Africa-Press – Niger. L’ascension du Kilimandjaro a été pour Fabrice Amedeo le point d’orgue et la conclusion de sa préparation physique en vue de sa prochaine participation à la transat Jacques Vabre, dont le départ doit être donné en octobre 2023. Du 9 au 18 juin, le navigateur de courses au large a ainsi emprunté la route Machame, « une très belle voie qui n’est ni la plus simple ni la plus difficile, raconte Fabrice Amedeo. Elle part de 1850 mètres d’altitude en pleine forêt équatoriale. Nous avons ensuite rejoint le sommet à 5887 mètres en 5 jours et sommes redescendus en un jour et demi ».
Analyses toxicologiques au Kilimandjaro
Avant son départ, le navigateur avait glissé dans son sac-à-dos des éprouvettes confiées par la société Tame Water, un laboratoire vendéen spécialisé dans les analyses de toxicité de l’eau. « J’ai effectué deux séries de prélèvements : la première dans les neiges éternelles et les glaces du haut du Kilimandjaro et la seconde au pied de la voie, à 1800 mètres d’altitude, dans un ruisseau ». Les échantillons ont été livrés le 27 juin au laboratoire qui doit maintenant réaliser des analyses toxicologiques afin d’y trouver d’éventuelles traces d’hydrocarbures, de métaux lourds, de perturbateurs endocriniens ou de microplastiques.
Tout au long du chemin qui le menait sur le toit de l’Afrique, Fabrice Amedeo a pu observer quantités de petits plastiques de type emballage de bonbons, bâtons de sucettes, petite bouteilles, canettes et mégots. Le sommet était quant à lui jonché de chaufferettes. « Dans le premier cas, il s’agit sans doute d’une pollution liée aux porteurs, analyse-t-il. Mais les canettes de Red Bull et les chaufferettes du sommet sont imputables aux touristes, principalement des Français et des Américains, plus sensibilisés à la pollution. Cela me rend triste, car cet endroit est magnifique : on y croise d’abord des singes et nombre d’oiseaux dans une nature verdoyante. Vers le sommet, le paysage devient progressivement lunaire, mais on y croise encore des aigles ! »
Des capteurs de CO2, de température et de salinité installés sur le bateau de Fabrice Amedeo
La démarche scientifique de Fabrice Amedeo est d’abord guidée par son amour de l’océan et sa sensibilité aux changements environnementaux qui l’affectent. C’est ainsi qu’en 2019 il décide d’installer sur son bateau de course au large (un Imoca à foils) des capteurs de CO2, température et salinité, complétés l’année suivante par un système de captage de microplastiques. Celui-ci a déjà permis de démontrer que l’abondance des microplastiques augmente avec la diminution de leur taille. Les tamis retenant les particules de 100 micromètres contenaient tous des microplastiques, contre 64% pour les tamis de 300 micromètres. Et les chercheurs de l’Ifremer et de l’université de Bordeaux ont noté la présence prépondérante des fibres cellulosiques, issues du lavage de nos vêtements synthétiques.
En 2022, ce dispositif s’est encore enrichi d’un collecteur d’ADN environnemental. Il s’agit là de tous les brins d’ADN relâchés par les organismes lors de leur passage dans le milieu. Cette analyse permettra de recenser les organismes présents localement, des virus jusqu’aux baleines, des espèces en voie de disparition aux espèces invasives et autre pathogènes. Ce capteur d’ADN environnemental devait fonctionner tout au long de la Route du Rhum, une course transatlantique entre Saint-Malo et la Guadeloupe qui a lieu tous les quatre ans. Mais l’aventure tourne court. Après avoir subi une voie d’eau suivi d’un incendie, le bateau sombre. Fabrice Amedeo dérive ensuite plusieurs heures sur son radeau de survie et est finalement sauvé par un bateau cargo.
Après ce naufrage traumatisant, l’ascension du Kilimandjaro a pour le navigateur une valeur de symbole, celui d’un nouveau départ. En janvier 2023, il a fait l’acquisition de l’Imoca du guadeloupéen Rodolphe Sepho, qui doit être mis à l’eau le 16 juillet prochain. L’aventure scientifique initiée en 2022 avec Xavier Pochon, biologiste marin à l’université d’Auckland (Nouvelle-Zélande) va pouvoir reprendre. Si, à l’issue de la course à la voile Jacques Vabre, ce nouveau bateau est qualifié pour l’édition 2024 du Vendée Globe, il fera alors le tour du monde avec ses capteurs.
Mais le navigateur veut aller plus loin et compléter ces mesures de pollution des océans par des mesures à terre. « Je pense renouveler l’aventure l’année prochaine dans les Andes argentines. J’ai adoré cette ascension du Kilimandjaro : on ressent au sommet une émotion proche de celle que l’on éprouve à l’issue d’une course en mer ».
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