Africa-Press – Niger. La Cour constitutionnelle du Niger a retenu 30 candidatures pour l’élection présidentielle du 27 décembre 2020. Le principal opposant, Hama Amadou a été écarté de cette élection. Retour sur le parcours mouvementé d’une figure politique majeure du pays.
Le principal opposant nigérien Hama Amadou ne pourra pas se présenter à la présidentielle du 27 décembre au Niger, sa candidature ayant été rejetée le 6 novembre par la Cour constitutionnelle. Cette dernière a validé sans surprise celle du candidat du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS, au pouvoir), Mohamed Bazoum, 60 ans.
« La Cour déclare inéligible à l’élection présidentielle Hama Amadou du Moden »
(Mouvement démocratique nigérien, son parti), a annoncé le président de la Cour, Bouba Mahamane, sans donner de raison, lors d’une audience au siège de l’institution à Niamey.
La Cour constitutionnelle a aussi invalidé une dizaine d’autres candidats pour ce scrutin, auquel le président Issoufou ne se représente pas, conformément à la Constitution nigérienne qui n’autorise que deux mandats.
Le candidat présidentiel et ancien Premier ministre en train de voter, à Niamey, au Niger, en janvier 2011, pour l’élection présidentielle.(AP Photo/Tagaza Djibo)
Ancien premier ministre et président de l’Assemblée Nationale, Hama Amadou a une longue carrière politique derrière lui, et est un habitué des élections présidentielles, malgré un parcours récemment semé de problèmes judiciaires.
Lors de la présidentielle de 2011, M. Amadou était arrivé troisième et avait appelé à voter pour M. Issoufou, qui avait alors été élu pour son premier mandat.
En 2013, l’ancien candidat et premier ministre Hama Amadou, quitte Niamey et le Niger car il est suspecté d’être impliqué dans un énorme trafic de bébés. Restée sur place, l’une de ses épouses est d’ailleurs arrêtée et écrouée dans le cadre de cette affaire.
De retour au Niger, il est immédiatement arrêté, et incarcéré dans la prison de Filingué, en novembre 2015. Malgré son emprisonnement, il se présente à l’élection présidentielle de 2016 et est investi candidat par son parti. Il ne peut pas faire sa campagne électorale, mais finit tout de même deuxième de l’élection, face à Mahamadou Issoufou, en mars 2016. Entre les deux tours de cette élection présidentielle de 2016, il est autorisé à se rendre en France pour raison de santé. Il y restera plus de deux ans.
Chargement du lecteur… Son procès, en 2017, aura donc lieu sans lui. Il est finalement condamné à un an de prison ferme dans cette affaire, qu’il a toujours qualifiée de « politique », assurant qu’on voulait l’écarter de la lutte pour la présidentielle de 2020.
Une vingtaine de personnes sont également impliquées dans ce procès. Elles étaient notamment poursuivies pour « supposition d’enfants », un délit consistant à attribuer la maternité d’un enfant à une femme qui ne l’a pas mis au monde. Toutes ont été condamnées pour avoir participé à un trafic de bébés qui auraient été conçus au Nigeria puis amenés au Niger via le Bénin.
Fin 2019, il rentre au Niger après trois ans d’exil, dans l’espoir de se présenter à l’élection de 2020. En novembre dernier, lors d’un meeting à Niamey qui a réuni 30.000 personnes, Hama Amadou avait promis au pouvoir un « scénario à la malienne (manifestations suivies d’un coup d’Etat, ndlr) si sa candidature (était) rejetée ».
L’opposant âgé de 70 ans, avait été écroué le 14 novembre 2019 au retour d’un exil de près de trois ans et a été incarcéré le 19 novembre.
En mars 2020, il bénéficie d’une grâce présidentielle, alors qu’il purgeait sa peine de de 12 mois de prison. En effet, en raison de la pandémie de coronavirus, le président a accordé une grâce à 1540 autres détenus, pour empêcher la propagation du virus dans les prisons nigériennes. Auparavant, en février 2020, Hama Amadou avait séjourné en France pendant deux semaines, pour suivre à nouveau des soins médicaux. Il avait ensuite regagné sa prison de Filingué.
En août 2020, son parti, le Mouvement démocratique nigérien (Moden) le désignait candidat pour l’élection du 27 décembre. Une décision tout à fait logique pour l’homme politique. En septembre dernier, Hama Amadou se montrait certain que sa candidature serait retenue, en affirmant « remplir » toutes les conditions pour se présenter à l’élection présidentielle de décembre, en dépit de sa condamnation à un an de prison dans cette affaire de trafic international d’enfants.
« La Constitution pose deux conditions : la première c’est qu’il faut être Nigérien d’origine. Je suis né à Youri (près de Niamey), ma mère est née à Niamey et mon père est né à Youri, je peux considérer que cette condition je la remplis pleinement »
, avait-il déclaré devant des journalistes. « La deuxième condition de la Constitution » est « qu’il faut jouir de ses droits civils et politiques » et « je considère que je jouis pleinement de mes droits », avait-il ajouté.
« Le procureur avait exprimé le voeu, à la demande du gouvernement, que je sois déchu des mes droits civils et politiques pour cinq ans (mais) le juge de siège avait refusé de donner suite à cette demande »
, avait expliqué Hama Amadou. « Le juge ne m’a (donc) pas condamné à perdre mes droits », avait-il alors clamé, en indiquant qu' »il n’y a pas d’automaticité » entre sa condamnation à un an de prison et la déchéance de ses droits.
« Le gouvernement veut m’interdire d’être candidat comme il l’avait déjà tenté en 2016. J’ai l’intention d’être candidat et de gagner les élections »
, avait-il continué de marteler. La Cour constitutionnelle n’était pas de cet avis. « La loi prévoit que toute personne condamnée à une peine égale ou supérieure à un an n’est pas éligible. Donc il n’est pas éligible », avait expliqué le constitutionnaliste nigérien Amadou Boubacar en novembre 2019. « Même une grâce présidentielle n’est pas suffisante. Il faudrait une loi d’amnistie sur le trafic de bébés qui efface la condamnation », avait-il souligné.
Il y a quelques mois, une source haut placée au sein du pouvoir se montrait ferme : « On l’a laissé rentrer, on peut le gracier mais la loi c’est la loi. Il n’est pas question qu’on ne respecte pas la loi pour qu’il se présente ». Les décisions du Conseil constitutionnel ne peuvent donner lieu à des recours.
Hama Amadou avait gardé le silence depuis la décision de la Cour constitutionnelle. Il y a quelques jours il répondait aux questions de nos confrères de Radio France Internationale. Même s’il ne participe pas lui-même à l’élection, il déclare que son parti reste dans la course et espère avoir la majorité dans les Chambres pour reconquérir le pouvoir : « Nous allons participer pleinement à ces élections dans les conditions qu’ils voudront. Le moment venu, nous dirons pour qui », a-t-il déclaré.