Africa-Press – Senegal. Et si notre humeur changeante, avec ses hauts et ses bas, dépendait en partie d’une molécule de graisse cérébrale sur laquelle il serait possible d’agir pour améliorer notre santé mentale? C’est tout l’enjeu de la découverte importante réalisée par une équipe américaine de pharmacologues et tout juste publiée dans la revue Science Advances. Ce récent travail pourrait en effet accélérer le développement d’antidépresseurs et d’antipsychotiques de nouvelle génération, plus rapidement efficaces que ceux aujourd’hui disponibles et qui mettent souvent deux à trois semaines pour agir.
Les chercheurs en pharmacologie de l’École de médecine Icahn du Mount Sinai se sont ici intéressés de très près à un récepteur cérébral majeur parmi les centaines connues à ce jour, le 5-HT1A, le plus répandu des récepteurs à la sérotonine, ce neurotransmetteur bien connu par exemple dans la dépression et face auquel des médicaments comme les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) ont été développés et sont aujourd’hui très fréquemment utilisés en psychiatrie.
Exprimé tout particulièrement dans le cerveau mais aussi au niveau de la rate, le 5-HT1A situé dans les régions présynaptiques et postsynaptiques reste toutefois à ce jour mal compris. Malgré son importance clinique majeure, peu d’études précises ont été menées sur les mécanismes le régulant.
Un phospholipide pour copilote
Grâce à des techniques de laboratoire innovantes comme la cryomicroscopie électronique à haute résolution – une technologie d’imagerie de pointe révélant les structures moléculaires à une résolution quasi atomique – l’équipe conduite par David Wacker, professeur adjoint de sciences pharmacologiques et de neurosciences à la faculté de médecine Icahn du Mont Sinai, a pour la première fois découvert le rôle majeur d’une molécule lipidique, un phospholipide présent dans les membranes cellulaires, dans le pilotage de l’activité de 5-HT1A. On pourrait parler de copilote caché.
Une découverte importante permettant de mieux cerner ce récepteur qui « est comme un panneau de contrôle qui permet de gérer la réaction des cellules cérébrales à la sérotonine, une substance chimique clé impliquée dans l’humeur, les émotions et la cognition, explique l’auteur principal, Daniel Wacker, dans un communiqué. Nos résultats éclairent son fonctionnement, quels commutateurs il actionne, comment il ajuste finement les signaux et où se situent ses limites ».
Certaines voies de signalisation cellulaire favorisées
Les pharmacologues ont aussi démontré que le récepteur 5-HT1A est intrinsèquement programmé pour favoriser certaines voies de signalisation cellulaire par rapport à d’autres, quel que soit le médicament utilisé pour le cibler. Mais les médicaments peuvent malgré tout influencer l’intensité de l’activation de ces voies. Les chercheurs ont réussi à cartographier l’activation du récepteur selon ces différentes voies.
Pour Audrey Warren, auteure principale de ce travail, ancienne étudiante du Wackerlab et aujourd’hui chercheuse à l’université de Columbia, « nos travaux fournissent une carte moléculaire de la façon dont différents médicaments agissent sur ce récepteur, activant ou inhibant des voies spécifiques qui influencent le fonctionnement cérébral ». Nul doute en tout cas qu’un pas important dans la compréhension du récepteur cérébral vient d’être franchi, notamment avec cette découverte inédite du rôle d’un phospholipide dont l’implication devra encore être précisée grâce à de nouvelles études.
Il faudra ensuite concrétiser ces travaux avec la mise au point « de nouveaux médicaments plus rapides et plus efficaces non seulement pour la dépression, mais aussi pour des affections comme la psychose et la douleur chronique. C’est une pièce maîtresse du puzzle », conclut David Wacker.
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