Les toutes premières formes de vie sur Terre auraient été stabilisées par… la pluie

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Les toutes premières formes de vie sur Terre auraient été stabilisées par... la pluie
Les toutes premières formes de vie sur Terre auraient été stabilisées par... la pluie

Africa-Press – Niger. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le climat terrestre n’a pas toujours été très accueillant, et encore moins propice à la vie. À sa formation, il y a 4,6 milliards d’années, la Terre était soumise à des bombardements de comètes et d’astéroïdes embrasant son sol. Mais une fois sa météo stabilisée, près d’un milliard d’années plus tard, de petites molécules organiques et polarisées, c’est-à-dire chargées électriquement, ont pu se former.

En 1922, Alexandre Oparin, biochimiste, propose même une théorie selon laquelle ces composés se seraient rapidement assemblés en amas, grâce à leurs affinités électrostatiques. Naîtraient alors les “coacervats”. Ils sont à l’origine d’une des nombreuses théories sur l’émergence de la vie. Ces assemblages de molécules ont-ils pu évoluer vers les cellules qui composent aujourd’hui les êtres vivants ?

L’idée ne fait pas consensus, loin de là. Des scientifiques émettent des réserves. Et pour cause première: le coacervat est très instable. “Les fragiles liaisons qui le maintiennent se rompent facilement”, reconnaît Nicolas Martin, chercheur au CNRS et spécialiste des coacervats, lors d’une interview pour Sciences et Avenir. Pour le poste de protocellules, c’est-à-dire de regroupement de molécules qui auraient pu évoluer vers des cellules, certains chercheurs sceptiques leur préfèrent donc les vésicules d’acides gras. Semblables à des capsules, elles possèdent une membrane et s’avèrent bien plus stables.

Mais une nouvelle étude américaine pourrait bien rebattre les cartes, en proposant une solution pour stabiliser ces coacervats. Un autre protagoniste entre en scène: la pluie ! Leurs travaux montrent en effet que les gouttes d’eau auraient pu consolider les coacervats en les enveloppant. Les résultats ont été publiés dans la revue Science Advances.

Origines de la vie: d’où vient la première protocellule ?

Pour comprendre la portée de cette étude fondamentale, il faut l’associer à la théorie dans laquelle elle s’inscrit. Alors, comment la première protocellule est-elle apparue sur Terre ? “De nombreuses hypothèses tentent d’éclairer les conditions qui ont permis l’émergence de la vie”, expose Grégoire Danger, chercheur à l’Université d’Aix-Marseille et spécialiste en évolution de la matière organique. “Souvent, elles se basent sur le concept de soupe primitive.” Il s’agit d’une accumulation de molécules organiques qui, en présence d’énergie, aurait été à l’origine des premières protocellules. Mais par quel moyen ?

Une approche consiste à penser que les composés organiques de la soupe prébiotique, après une longue évolution, auraient pu former des ARN (acide ribonucléique). “Cette molécule a l’avantage de coder des informations, comme le fait l’ADN, mais aussi d’accélérer des réactions chimiques”, indique Grégoire Danger. Deux fonctions bien utiles quand on réfléchit à l’émergence des premiers systèmes biochimiques. C’est de ce postulat, appelé “Monde ARN”, que sont partis les chercheurs pour cette nouvelle étude.

Assurer la compétition, et donc l’évolution des coacervats

Le défi pour les chercheurs était donc de trouver une solution pour isoler les coacervats au moins quelques jours, le temps que des mutations puissent s’opérer et que naissent différentes populations. Au cours de ses expériences, Aman Agrawal, premier auteur de l’étude, immerge les coacervats dans de l’eau distillée, c’est-à-dire de l’eau quasi dépourvue de sels minéraux et de molécules organiques. Comme il l’espérait, le liquide forme une pellicule autour des amas d’ARN, séquestrant le matériel génétique pendant plusieurs jours.

“L’eau a des propriétés uniques”, s’enthousiasme Nicolas Martin. Elle peut créer des interactions dites “hydrophobes”, dans lesquelles des molécules similaires n’ayant aucune affinité avec l’eau, se regroupent. “L’eau favorise un auto-assemblage”, ajoute le chimiste. Rien de très étonnant donc à ce qu’elle ait stabilisé les amas d’ARN. Mais d’où aurait pu provenir l’eau distillée il y a près de quatre milliards d’années ? Au cours d’un déjeuner entre chercheurs, Alamgir Karim, co-auteur de l’étude, s’exclame: “L’eau de pluie !”

A quoi ressemblait la pluie il y a 3,8 milliards d’années ?

Les scientifiques sont rapidement confrontés à un nouveau problème: l’eau distillée de laboratoire ne contient aucun contaminant, ni sel, et son pH est neutre, parfaitement équilibré entre acide et base. “En bref, elle est aussi éloignée des conditions réelles qu’une ressource peut l’être”, déplore l’équipe d’Arman Agrawal. D’autant plus que la pluie devait être bien différente il y a 3,8 milliards d’années…

Les chercheurs réitèrent donc l’expérience avec de l’eau de pluie tombée à Houston, et de l’eau distillée, rendue aussi acide que du vinaigre. Victoire: la pellicule d’eau se formait malgré tout à l’interface des coacervats. Mais l’intérêt de ce solvant ne s’arrête pas là… Si l’eau permet de piéger les ARN dans les coacervats, et donc d’assurer leur individualité, la pellicule n’est pas, pour autant, tout à fait imperméable, et c’est une bonne chose…

“Il faut imaginer les coacervats stabilisés comme des pelotes de laine immergée dans de l’eau”, illustre Nicolas Martin. De petites molécules parviennent à entrer et sortir de ce réseau, du fait des conditions chimiques ou des interactions électrostatiques locales. Parmi les molécules échangées: des ARN courts, dont la circulation est essentielle à l’évolution des protocellules. En effet, ils peuvent alimenter l’élongation des ARN, qui aboutit à des objets plus gros, capables de générer des activités biologiques. Ainsi, les coacervats auraient pu évoluer et échanger du matériel génétique.

La division des protocellules à l’origine de la vie sur Terre

A partir de cette théorie, on peut imaginer que les coacervats aient subi des pressions et des différenciations qui aient abouti à une compétition et donc à leur évolution. “Les protocellules ont probablement dû faire face à des bouleversements dans les conditions environnementales: températures, pH, salinité ou encore, rayonnements UV”, avance Grégoire Danger. Ces facteurs auraient également pu participer à la division des premières protocellules.

“La division est un domaine particulièrement étudié à l’heure actuelle. Les dernières études montrent qu’il aurait sans doute fallu des réactions, internes ou en réponses à des facteurs environnementaux, pour changer d’abord la forme des coacervats, afin qu’ils ne soient plus sphériques mais semblables à des ovoïdes”, rapporte Nicolas Martin. Cette modification d’aspect déstabiliserait les coacervats et pourrait aboutir à leur division, étape nécessaire à l’émergence de cellules complexes.

Vers une membrane formée d’une bicouche lipidique ?

Ces travaux livrent une nouvelle hypothèse sur une première étape essentielle vers des systèmes potentiellement plus complexes. Ils soulèvent de nombreuses questions, notamment l’évolution et la division des protocellules, mais aussi et surtout: comment ces protocellules entourées d’une pellicule auraient pu évoluer vers les cellules qu’on connaît aujourd’hui, dotées d’une membrane lipidique.

Mais ce développement sur les coacervats ne représente, encore une fois, qu’une des nombreuses théories sur l’origine de la vie. “On ne saura d’ailleurs vraisemblablement jamais la ou lesquelles ont effectivement eu lieu, il y a 4 milliards d’années”, sourit Grégoire Danger. Vertigineux.

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