Corridor ukrainien sur la mer Noire : quel bilan pour l’Afrique ?

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Corridor ukrainien sur la mer Noire : quel bilan pour l’Afrique ?
Corridor ukrainien sur la mer Noire : quel bilan pour l’Afrique ?

Espoir Olodo

Africa-Press – Niger. Conclu en juillet 2022, l’accord sur Initiative céréalière de la mer Noire (Black Sea Grain Initiative-BSGI) a créé un canal de navigation maritime permettant à l’Ukraine d’expédier ses produits agricoles dans le contexte de l’invasion russe déclenchée 5 mois plus tôt. Les pays africains et plus largement ceux à faible revenu ont été affichés aussi bien par l’Ukraine que la Russie comme une priorité avec chacun des discours volontaristes. Retour en 5 questions sur les retombées de l’initiative sur le continent africain.

1. Qu’est-ce qui a été exporté globalement ?

Dans le cadre du pacte, 32,4 millions de tonnes de produits agricoles ukrainiens ont été expédiées entre le 1er août 2022 et le 26 juin dernier vers près de 46 pays dans le monde à partir des ports ukrainiens d’Odessa, de Chornomorsk et de Yuzhny/Pivdennyi situés sur la mer Noire selon les données du secrétariat de la CNUCED consultées par l’Agence Ecofin.

Ce total comprend principalement les céréales qui ont compté pour près de 83 % expéditions, soit plus de 26,6 millions de tonnes. Le maïs arrive en tête avec près de 16,6 millions, ce qui représente 51,4 % du total des gains expédiés, suivi par le blé (8,8 millions de tonnes) et l’orge (1,26 million de tonnes).

À côté des grains, les oléagineuses comme le soja, le colza, le tournesol ainsi que leurs produits dérivés (huile et tourteaux) ont totalisé 5,5 millions de tonnes.

Le tournesol est la première oléagineuse expédiée en termes de volume (3,35 millions de tonnes) principalement sous forme de tourteaux et d’huile, suivi par le colza (985 559 tonnes) et le soja (802 151 tonnes).

2. Quelle part l’Afrique a-t-elle absorbée ?

Selon les données du CNUCED, 2,4 % des exportations dans le cadre de l’accord de la mer Noire sont allés à des pays à faible revenu, tandis que les pays à revenu élevé en ont reçu environ 44 % et le reste a été destiné à des États à revenu moyen. En Afrique, depuis le 1er août dernier, il ressort que 3,97 millions de tonnes de produits agricoles ont été absorbés jusqu’au 26 juin dernier. À titre d’exemple, la Chine, premier pays de destination, en a absorbé presque le double avec 7,7 millions de tonnes.

Plus globalement, l’Afrique représente 12 % du total des expéditions contre par exemple près de 46 % pour la région Asie Pacifique et 42 % pour l’Europe.

Les principaux produits absorbés par le continent ont été le maïs (1,79 million de tonnes), le blé (1,7 million de tonnes), l’orge (210 081 tonnes) et les oléagineux (264 263 tonnes).

3. Quels sont les principaux bénéficiaires du corridor ukrainien sur le continent ?

Dans les détails, la zone Afrique du Nord avec 3,12 millions de tonnes a été la principale bénéficiaire, soit près de 79 % du total des cargaisons avec l’Égypte comme premier destinataire. Le pays d’Afrique du Nord est d’ailleurs, le 5ème bénéficiaire sur le plan mondial avec 1,5 million de tonnes de produits alimentaires.

Quant à l’Afrique subsaharienne, 856 394 tonnes de produits ont été accueillis uniquement en Afrique de l’Est. Dans la région où le Programme alimentaire mondial (PAM) déploie plusieurs opérations d’aide, le Kenya et l’Éthiopie ont compté pour plus de 80 % des cargaisons. Les autres destinations ont été la Somalie, le Soudan et le Djibouti.


4. L’accord a-t-il permis d’éloigner le spectre d’une crise alimentaire en Afrique ?

D’un point de vue global, la reprise des exportations ukrainiennes a contribué à l’apaisement des marchés alimentaires où les prix avaient atteint des sommets en mars 2022 dans la foulée du début de la guerre et d’autres facteurs climatiques comme les sécheresses.

Ce facteur géopolitique couplé aux perspectives d’une récolte abondante en Russie, principal exportateur de blé ont permis de tirer les prix mondiaux vers le bas, notamment à la Chicago Board of Trade (CboT). Cette situation a profité à de nombreux pays africains pour avoir accès à des denrées alimentaires à des prix moins élevés qu’avant l’invasion, mais selon la FAO, mais les tarifs restent encore élevés.

Récemment, l’organisme onusien a indiqué que les pays d’Afrique subsaharienne qui entrent pour la plupart dans la catégorie des pays moins avancés (PMA) devraient voir leur facture d’importation baisser de 2,8 milliards $ avec la baisse des volumes liés à l’effritement de la capacité d’achat des nations du fait de la faiblesse des monnaies par rapport au dollar et de la hausse des coûts de l’énergie.

5. Quid des perspectives sur cet accord ?

L’accord relatif au corridor ukrainien a été prolongé pour la troisième fois le 17 mai dernier pour deux mois supplémentaires. Ce prolongement a pendant un temps calmer les inquiétudes sur les modalités de reconduction. Cependant, les bases de l’accord restent encore fragiles. Le président Vladimir Poutine a ainsi annoncé le 13 juin dernier que la Russie pourrait claquer la porte de l’accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes.

À l’origine de cette menace, le non-respect, selon Moscou, d’une clause qui devait faciliter les exportations d’engrais et de produits agricoles russes. En effet, en même temps que la signature de l’accord en juillet 2022, un pacte a été signé pour une durée de trois ans avec l’ONU pour faciliter ses propres exportations de produits alimentaires et d’engrais. Selon les autorités, russes, plusieurs obstacles empêchent encore le pays de commercer librement avec le reste du monde.

Celles-ci souhaitent notamment que la Banque agricole russe (Rosselkhozbank) soit de nouveau reliée au système de paiement SWIFT et que des ventes d’ammoniac reprennent via un pipeline connectant le port russe de Togliatti à celui ukrainien de Pivdennyi qui acheminait 2,5 millions de tonnes d’ammoniac.

Au début du mois de juin, l’État russe avait accusé l’armée ukrainienne d’avoir fait exploser une partie de l’infrastructure qui est la plus importante du genre au monde. Dans un tel contexte, le gouvernement a déjà indiqué qu’il appliquerait une restriction sur le nombre de navires autorisés pouvant se rendre au port de Pivdennyi dans le cadre de l’accord sur les céréales de la mer Noire tant que le pipeline ne reprendrait pas du service.

En réponse à ces différents griefs, l’ONUa indiqué vers la fin du mois du, mai qu’elle travaillerait avec la Banque africaine d’import-export (Afreximbank) pour créer une plateforme qui facilitera le traitement des transactions pour les exportations russes de céréales et d’engrais vers l’Afrique.

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