Poutine mène sa guerre contre l’Ukraine avec des yeux braqués sur le Niger : Pourquoi ?

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Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Niger. Même si le Niger compte s’appuyer sur ses ressources naturelles pour prendre en main son essor économique et social, en mettant en œuvre le plan qui a été conçu pour faire en sorte que le Niger puisse, en tant que pays naturellement doté de ressources naturelles importantes, parvenir à exploiter au maximum son potentiel minier et pétrolier et à générer des richesses de la manière la plus optimale possible, la Russie n’a pas cessé de faire les « yeux doux » aux ressources d’uranium, surtout, et semble chercher comment donner « un coup de pied à la France » comme celui qu’elle lui a infligé au Mali, évidemment par l’intermédiaire du groupe paramilitaire russe privé « Wagner ».

Il est plus que vrai que le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, tout en faisant la guerre à l’Ukraine, a les yeux braqués sur le Niger. Et ce n’est pas pour rien !

Mais pourquoi le Niger ?

Il faut dire que le Niger est une station importante dans le renforcement de la présence russe en Afrique, en raison de sa situation géographique entre le nord et le centre du continent, car il est frontalier avec l’Algérie et la Libye, au nord, alors qu’il est bordé par le Nigeria et le Bénin au sud , le Burkina Faso et le Mali à l’ouest, et le Tchad à l’est.

En réalité, le Niger est un pays riche en uranium, et on estime que les réserves de pétrole du pays sont estimées à 320 millions de barils et la production serait d’environ 20 000 barils par jour.

Par ailleurs, le Niger est également célèbre pour ses mines d’or et possède actuellement 69 mines d’or dans le pays et 24 sites de traitement de ce métal précieux.

De nombreux indices montrent aussi que le Niger est une cible de la consolidation de l’influence russe en Afrique, notamment dans la région du Sahel et du Sahara, où des manifestations de masse ont eu lieu en septembre dernier dans les rues de la capitale nigérienne, Niamey, pour protester contre la présence française à travers « Barkhane », à une époque où la Russie gagnait par les éloges.

N’oublions pas que des manifestants ont scandé des slogans contre la France dans les rues de Niamey, dont « Barkhane dégage », ou « A bas la France », ou encore « Vive Poutine et la Russie », et « l’armée coloniale Barkhane doit partir », ce que les observateurs ont considéré comme un indice du succès de la Russie à former un courant politique parmi les forces de la société civile en faveur de son influence dans la région.

C’est pourquoi, à la lumière de la lutte d’influence entre la Russie et les pays occidentaux d’Afrique, et des efforts de Moscou pour consolider ses relations avec le Mali, la République centrafricaine et le Burkina Faso, les yeux de « l’ours russe » cherchent en même temps un point d’ancrage au Niger.

L’Uranium nigérien et son pesant d’or : à qui profite-t-il ?

Hormis tous les scénarios possibles et imaginables, il importe de rappeler que les ressources du Niger doivent inconditionnellement profiter à l’intérêt général, et donc à la plus grande partie de la population nigérienne.

C’est d’ailleurs pourquoi le Niger compte s’approprier de plus en plus son développement, et pouvoir bénéficier du maximum de ses ressources naturelles pour progressivement s’autonomiser par rapport à son développement, dont il devrait prendre en charge le fonctionnement et le financement.

Toutefois, le Niger a réellement « besoin de partenaires » pour réaliser la première étape de son développement, avec ses propres moyens.

Ce qu’a dévoilé The Times à ce sujet

Ce scénario a été dévoilé par le journal britannique « The Times », qui a rapporté que le Niger sera le prochain pays que la France perdra au profit de la Russie en Afrique de l’Ouest, se basant sur un rapport qui indique qu’une série de voix pro-Poutine ont annoncé sur « Telegram » que le Niger « riche en uranium » est la prochaine cible de Moscou en Afrique de l’Ouest, où la détérioration de l’environnement sécuritaire est propice à Moscou pour étendre son contrôle sur les anciennes colonies françaises.

Ledit rapport fait ressortir que le Niger, étant la seule ancienne colonie française dans la zone encore sous l’influence de Paris, est essentiel et même primordial aux besoins des centrales nucléaires, qui fournissent 70% de l’électricité de la France. En 2020, 34,7 % de l’uranium utilisé dans les réacteurs français provenait de ce pays d’Afrique de l’Ouest. Donc, si Paris perd cette ressource, la crise énergétique s’aggravera sensiblement.

Bien que peu d’observateurs pensent que la Russie a le pouvoir d’administrer la région comme Paris l’a fait auparavant, beaucoup craignent que les forces paramilitaires russes du groupe Wagner ne laissent de larges pans de territoire du Sahel africain aux groupes armés.

Selon « Élie Tenenbaum »*, la France traverse un tournant majeur et à long terme dans ses relations avec l’Afrique de l’Ouest, alors que la Russie exploite l’incertitude de poursuivre une stratégie lancée il y a une décennie en Afrique pour travailler avec les factions locales, insatisfaites de ce que l’Occident propose.

Élie Tenenbaum est le directeur du Centre des Études de Sécurité de l’Institut Français des Relations Internationales. Agrégé et docteur en histoire, diplômé de Sciences Po, il y a enseigné la sécurité internationale et l’histoire des relations internationales à l’Université de Lorraine. Il travaille en particulier sur la problématique de la guerre irrégulière, de la lutte contre le terrorisme et des menaces hybrides ainsi que sur la politique de défense française et les opérations militaires

Le journal britannique poursuit en soulignant que la France avait quitté le Mali après avoir été l’objet « d’humiliations diplomatiques et militaires », comme l’avait décrit le journal français « Le Monde ».

Par ailleurs, en République centrafricaine, le groupe Wagner a déployé environ deux mille mercenaires depuis 2018 sur fond de conflits plutôt religieux qu’ethniques, et récemment au Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, l’officier de 34 ans qui a été investi « président de la transition », a déclaré que son pays voulait bien changer de « cavaliers » pour s’entourer d’autres partenaires.

The Times a commenté qu’avec la Russie impliquée dans la guerre en Ukraine et la stagnation de son économie, beaucoup doutent qu’elle puisse devenir la puissance dominante en Afrique de l’Ouest, rappelant à l’occasion une information émanant du Centre nigérian pour la démocratie et le développement qui dit que la République centrafricaine montre comment le sentiment peut changer : « Les Russes avaient été bien accueillis… mais ils sont maintenant détestés pour leur pillage des ressources naturelles et les violations des droits de l’homme qui ont aggravé la vie de ses citoyens ».

Wagner ne rate aucune occasion pour s’infiltrer

Le fondateur du groupe paramilitaire privé russe Wagner et proche du président russe Vladimir Poutine, Evgueni Viktorovitch Prigojine, n’a pas tardé à saisir l’occasion pour offrir son « soutien » à Ibrahim Traoré, le jeune capitaine qui a perpétré le coup d’Etat contre Paul-Henri Sandaogo Damiba au Burkina Faso.

Que cela soit proposé entre-autres au Niger, n’est plus une probabilité, mais plutôt une « certitude », du fait qu’il s’avère que Wagner opèrerait dans 9 pays africains, le Burkina Faso étant probablement le 10e et le Niger pourrait en être le 11e.

Dans ce contexte, l’ambassadrice américaine aux Nations Unies, Linda Thomas Greenfield, avait lié le rythme rapide de l’influence de Wagner en Afrique à la guerre de Moscou en Ukraine, déclarant à ce propos : « Au lieu que Wagner soit un partenaire transparent et œuvre à améliorer la sécurité là où il est, il profite de ce que l’on qualifie d’États-clients, lesquels sont contraints de payer leurs lourds services de sécurité de leurs ressources naturelles, et cela fait partie du modèle commercial du groupe Wagner ».

« Nous savons que ces gains mal acquis sont utilisés pour financer la machine de guerre russe en Afrique, au Moyen-Orient et en Ukraine », a-déclaré la diplomate américaine, lors d’un récent briefing tenu au Conseil de sécurité de l’ONU.

Ceci n’a pas tardé, tout de même, à faire réagir le représentant permanent de la Russie aux Nations-Unis, qui a déclaré : « Nous sommes surpris par les propos de la représentante permanente des États – unis lorsqu’elle parle d’États-clients. C’est la terminologie américaine, mais nous, nous n’utiliserons pas cela. Pour nous, les pays africains ne sont pas des clients, mais plutôt nos partenaires. Je rappelle ici d’ailleurs qu’en Syrie, les État – unis, sous le couvert de contre-terroriste, volaient le pétrole syrien ».

Qu’en pense la France ?

Pour ce qui est des Français et de leur président Emmanuel Macron, ils craignent désormais un phénomène de contagion, car après l’avoir sous-estimée lorsque Wagner prenait pied en Centrafrique, puis après avoir pensé, à tort, qu’une répétition du scénario centrafricain était peu probable au Mali, ils ont désormais les yeux braqués sur le Burkina Faso et le Niger, cibles désignées des ambitions de cet étrange groupe wagnérien et où le sentiment anti-français est déjà largement présent.

Points de vue de chercheurs

• Amal Saleh, journaliste égyptienne spécialisée dans les affaires africaines : L’ère africaine de la France est sur le point de s’effondrer

L’hostilité contre Paris ne s’arrêtera pas dit-elle, et son opposition à son expulsion atteindra le stade de lutte à mains nues. Pour rappel, fin 2021, un convoi militaire appartenant à Barkhane fût repoussé par des jets de pierres au Burkina Faso, et l’affaire s’est répétée au Niger même, tandis que les accusations lancées par le conseil militaire au Mali selon lesquelles Paris a créé et soutenu des groupes terroristes, se sont enracinées.

La sortie de la France de la région du Sahel est devenue donc inéluctable, quoi qu’il advienne du dossier du terrorisme, dans lequel la France n’a pas beaucoup avancé. Ainsi, l’émergence et la propagation de mouvements de masse qui s’y opposent ne doivent pas être interprétées en dehors de ce contexte en conjonction avec la dimension historique, étant donné que la France est aussi un pays colonial.

Amal Saleh, a souligné que la montée du sentiment anti-français dans la région du Sahel n’est pas une création de Moscou, comme certains l’imaginent, alors que ses forces sont estimées à environ 3 000 éléments, la plupart au Niger, qui possède l’une des plus importantes réserves d’uranium au monde, avec le pétrole, les phosphates, le gaz et bien sûr l’or.

• Mohamed Abdel-Baqi Fadl Al-Sayed, politologue et journaliste soudanais

Celui-ci estime que malgré l’échec catastrophique de Paris au Mali, sa présence au Niger est suffisante pour effrayer et dissuader certains groupes terroristes, mais s’il se retire, les groupes terroristes pourront contrôler le Niger, qui n’a pas d’armée professionnelle structurée et vit dans une situation économique presque effondrée, et doit donc conclure un accord avec la France pour réhabiliter, former et équiper son armée, c’est-à-dire la réhabiliter d’abord, puis examiner la question de son retrait plus tard.

Fadl Al-Sayed ajoute : « Peut-être que le gouvernement de Bazoum ne pourra pas repousser les grands courants qui s’opposent à la présence française dans le Sahel, mais il doit donc s’adresser à l’opinion publique et la convaincre de son point de vue quant à sa méthode actuelle de travail par voie parlementaire en adoptant des lois qui légitiment la présence militaire française, mais cela ne marchera pas, la colère montant contre Paris dans le voisinage.

D’autre part, poursuit Fadl Al-Sayed, Paris doit engager une voie de développement à côté de la voie militaire et renforcer la sécurité, et la mettre au service de la population locale nigérienne « pauvre », jusqu’à ce que les rues du Niger, qui grouillent d’hostilité à ce qu’ils appellent là-bas comme du néo-colonialisme, soient apaisée.

• Mohamed Ag Ismail, chercheur en affaires africaines à l’université de Bamako

Ce dernier estime quant à lui que la politique de la France adoptée depuis l’indépendance du Niger n’a pas réussi à favoriser le développement, ainsi que ses interventions dans les affaires intérieures, que ce soit en soutenant des présidents qui lui sont fidèles au aux dépens des intérêts du peuple ou en renversant ceux qui s’y opposent, ainsi qu’en pillant les richesses du continent sans offrir la ligne de fond aux peuples.

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