Africa-Press – Senegal. Ben Mamoudou Mbow, acteur principal du film « Demba », deuxième long métrage du cinéaste sénégalais Mamadou Dia, est un miraculé de la vie, né prématurément il y a soixante ans à Bamako, au Mali.
« Je suis né prématurément à Bamako. Le médecin avait dit à ma mère que je n’allais jamais vivre longtemps, car je suis très petit. Des propos qui ont beaucoup fait souffrir ma mère, qui pensait toujours à ma mort dès que je tombais malade », explique Mbow.
Surnommé Gnillel depuis toujours, terme très affectueux signifiant en langue pulaar « le tout petit », Ben Mamoudou Mbow avait déjà été figurant dans « Le Père de Nafi » (Baamum Nafi), premier long métrage de Dia.
Bijoutier de profession et animateur culturel par passion, le natif de Bamako – il affirme avoir été baptisé dans la chambre de la défunte épouse de feu Modibo Keita, le premier président du Mali – a grandi entre Matam et Saint-Louis (nord), avant de se retrouver à Abidjan, en Côte d’Ivoire, puis au Congo.
Des pérégrinations qui ont permis à Mbow de se former par le voyage et le contact avec d’autres cultures africaines. Un plein d’expérience et d’aventure humaine qui va lui servir des années plus tard, quand l’occasion lui a été donnée de faire du cinéma.
Un mois après sa naissance à sept mois, sa famille rentre au bercail, à Matam, pour retrouver ses sources.
« J’étais encore petit, confie Ben Mamoudou Mbow. On refusait que les visiteurs me voient du fait de mon poids. Jusqu’à mes quatre ans, je ne pouvais pas marcher et je pesais moins de 500 grammes. Ma mère s’inquiétait toujours, elle pensait que j’allais mourir chaque fois que je souffrais même de maux de tête. »
Initié au théâtre dès l’école primaire
Contre toute attente et malgré le diagnostic sans appel du médecin, le petit Mbow retrouve la santé plusieurs années plus tard. Et c’est à l’école élémentaire 3 de Gourel Serigne, l’actuelle école Thierno Abou Bâ, qu’il passe avec succès le concours d’entrée en sixième. Il quitte son Matam natal pour s’installer à Saint-Louis, où il est admis au lycée Charles de Gaulle.
Depuis le cours d’initiation à l’école primaire déjà, le jeune Mbow était attiré par les activités culturelles, influencé qu’il était par un enseignant qui « disait toujours aux élèves de former des troupes théâtrales ».
« J’étais dans la même école qu’El Hadji Hamidou Kassé, en 1976. Nous avions formé, avec d’autres élèves, des troupes et on jouait au théâtre », se souvient Ben Mamoudou Mbow en parlant de l’ancien conseiller en communication à la présidence de la République.
Après trois années à Saint-Louis, l’adolescent est obligé de rentrer à Matam pour être au chevet de son père, qui est malade. Pour ne rien arranger, il souffrait lui-même d’un début de paralysie à cette époque, d’où sa décision de mettre fin à ses études.
Le jeune homme guérit de sa maladie mais son père, lui, ne survit pas à la sienne. Il décède en 1984. Ben Mamoudou Mbow et son frère aîné, Salif, étudiant en philosophie à cette époque, se concertent pour la reprise de la bijouterie de leur défunt père. Ils décident finalement que c’est à Ben Mamoudou que reviendra la tâche de maintenir l’entreprise paternelle.
« Je me suis sacrifié pour arrêter les études et continuer à perpétuer le travail de mon père. C’est aussi parce que j’étais le plus proche de mon père. A six ans, je confectionnais déjà des bagues », dit Mbow, aujourd’hui aux commandes d’une bijouterie située à Tantadji, un quartier de Matam.
Un an plus tard, Mbow s’envole pour son pays natal, le Mali, pour une pérégrination qui va se poursuivre jusqu’en Côte d’Ivoire, où repose son frère Salif.
A son retour au bercail, en 1989, il est embauché à la Caisse de péréquation et de stabilisation des prix, à Dakar, et est affecté à Ourossogui, dans la région de Matam. Cette boîte ayant été privatisée, ses droits lui sont payés, ce qui lui permet de financer ses pérégrinations futures.
Avec les indemnités qu’il perçoit, Ben Mamoudou Mbow quitte le Sénégal pour le Congo. Il s’installe d’abord à Pointe-Noire, capitale économique de ce pays d’Afrique centrale, avant de résider à Dolisie, la troisième ville du Congo, et d’atterrir ensuite à Brazzaville, la capitale.
Ben Mamoudou Mbow rentre ensuite au bercail pour se consacrer définitivement à l’atelier de bijouterie de son père, qui est fermé depuis son départ du Sénégal pour le Mali.
Bijoutier et animateur culturel en même temps
Mbow croit tenir son amour de l’art de sa mère, descendante d’une lignée de griots ayant des attaches au Mali et en Côte d’Ivoire.
L’acteur culturel qu’il est, notamment en tant que membre de la commission culturelle de l’ASC Dental, du quartier Gourel Serigne, ne s’intéressait que de loin au cinéma, malgré plusieurs invitations à jouer dans des séries télévisées.
C’est seulement au retour du réalisateur Mamadou Dia des Etats-Unis qu’il se jette à l’eau en profitant de la très longue histoire d’amitié le liant à ce dernier, avec qui il a grandi dans le même quartier.
« Nos deux mères se sont connues à Bamako. L’une de ses sœurs aussi porte le nom de ma mère. Quand il est revenu des Etats-Unis, il est venu me proposer un rôle de figurant dans son premier long métrage, ‘Bamoum Nafi’, avant de me confier le rôle de Demba dans son deuxième film », explique-t-il.
Pour prouver son intimité avec le réalisateur, il révèle que Mamadou Dia, un petit-fils de Thierno Amadou Boyinadji, un grand marabout de la région, se cachait souvent pour aller suivre des pièces de théâtre dans lesquelles il jouait.
Ben Mamoudou Mbow joue désormais sur plusieurs tableaux. Il continue de tenir la bijouterie qu’il a héritée de son père, tout en contribuant à l’animation culturelle des écoles de la région.
Il reste de même un membre actif de la Fédération internationale des scénaristes d’Afrique francophone.
Durant le tournage de « Demba », long métrage dont il est l’acteur principal, Ben Mamoudou Mbow, pour mémoriser ses textes, avait l’habitude de se réfugier au bord du fleuve Sénégal, où il se sent plus à l’aise. Il y reste plongé dans l’univers qu’il s’est créé pour s’imprégner de son rôle, jusqu’à des heures très tardives.
Sous un arbre, une pirogue renversée lui sert de banc. Seul face au fleuve, aidé de la lumière de son téléphone mobile, il essaie de mettre en bouche ses textes, en attendant le tournage prévu le lendemain.
C’est dans cet univers que Ben Mamoudou Mbow reçoit pour entretenir son interlocuteur de son travail, un cadre idéal pour s’évader, avec ses jardins, ses pirogues accostant le rivage et son image de carte postale représentant des femmes lavant le linge.
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