a également condamné dans les termes les plus forts la tentative de coup d’État au Niger et a déclaré dans un communiqué : « Nous appelons les conspirateurs derrière le coup d’État à libérer immédiatement et sans condition le président démocratiquement élu », tenant ceux « impliqués » dans la tentative de coup d’Etat comme « responsables de la sécurité du président, de sa famille et des membres du gouvernement ».

Autres initiatives prises par des Chefs d’Etats et des responsables en Afrique

Le président du Bénin, Patrice Talon, s’est rendu ce jeudi au Niger pour servir de médiateur, selon ce qu’a annoncé le président nigérian, qui a déclaré après avoir rencontré Talon à Abuja, « Il va partir maintenant, il est en route » vers le Niger.

Dans le monde arabe, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a annoncé son soutien et sa solidarité avec son homologue nigérien, et le « ministère des Affaires étrangères » a indiqué mercredi soir dans un communiqué que le ministre Ahmed Ataf avait passé un appel téléphonique, mandaté par le président, avec son homologue nigérien, Hassoumi Massaoudou, qui s’est concentré sur l’évolution de la situation au Niger, et lui aurait demandé de transmettre au président Bazoum le soutien et la solidarité du président Tebboune dans cette difficile épreuve que traverse le Niger.

Forte condamnation de la France

La France a aussitôt exprimé sa « ferme condamnation » de toute tentative de prise de pouvoir par la force au Niger. Dans ce sens, le ministère français des Affaires étrangères a déclaré dans un communiqué que « La France est préoccupée par les événements actuels au Niger et suit de près l’évolution de la situation », ajoutant que la France joint sa voix à celle de l’Union africaine et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) « dans leur appel à restaurer l’unité des institutions démocratiques du Niger ».

Réaction de l’Allemagne

Dans la capitale allemande, le ministère des Affaires étrangères a annoncé que la situation au Niger n’était toujours pas claire, après des informations faisant état d’un coup d’État militaire, et qu’il est trop tôt pour juger de la situation là-bas, soulignant que les soldats allemands en mission au Niger « sont en sécurité à l’heure actuelle ».

Il convient de noter que l’armée allemande maintient une base de transport aérien à Niamey pour soutenir les missions militaires en Afrique de l’Ouest, et cette base est importante pour le retrait en cours des forces allemandes du Mali voisin.

Côté américain

A travers leur secrétaire d’État Anthony Blinken, les Etats-Unis ont appelé à la libération « immédiate » de Bazoum et a exhorté les citoyens américains à éviter les zones touchées par les développements au Niger.

Blinken a tweeté ceci : « J’ai exprimé notre soutien au président démocratiquement élu du Niger. Les États-Unis condamnent les efforts visant à renverser l’ordre constitutionnel du Niger par la force et soulignent que notre partenariat dépend de la poursuite de la gouvernance démocratique ».

Côté russe

Pour sa part, la Russie a également demandé la libération sans tarder du président du Niger.

« Nous comptons sur la libération rapide du président Bazoum par l’armée », a déclaré Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, dans un communiqué, appelant « toutes les parties au conflit à s’abstenir de recourir à la force et à résoudre toutes les différences par un dialogue pacifique et constructif ».

Réaction de la Chine

La République de la Chine Populaire a également déclaré qu’elle « suivait de près » les développements au Niger, comme l’indique ce communiqué :

« La Chine appelle les parties concernées au Niger à œuvrer pour les intérêts fondamentaux du pays et de son peuple, à résoudre pacifiquement leurs différends par le dialogue, à rétablir l’ordre normal dès que possible et à sauvegarder la paix, la stabilité et le développement au Niger », a déclaré le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Mao Ning, dans un communiqué de presse.

Réaction des Nations unies

Auparavant, le secrétaire général de l’ONU, Guterres, avait condamné « avec la plus grande fermeté toute tentative de prise de pouvoir par la force » au Niger, selon son porte-parole Stéphane Dujarric, « et de porter atteinte à la gouvernance démocratique, à la paix et à la stabilité au Niger, appelant toutes les parties concernées à faire preuve de retenue et à assurer la protection de l’ordre constitutionnel ».

Réaction de l’Union européenne

Réagissant à ce qui s’est passé au Niger, le chef de la politique étrangère de l’Union européenne, Josep Borrell, a déclaré que l’UE était « très préoccupée » par les événements actuels au Niger, et a exprimé sa « grande inquiétude », soulignant que l’Union européenne se joint au groupe de la CEDEAO pour condamner ce coup d’Etat.

Les coups d’Etat au Niger : De causes à effets !

Le coup d’État de 2023 au Niger intervient le 26 juillet 2023. C’est le deuxième coup d’État organisé dans le pays au cours de cette décennie, après l’échec d’une tentative en mars 2021.

Le pays a été le théâtre de plusieurs coups d’Etat depuis son indépendance, que nous rappelons ci-après :

Le Coup d’Etat perpétré en 1974

Un coup d’État mené par le lieutenant-colonel Seyni Kountché renverse le pouvoir civil. Ce dernier dirige le pays avec un petit groupe de militaires jusqu’à sa mort en 1987. Son chef d’état-major, le colonel Ali Saibou, lui succède, relâche certains prisonniers politiques, libéralise la législation et la politique nigérienne et promulgue en septembre 1989 une nouvelle Constitution.

Le Coup d’Etat perpétré en 1996

L’après-midi du 27 janvier 1996, l’armée, commandée par le colonel Baré Maïnassara, emprisonne les trois premiers personnages de l’État et suspend les partis politiques. Plusieurs soldats et des membres de la garde présidentielle sont tués dans les combats. La direction de l’État fût confiée à un Conseil de salut national de douze membres, avec à sa tête le colonel Baré Maïnassara.

Le Coup d’Etat perpétré en 1999

Le 9 avril 1999, le général Baré Maïnassara est assassiné sur le tarmac de l’aéroport militaire de Niamey par des membres de sa propre garde présidentielle, un « accident malheureux ». Certains témoignages accusent directement le commandant Daouda Malam Wanké d’avoir dirigé cet assassinat.

Le Coup d’Etat perpétré en 2010

Selon Moussa Mounkaila, chauffeur de la présidence, des militaires seraient intervenus le 18 février 2010 à la fin d’un conseil des ministres. Le président Mamadou Tandja est arrêté. Au moins trois militaires sont tués au cours de fusillades.

C’est le premier coup d’État nigérien opéré sans le concours de l’état-major de l’armée. Le nouvel homme fort du Niger, Salou Djibo n’est que le commandant d’une compagnie, mais une compagnie dont la mission est décisive, la 5e compagnie de commandement d’appui et de services, chargée de la protection de la capitale et de la sécurisation des institutions. À ce titre, il contrôlait une part importante de l’arsenal militaire du Niger.

Ce dossier demeure pour l’instant « ouvert » à toutes autres éventualités jusqu’à la stabilisation dans ce pays sévèrement ébranlé.

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