Homo sapiens s’est aventuré hors d’Afrique plus tôt que nous le pensions

11
Homo sapiens s’est aventuré hors d’Afrique plus tôt que nous le pensions
Homo sapiens s’est aventuré hors d’Afrique plus tôt que nous le pensions

Africa-Press – Niger. Enfouis sous six mètres de sédiments à l’intérieur d’une grotte laotienne, deux os d’Homo sapiens, un os frontal et un fragment de tibia, ont été découverts par les chercheurs d’une étude internationale publiée dans Nature Communications le 13 juin 2023. « Depuis le début des recherches dans la grotte de Tam Pa Ling, en 2010, on a trouvé sept individus, d’âges géologiques différents. Les derniers os, découverts juste avant la pandémie de Covid, sont d’autant plus remarquables qu’il s’agît d’os d’Homo sapiens de -80.000 ans », souligne Fabrice Demeter, directeur de l’étude, pour Sciences et Avenir. La morphologie de l’os frontal indique qu’il provient d’une population dite « gracile ». C’est un homme moderne, il n’a pas les traits robustes que l’on trouve sur d’autres fossiles, datés d’il y a 45.000 ans.

Une des premières vagues migratoires d’Homo sapiens hors d’Afrique

Ces ossements témoignent d’une des premières vagues migratoires d’Homo sapiens hors d’Afrique. C’est sur le continent africain qu’ont été retrouvés les traces les plus anciennes d’hominidés. Homo sapiens y serait ainsi apparu il y a au moins 300.000 ans. En revanche, deux hypothèses sont évoquées pour dater sa migration vers l’Eurasie. Sa dispersion pourrait être précoce (entre -130.000 et -80.000 ans) ou tardive (après -80.000 ans). D’après les données génétiques des fossiles comparées à celles des populations actuelles, plusieurs études s’accordent sur une installation durable d’Homo sapiens en Europe vers – 60.000 ou – 50.000 ans. Leur contribution génétique est très forte au sein des populations actuelles.

« La fourchette de datation de l’os frontal et du tibia (voir images ci-dessous, ndlr) s’étend de -86.000 à -68.000 ans. Cette découverte documente donc l’une des premières vagues migratoires de sortie de l’Afrique, il y a plus de 86.000 ans, peut-être, 90 ou 100.000 ans », s’émerveille Fabrice Demeter.

Enfouis sous six mètres de sédiments à l’intérieur d’une grotte laotienne, deux os d’Homo sapiens, un os frontal et un fragment de tibia, ont été découverts par les chercheurs d’une étude internationale publiée dans Nature Communications le 13 juin 2023. « Depuis le début des recherches dans la grotte de Tam Pa Ling, en 2010, on a trouvé sept individus, d’âges géologiques différents. Les derniers os, découverts juste avant la pandémie de Covid, sont d’autant plus remarquables qu’il s’agît d’os d’Homo sapiens de -80.000 ans », souligne Fabrice Demeter, directeur de l’étude, pour Sciences et Avenir. La morphologie de l’os frontal indique qu’il provient d’une population dite « gracile ». C’est un homme moderne, il n’a pas les traits robustes que l’on trouve sur d’autres fossiles, datés d’il y a 45.000 ans.

Une des premières vagues migratoires d’Homo sapiens hors d’Afrique

Ces ossements témoignent d’une des premières vagues migratoires d’Homo sapiens hors d’Afrique. C’est sur le continent africain qu’ont été retrouvés les traces les plus anciennes d’hominidés. Homo sapiens y serait ainsi apparu il y a au moins 300.000 ans. En revanche, deux hypothèses sont évoquées pour dater sa migration vers l’Eurasie. Sa dispersion pourrait être précoce (entre -130.000 et -80.000 ans) ou tardive (après -80.000 ans). D’après les données génétiques des fossiles comparées à celles des populations actuelles, plusieurs études s’accordent sur une installation durable d’Homo sapiens en Europe vers – 60.000 ou – 50.000 ans. Leur contribution génétique est très forte au sein des populations actuelles.

« La fourchette de datation de l’os frontal et du tibia (voir images ci-dessous, ndlr) s’étend de -86.000 à -68.000 ans. Cette découverte documente donc l’une des premières vagues migratoires de sortie de l’Afrique, il y a plus de 86.000 ans, peut-être, 90 ou 100.000 ans », s’émerveille Fabrice Demeter.

Les données de fouilles archéologiques chinoises indiquaient déjà une sortie de l’homme moderne de son berceau africain autour de -100.000 ans, « même si la datation sur certains sites peut être contestée », nuance le scientifique. Il y a donc eu une sortie massive d’Afrique vers -60.000 ans, qui a donné le peuplement actuel, mais également d’autres sorties antérieures, des tentatives d’explorer le monde. Ces populations n’ont toutefois pas survécu, ce qui explique que leur contribution génétique soit très faible : moins d’1% au sein des populations australasiennes (ensemble des populations actuelles sur le continent asiatique et en Océanie) actuelles, d’après les analyses génomiques.

« Pièges à fossiles »

« C’était inespéré de trouver des ossements dans une région comme celle-ci, soumise aux pluies diluviennes de mousson cinq mois par an », se réjouit le chercheur. Avec plus de 2000 mm de pluie par an sur certains versants à la végétation luxuriante, l’acidité des sols est particulièrement élevée et les restes osseux ne se conservent pas. La possibilité de retrouver des fossiles ou des squelettes intacts se limite donc à des « pièges à fossiles ». C’est le cas de la grotte Tam Pa Ling, au Nord-Est du Laos, aussi appelée « grotte des singes ».

L’entrée de la grotte est aujourd’hui gigantesque : 40 mètres de large sur 30 mètres de haut. « Mais elle se serait largement ouverte il y a 10.000 ans seulement. Antérieurement, l’accès devait être bien plus étroit, et c’est pourquoi les hommes préhistoriques n’y ont pas habité. Aucune trace de foyer, ni d’outils lithiques n’ont été retrouvées », souligne Fabrice Demeter. Mais alors d’où viennent les ossements qui y ont été découverts ? Il faut imaginer que ces groupes humains vivaient aux alentours de la grotte. Lorsqu’ils sont morts, les restes osseux ont été transportés par les pluies lors des moussons jusque dans le fond de la cavité, où ils ont été préservés au cours du temps par les couches de sédiments successives.

Des dents de bovins pour dater les ossements

Les chercheurs ont rapidement été confrontés à un problème de taille : estimer l’âge d’un os de plus de 45.000 ans se révèle impossible par datation au carbone 14. L’os étant un milieu ouvert, il perd des éléments « traces » au fur et à mesure des années. Les premiers individus découverts à Tam Pa Ling, à deux mètres de profondeur, avaient près de 45.000 ans. “Et à mesure que l’on creuse, on remonte le temps », sourit le directeur de l’étude. En deçà, impossible, donc, de compter sur la datation carbone. Deux techniques s’y substituent alors.

Les chercheurs ont d’abord daté les couches de sédiments en exposant des minéraux qu’elles contiennent, quartz et feldspath, à de la lumière. Plus l’échantillon est ancien, plus il émet de lumière. « On combine ces résultats avec des datations directes de l’émail des dents de mammifères qu’on peut retrouver au sein des strates sédimentaires », explique Fabrice Demeter.

A partir de la datation des sédiments et de dents de bovins retrouvées près des ossements d’Homo sapiens, des géochronologistes ont réalisé une fourchette d’âge de l’os frontal et du tibia en tenant compte de différents paramètres. Ils seraient donc âgés de 86.000 à 68.000 ans.

« Ce ne sont sans doute pas les seules sorties d’Afrique avant 60.000 ans, on n’en a simplement pas encore trouvé les traces », s’impatiente le chercheur. Homo sapiens n’était d’ailleurs pas seul sur le continent asiatique. Sur la même période, quatre autres espèces occupaient cette région, notamment Homo luzonensis, aux Philippines, Homo floresiensis, l’homme de florès, et Homo erectus en Indonésie. Au Laos, Fabrice Demeter et son équipe de chercheurs avaient même révélé la présence de Dénisoviens, une espèce éteinte proche de l’homme de Neandertal et d’Homo sapiens et avec laquelle elle s’est hybridée. C’est à 100 mètres seulement à vol d’oiseau de Tam Pa Ling, dans la grotte du Cobra, que les scientifiques ont découvert une dent d’enfant dénisovienne.

Tam Pa Ling n’a pas fini de livrer ses secrets. En 2022, l’équipe a commencé à analyser l’ADN environnemental de la grotte, c’est-à-dire l’ADN contenu dans le sol. « Cela permet, là où il n’y a plus de fossiles osseux, de trouver des traces de tout ce qui vivait dans l’environnement, des plantes aux animaux, en passant par les microbes…” explique Fabrice Demeter. L’objectif est de pouvoir reconstruire tout le paléoenvironnement dans lequel ces humains ont vécu. Si les fouilles ont atteint le fond de la grotte, à sept mètres de profondeur, les chercheurs souhaitent à présent élargir son périmètre et étendre la fouille sur le plan horizontal.

La découverte de Tam Pa Ling en 2009, racontée par Fabrice Demeter

« Cela a été une vraie surprise ! Je me souviens, on travaillait sur un site depuis un long moment et on a découvert la grotte quatre jours avant la fin des recherches. On fouillait alors un site d’âge néolithique, un abri sous roche, en contrebas de la colline où se trouve Tam Pa Ling. En fin d’expédition, on passe généralement trois ou quatre jours à prospecter pour essayer de trouver des choses potentiellement intéressantes pour les années suivantes. Et c’est ce que notre géologue, Philippe Duringer, fait toujours. Il a trouvé l’entrée de cette grotte et m’y a emmené, juste avant de déjeuner. J’étais fasciné par cette cavité gigantesque et tout le potentiel qu’elle offrait. On s’est empressés d’ouvrir un sondage, une rapide étude du sous-sol, avant de rentrer en France. On a ainsi trouvé des charbons de bois à 2,40 m de profondeur. Je les ai ramenés en métropole pour datation : ils étaient vieux d’au moins 45.000 ans car on arrivait aux limites de la datation au carbone 14. Ça signifiait qu’en dessous de ces niveaux-là, ce qu’on trouverait serait plus vieux que 45.000 ans ! J’ai pensé qu’autour de ces dates, Homo sapiens était sorti d’Afrique et que ça aurait été formidable d’en trouver ici. L’année suivante, on a commencé les fouilles avec nos collègues laotiens et des ouvriers d’un village Hmong juste à côté. Après deux semaines de recherches, les restes d’un premier crâne sont apparus ! »

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Niger, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here