Africa-Press – Niger. Difficile d’imaginer une plaine en Antarctique. Aujourd’hui, seulement 0,12% du continent blanc est recouvert de végétation. Il reste encore du chemin à parcourir avant de laisser place aux forêts et vallées figées sous les glaciers. Pourtant, le continent blanc verdit bien, et de plus en plus vite. Pour la première fois, une étude publiée dans Nature Geoscience caractérise ce verdissement sur la pointe la plus au nord de l’Antarctique.
Une accélération “choquante” du verdissement
La superficie occupée par les plantes a été multipliée par 14 sur la péninsule Antarctique, entre 1986 et 2021. Des chercheurs britanniques ont choisi la pointe la plus au nord du pôle Sud pour étudier l’évolution de sa végétalisation. Un choix loin d’être anodin, puisque la région bénéficie d’un climat maritime relativement doux par rapport au reste du continent, ce qui la rend beaucoup plus propice à la croissance des plantes.
Les chercheurs ont comparé la surface occupée par la végétation sur les 500.000 km2 de la péninsule Antarctique, grâce à des images des satellites Landscat prises à la même période, entre 1986 et 2021.
Pour évaluer l’étendue de la couverture végétale, les scientifiques ont utilisé les mesures par satellite de la lumière. Les plantes en pleine croissance absorbent de la lumière rouge, et rejettent des rayons proches de l’infrarouge. Si en 1986, à peine 1 km2 du continent tend à verdir, la part de végétation atteint presque 12 km2 en 2021.
“Nous nous attendions à une certaine augmentation de la couverture végétale globale, mais l’ampleur de la tendance au “verdissement” que nous avons trouvée nous a choqués”, explique Olly Barnett, auteur de l’étude et maître de conférence en télédétection à l’université du Hertfordshire au Royaume-Uni. Ce qui “choque” dans les résultats, publiés dans la revue Nature Geoscience, c’est l’accélération de ce processus sur les cinq dernières années. De 2016 à 2021, le taux d’expansion de la végétation est supérieur de 33% par rapport aux 35 années étudiées.
Les chiffres peuvent paraître faibles, mais les chercheurs tirent la sonnette d’alarme. “Dans un continent aussi peu végétalisé que celui-ci, même les changements de la couverture végétale relativement faibles par rapport aux normes mondiales ont le pouvoir d’entraîner de grands changements écologiques”, ajoute le scientifique.
Une menace pour la biodiversité locale
La péninsule Antarctique est également la région australe qui se réchauffe le plus vite. Un climat doux, qui favorise le développement des mousses, lichens et champignons. “Il n’existe pour le moment que deux variétés de plantes à fleurs natives de la péninsule !”, explique Thomas Roland, maître de conférence en géographie physique à l’université d’Exeter, au Royaume-Uni.
En proliférant, ces mousses pourraient créer de nouveaux sols, propices au développement d’espèces non-natives de la région. Pour Thomas Rolland, la fréquentation de la péninsule en est compromise, “les graines, les spores et les fragments de plantes sur les bottes ou l’équipement des touristes et des chercheurs peuvent facilement se retrouver ici, mais aussi par des voies plus « traditionnelles » associées aux oiseaux migrateurs et au vent”.
La vraie crainte, c’est l’homogénéisation de la biodiversité australe. “La péninsule est divisée en régions biogéographiques distinctes, explique le scientifique. Cette tendance à l’écologisation pourrait voir ces régions devenir plus connectées, ce qui laisserait craindre à une réduction de la biodiversité dans l’ensemble de la région”.
Le changement climatique responsable ?
Dans l’étude, les scientifiques expliquent que la fonte des glaces de mer prive progressivement le continent d’une protection contre la végétalisation non native.
Le 19 septembre 2024, le Centre national américain des données sur la neige et la glace mesurait 17,16 millions de km2 de banquise autour de l’Antarctique. C’est 200.000 km2 de plus qu’en 2023, mais aussi le deuxième niveau le plus bas enregistré depuis 1979. Il n’existe pas de consensus certain sur la cause de la fonte des glaces polaires, mais le changement climatique n’y serait pas pour rien. L’Antarctique est un continent, recouvert d’une couche de glace pouvant aller jusqu’à 4 km de profondeur, et entourée par une banquise. Si le niveau de glace a toujours varié en fonction des périodes, il a atteint ses niveaux les plus bas enregistrés ces deux dernières années.
L’étude publiée dans Nature Geoscience est uniquement observationnelle, et ne suffit pas à établir un lien causal entre le changement climatique d’origine anthropique, et la fonte des glaces. Pour en savoir plus sur l’évolution de la biodiversité australe, et démontrer ce lien, Thomas Roland et son équipe espèrent pouvoir prolonger leurs recherches directement sur place, sur la péninsule Antarctique.
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