Africa-Press – Niger. C’est par un corridor naturel, aujourd’hui disparu, que les ancêtres du Tyrannosaurus rex, le plus célèbre des dinosaures, auraient gagné l’Amérique du Nord, il y a plus de 70 millions d’années. Un groupe de tyrannosauridés venus d’Asie a sans doute emprunté le pont terrestre du détroit de Béring pour coloniser l’île-continent de Laramidie qui formait à l’époque la moitié occidentale de l’Amérique du Nord, alors séparée en deux par une mer intérieure. C’est l’hypothèse avancée par une équipe internationale coordonnée par l’University College de Londres (UCL), dont les travaux, fondés sur une modélisation biogéographique complexe, sont publiés dans la revue Royal Society Open Science.
Sur les traces de l’ancêtre asiatique du T. rex
L’origine géographique de Tyrannosaurus rex demeure un sujet de controverse parmi les paléontologues. Car si ses lointains ancêtres sont bien identifiés, ses ascendants directs sont encore inconnus. Certains spécialistes estiment que toute son histoire s’est déroulée en Amérique du Nord et que des dinosaures comme les daspletosaures ou Tyrannosaurus mcraeensis, morphologiquement très proches, lui sont étroitement liés. D’autres soulignent sa proximité avec des tyrannosauridés asiatiques comme Tarbosaurus bataar. Pour clarifier ce débat, Cassius Morrison, doctorant à l’UCL, et ses collègues ont eu recours à des modèles probabilistes intégrant données fossiles, phylogénies évolutives, paléogéographie et paléoclimat.
« Nos résultats indiquent que les ancêtres du T. rex ont très vraisemblablement migré d’Asie vers l’Amérique du Nord via le détroit de Béring », confirme Cassius Morrison. « Ce mouvement transcontinental est compatible avec des travaux antérieurs qui avaient mis en évidence la parenté étroite entre T. rex et des formes asiatiques comme Tarbosaurus. » Le modèle indique un scénario de dispersion depuis l’Asie vers l’ouest de l’Amérique du Nord, où le T. rex aurait ensuite évolué indépendamment.
Quant à son ancêtre direct, il demeure inconnu. « Nous ne pouvons pas désigner un genre ou une espèce avec certitude », concède Cassius Morrison. « Il s’agit probablement d’un membre d’une lignée fantôme, une branche évolutive prédite par la phylogénie, mais non encore documentée par des fossiles ». Concernant l’hypothèse concurrente d’une origine nord-américaine, appuyée en 2023 par la description de Tyrannosaurus mcraeensis, le chercheur reste prudent. « Le contexte stratigraphique de ce spécimen est mal contraint. La datation repose sur des marqueurs paléontologiques contestables », estime-t-il. « Nous pensons qu’il est prématuré d’y voir une preuve d’antériorité ou d’origine locale pour le T. rex ».
Gigantisme et changement climatique
L’étude se penche également sur un autre groupe de grands théropodes, les mégaraptors, dont l’histoire évolutive reste encore largement méconnue. Ces carnivores aux crânes allongés et dotés de bras puissants (plus longs en proportion que ceux du T.rex) auraient également émergé en Asie. Ils seraient apparus il y a environ 120 millions d’années, avant de se disperser vers l’Europe puis l’ensemble du Gondwana, le super-continent réunissant l’Amérique du Sud, l’Afrique, l’Antarctique et l’Australie. « Ce qui est frappant, c’est que les tyrannosauridés et les mégaraptors ont tous deux connu un accroissement rapide de leur taille au même moment, juste après l’extinction des carcharodontosauridés », souligne Cassius Morrison.
Ces prédateurs, qui dominaient la planète au début du Crétacé, ont disparu il y a environ 90 millions d’années, laissant un vide au sommet des chaînes alimentaires. « Notre hypothèse est que cette extinction a ouvert une niche écologique que ces nouveaux dinosaures ont pu occuper, en tirant parti de leur morphologie et peut-être de leur physiologie », ajoute-t-il. Cette extinction coïncide (presque) en effet avec un refroidissement des températures mondiales qui a débuté il y a environ 92 millions d’années. Les chercheurs estiment que les tyrannosaures auraient pu mieux tolérer les basses températures grâce à une activité métabolique plus soutenue. « Leur croissance rapide, leur morphologie robuste et la présence probable de plumes suggèrent une physiologie adaptée à un climat plus frais », conclut-il.
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