Rémy Rioux (AFD) : « Des Jeux olympiques en Afrique, cela va dans le sens de l’Histoire »

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Rémy Rioux (AFD) : « Des Jeux olympiques en Afrique, cela va dans le sens de l’Histoire »
Rémy Rioux (AFD) : « Des Jeux olympiques en Afrique, cela va dans le sens de l’Histoire »

Thaïs Brouck

Africa-Press – Niger. Le directeur général de l’AFD explique pourquoi la France et le Comité international olympique ont organisé un sommet alliant sport et développement, le 25 juillet, à Paris. Une initiative inédite, qui pourrait bénéficier à l’Afrique.

Le 25 juillet, la veille de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris, le monde du sport et celui de l’aide au développement se sont donné rendez-vous, au Louvre, pour un sommet inédit en son genre. Le credo ? « Les investissements dans le sport, facteurs de développement économique et de lutte contre les inégalités. »

Organisé par le Comité international olympique (CIO) et par la France, en présence de leurs présidents respectifs, Thomas Bach et Emmanuel Macron, et avec le soutien de l’Agence française de développement (AFD), ce sommet a rassemblé 500 participants, dont une cinquantaine de chefs d’État. Parmi eux, le Sénégalais Bassirou Diomaye Faye, dont le pays organisera les Jeux olympiques de la jeunesse en 2026.

À cette occasion, Finance in Common (FiCS), un groupement de banques publiques de développement, s’est engagé à investir 9,2 milliards d’euros dans différentes infrastructures sportives mondiales d’ici à 2030. De son côté, le CIO a annoncé qu’il augmentait de 10% le budget qu’il alloue à la solidarité olympique, en le portant à 650 millions de dollars pour les années 2025-2028. Ces fonds soutiendront athlètes et programmes de développement du sport partout dans le monde. Pour Rémy Rioux, le directeur général de l’AFD, la contribution du sport aux Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies est bel et bien en marche. Rencontre.

Pourquoi avoir organisé un sommet international sur le sport et le développement durable la veille de l’ouverture des JO ?

Rémy Rioux: Jusqu’à ce 25 juillet 2024, le monde du développement et celui du sport ne se parlaient guère. Pourtant, depuis 2017, l’AFD s’intéresse au sujet. Nous avons soutenu 200 projets de développement par le sport dans une cinquantaine de pays, à commencer par Afrique, pour un montant total de près de 200 millions d’euros. Nous estimons avoir ainsi touché quelque 10 millions de personnes.

Mais l’on peut et l’on doit faire beaucoup mieux. C’est le sens de notre sommet. Mettre enfin le pouvoir du sport – inspiration, innovation, engagement – au cœur de nos actions en faveur du développement durable. La FIFA et la NBA, qui se sont engagées chacune à construire 1 000 terrains de sport, ont répondu très concrètement à notre appel.

Comment le soutien financier de banques de développement au monde sportif contribue-t-il à l’émergence d’un pays ?

Dans les économies avancées, le secteur des industries culturelles et créatives a un poids considérable. On estime que le sport représente à lui seul environ 2% du PIB. Or, en Afrique, l’économie du sport ne compte que pour 0,5% du PIB. Il y a donc un potentiel majeur à explorer. C’est la raison pour laquelle, lors du sommet, notre filiale Proparco et l’IFC, la filiale de la Banque mondiale consacrée au secteur privé, ont fait part de leur volonté d’investir, avec le fonds Hélios, dans le business du sport en Afrique, notamment dans des « arénas ».

S’agissant des JO de la jeunesse de 2026, l’AFD accompagne le gouvernement et le comité olympique sénégalais dans la rénovation d’infrastructures (comme le stade Iba-Mar-Diop ou la piscine olympique de l’Œuf, dans le quartier populaire de la Medina) ainsi que dans la construction d’infrastructures sportives de proximité, à Dakar et ailleurs dans le pays. Une cité du cuir devrait voir le jour à proximité du stade, dans le quartier des cordonniers. Notre objectif est de maximiser les retombées économiques et sociales de cet événement sportif tout en maîtrisant son empreinte carbone. C’est cela, le sport pour le développement durable.

Il est rare, et inhabituel, que les banques de développement financent le sport. Comment changer la donne ?

Nous soutenons la pratique du rugby féminin à Madagascar, celle du surf pour favoriser les politiques de prise en charge des maladies mentales, en Afrique du Sud, ou encore celle de l’escrime pour favoriser la réinsertion des détenus mineurs à Thiès, au Sénégal. Nous semons des graines.

Nos investissements sont encore majoritairement des subventions, pour montrer aux acteurs du sport que nous leur prêtons attention. Mais l’on commence à voir des pays prêts à s’endetter pour développer leur politique sportive, et des entrepreneurs déterminés à investir. C’est très encourageant. Un pays qui s’endette pour le sport estime qu’il créera ainsi de la valeur pour son économie et que le sport est un investissement, une politique publique comme une autre.

Les chefs d’État présents au sommet, ce 25 juillet, l’ont bien compris. Ils sont prêts à tenir dix engagements, et l’AFD souhaite amplifier son action pour les y aider. Quant au FiCS, il prévoit d’investir 10 milliards de dollars d’ici à 2030 dans les infrastructures sportives.

Compte tenu des besoins de l’Afrique en matière d’éducation, d’emploi, de santé, d’infrastructures, certains estiment qu’investir dans le sport n’est pas une priorité pour le continent…

Je ne suis pas d’accord. Le sport, ce n’est pas ce qui vient en dernier, après que l’on a tout mis en place. Il faut le développer en même temps que les autres secteurs. La France a-t-elle attendu pour bâtir ses infrastructures sportives ? Pourquoi l’Afrique n’aurait-elle pas ce droit ? Je ne suis pas naïf ; le sport n’a pas nécessairement un impact [économique], et il faut veiller très sérieusement à la qualité des infrastructures et à l’inclusion des territoires. Les agences de développement doivent se mobiliser sans attendre. Je remercie Ajay Banga, le président de la Banque mondiale, d’avoir accepté que nous travaillions au premier rapport de référence sur les effets du sport sur le développement.

Nous ne parviendrons à réorienter notre trajectoire de développement et à hâter sa course que si nous modifions la manière dont nous envisageons l’avenir, grâce à de nouvelles références, à de nouvelles inspirations. La culture et le sport sont, par excellence, les domaines dans lesquels la diversité prend une dimension universelle. Avant d’être un lieu géopolitique, les JO sont ce moment unique où nous réalisons que nous vivons sur une même Terre. Le succès planétaire de leur cérémonie d’ouverture en témoigne.

Peut-on imaginer des JO organisés en Afrique, malgré les investissements colossaux que cela représente ?

Cela va évidemment dans le sens de l’Histoire. Et cela commencera en 2026, avec les Jeux olympiques de la jeunesse, à Dakar: le premier événement olympique organisé sur le continent depuis le baron de Coubertin, en 1896 ! Sans oublier les Championnats du monde de cyclisme sur route, qui se dérouleront à Kigali l’an prochain, et la Coupe du monde de football 2030, au Maroc.

En 2050, un jeune sur trois sera Africain. Il faut prendre toute la mesure de cette réalité: potentiellement, un médaillé olympique sur trois sera Africain. Il faut pleinement associer le continent aux dynamiques sportives internationales et mobiliser les financements pour y parvenir. Plusieurs pays africains songent à organiser des JO. J’espère que ce rêve se concrétisera.

Source: JeuneAfrique

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