Quand L’Opposition a Su Mettre Fin au Pouvoir du Régime de Macky Sall au Sénégal

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Quand L’Opposition a Su Mettre Fin au Pouvoir du Régime de Macky Sall au Sénégal
Quand L’Opposition a Su Mettre Fin au Pouvoir du Régime de Macky Sall au Sénégal

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Senegal. Même si après 12 ans au pouvoir, le président sortant Macky Sall laisse derrière lui une démocratie fragile, l’élection du candidat de l’opposition Bassirou Diomaye Faye représente un changement historique dans la transition du pouvoir au Sénégal, car c’est la première fois qu’un président sortant ne se représente pas aux élections, et dans ce cas bien précis, il y a de quoi parler longtemps.

Il faut mettre l’accent également sur le fait que le président élu, même s’il n’a jamais occupé de fonction nationale élective, il est devenu le « Cinquième président du Sénégal » et le plus jeune président de l’histoire de ce pays d’Afrique de l’Ouest.

• Macky Sall se perd dans ses promesses

Il importe de rappeler que Macky Sall avait remporté la présidence après une campagne électorale acharnée menée contre son mentor et ancien président « Abdoulaye Wade », qui l’avait placé sous son aile en tant que ministre, Premier ministre, président de l’Assemblée nationale et même directeur de sa campagne électorale.

Homme politique chevronné, s’exprimant lors de la quatrième Conférence de Harvard sur le développement de l’Afrique, Sall s’est adressé à un auditoire impressionné sur les défis de la démocratie et du développement en Afrique en déclarant que « Le changement démocratique en Afrique, comme ailleurs, n’est pas facile… Une démocratie idéale peut rester fragile après des années de pratique ».

Plus d’une décennie après ses paroles inspirantes à Harvard, des questions se posent sur la force et la résilience de la démocratie sénégalaise alors que le mandat de 12 ans (7 + 5) de Sall arrive officiellement à son terme le 2 avril 2024.

Il ne faut pas oublier que Macky Sall, à l’issue de sa victoire présidentielle de 2012, avait promis une nouvelle ère de bonne gouvernance au Sénégal, tout en déclarant qu’il s’attaquerait à la consolidation du pouvoir à la présidence en promouvant un système plus démocratique tout en abordant les questions de justice sociale et d’égalité.

Par ailleurs, au cœur de sa campagne électorale Sall s’était engagé de réduire le mandat présidentiel de sept à cinq ans, ce qui annulait l’augmentation mise en place par son prédécesseur Abdulaye Wade.

• L’objectif de Macky Sall était « un Sénégal pour tous »

Certes, le président sortant croyait bien faire et pensait surtout qu’il était sur la bonne voie, celle de l’excellence dans la gouvernance du pays, néanmoins, d’autres controverses ont fait surface ternir la présidence de Sall, notamment des scandales financiers, une répression des libertés civiles et une économie chancelante, qui ont jeté une ombre sur son héritage et sa contribution au développement du Sénégal, selon les estimations des analystes.

Toujours selon certains d’entre eux, Macky Sall aurait compris tardivement que le Sénégal n’était pas seulement Dakar, pour s’impliquer dans le développement en dehors de la capitale, sachant qu’avant la présidence de Sall, les grands projets d’infrastructure et de développement étaient concentrés sur la capitale, mais qu’il a réussi à élargir ces projets pour inclure les zones rurales.

C’est ainsi que l’engagement de Sall en faveur du développement des infrastructures comprenait des projets tels que le nouveau chemin de fer reliant la zone urbaine de Dakar et le développement du réseau routier du pays. Il avait même obtenu un financement de 7,5 milliards de dollars pour un ambitieux plan de développement économique appelé Sénégal émergent, conçu pour transformer l’économie d’ici 2035 grâce à des investissements dans l’agriculture, les infrastructures et le tourisme.

Toutefois, Sall promouvait entre-autres le développement national, mais qu’en même temps il y avait une intense politisation de la « gestion des fonds publics » et du « financement des partis politiques ».

Sauf qu’avec les partis politiques actuels qui se concentrent sur l’accès aux fonds publics et nomment des individus à des postes basés sur leur affiliation à un parti plutôt que sur leurs compétences, les projets de développement ont souffert parce que certains responsables étaient davantage axés sur le gain personnel plutôt que sur la bonne gouvernance.

• L’étincelle qui mit le feu à la mèche

Après sa réélection pour un deuxième mandat, cette fois- ci de 5 ans, aux élections de 2019, Macky Sall a été confronté à des défis sur le front intérieur, notamment avec la montée en puissance du chef de l’opposition Ousman Sonko.

Sonko, qui a gagné en popularité en tant qu’homme politique qui s’oppose au régime, semblait bien parti pour remettre en question les relations de Sall avec l’ancienne puissance coloniale française et avec les sociétés étrangères opérant dans le secteur des industries extractives.

Des manifestations avaient éclaté en 2021 après l’arrestation de Sonko pour de supposés « viols », et d’autres émeutes ont suivi lorsqu’il a été accusé de diffamation contre un ministre en 2023, une accusation qui lui a ensuite valu l’interdiction de se présenter à l’élection présidentielle. Les partisans de Sonko ont ainsi accusé le président de la république d’avoir orchestré un complot politique pour empêcher Sonko de se présenter aux élections de 2024.

Le point chaud dans toutes ces tensions, était le fait que parmi les centaines de milliers de personnes qui ont protesté contre l’arrestation de Sonko, beaucoup étaient des jeunes mécontents du taux de chômage élevé et du coût de la vie chère.

La colère des manifestants a été exacerbée par le fait que Sall a pris son temps pour préciser s’il avait l’intention de briguer un troisième mandat présidentiel, ce qui aurait été considéré comme inconstitutionnel, mais devant des rues en bouilloire il a finalement annoncé en juillet 2023 qu’il ne se représenterait pas.

Au pouvoir depuis 2012, le président Sall n’a pas annoncé son intention de déposer sa candidature, mais il a rejeté l’affirmation selon laquelle « sa candidature à un troisième mandat est inconstitutionnelle ». Sall a organisé un référendum en 2016 qui a réduit la durée du mandat présidentiel de 7 à 5 ans, et alors que son premier mandat était de 7 ans, il a remporté aux élections de 2019 un deuxième mandat de 5 ans.

Pour tenter d’empêcher une éventuelle candidature à un troisième mandat, l’opposition sénégalaise a mobilisé le mois dernier plus de 120 partis, groupes politiques et organisations de la société civile et signé la charte du mouvement F24 contre la candidature de Sall.

Le président sortant a réagi quand même d’une manière assez choquante, en recrutant des milliers de nouveaux officiers dans les rangs de la gendarmerie militaire du Sénégal, une décision considérée par certains membres de l’opinion publique comme une préparation à une « répression violente des manifestations en faveur de la démocratie », dans la crainte qu’il puisse tenter de briguer un troisième mandat.

« Empêcher les politiciens de l’opposition de participer aux élections a brisé le bilan démocratique du Sénégal », s’était exclamé un jour le leader de la société civile et directeur exécutif de Teranga Lab, Alexandre Joubert Leite.

• Les gens oublient toujours que « la ténacité paie », et au Sénégal l’opposition en a tiré un historique profit

Il faut sincèrement reconnaître que les Sénégalais ont montré qu’ils sont fidèles à leurs traditions qu’ils ont maintenues depuis l’indépendance de leur pays de la France en 1960. C’est ainsi que par leur adhésion au changement pacifique à travers les urnes, contrairement à la plupart des autres pays de la région où le pouvoir a été transféré par le biais de coups d’État militaires ou de rébellion armée, les observateurs européens et africains ont attesté de l’intégrité du processus électoral.

Ceci dit, la carte jouée par l’opposition a été un vrai ATOUT, surtout en mettant tout le pactole sur la candidature du bras droit d’Ousman Sonko, à savoir « Bassirou Diomaye Faye », tous deux du Pastef (Les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité).

A 44 ans, libéré dix jours seulement avant les élections après onze mois passés en prison, Bassirou Diomaye Faye a remporté une nette victoire sur son rival direct « Amadou Ba », candidat de la coalition au pouvoir dans le pays, qui jouissait du soutien direct de Macky Sall et qui brandissait le slogan de « la continuité » qui, pour environ 60 % vivant en dessous du seuil de pauvreté, ne signifiait rien d’autre que la perpétuation de leurs conditions misérables.

Même si le candidat de l’opposition Diomaye Faye n’était pas une personnalité connue, néanmoins son action politique et celle en faveur des droits de l’homme, son arrestation, puis l’obtention du soutien du leader de l’opposition Ousman Sonko, le rival du président sortant, qui fût privé de prendre part aux élections présidentielles, ont contribué à la montée de sa renommée explosive en un temps record.

Il importe de relever entre-autres que les électeurs les plus jeunes, en particulier, ont extériorisé leur déception à l’encontre de leur président sortant qui, après plus d’une décennie au pouvoir, ont le sentiment de ne pas avoir été entendus et que nombre d’entre eux sont au chômage ou ne trouvent pas d’emplois bien rémunérés.

Pour les observateurs et les experts des affaires africaines, l’un des facteurs de la victoire de Faye a été que « les électeurs ont puni le président sortant Macky Sall, après qu’il ait eu recours à une violence d’une manière sans précédent dans l’histoire du pays, face aux manifestants qui protestaient contre le report des élections ».

S’adressant à ses partisans en particulier et au peuple sénégalais en général, dans un discours télévisé, le président élu a lancé la promesse suivante: « Je m’engage à gouverner avec humilité et transparence et à lutter contre la corruption à tous les niveaux ».

Toutefois, on ne doit pas oublier le fait que le Sénégal représente un modèle distingué de stabilité sociétale et de sécurité, dans une étape difficile que traversent les pays africains voisins. La victoire arrachée par le suffrage universel « clair et transparent » par une « opposition objective et téméraire » au Sénégal, vient de donner une grande leçon aux peuples africains du voisinage pour compter plutôt sur leur matière grise (et non sur les armes) pour arriver démocratiquement au sommet du pouvoir.

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