Des milliers de sommeils ultra-courts, la stratégie des manchots pour veiller sur leurs nids

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Des milliers de sommeils ultra-courts, la stratégie des manchots pour veiller sur leurs nids
Des milliers de sommeils ultra-courts, la stratégie des manchots pour veiller sur leurs nids

Africa-Press – Senegal. 000 siestes de quelques secondes à peine. En matière de repos fractionné, les manchots à jugulaire (qui se distinguent par le liseré noir qui orne leur menton) font fort ! C’est en Antarctique qu’on les trouve, dans des colonies gigantesques de plusieurs milliers, voire dizaines de milliers de couples. Ces oiseaux veillent avec attention sur leurs nids, une tâche dévolue à l’un des parents qui l’assume seul pendant que l’autre part, parfois pour plusieurs jours, en quête de nourriture. Les menaces sont en effet nombreuses : certains oiseaux comme le Labbe antarctique se régale de leurs œufs et ils doivent également craindre les intrusions de leurs congénères. Mais la stratégie qu’ils ont adoptée semble plutôt efficiente au vu de leur succès en matière de reproduction.

10.000 micro-sommeils ne durant que quatre secondes en moyenne

C’est dans une colonie, située sur l’île du Roi-George (la plus grande île de l’archipel des Shetland du Sud) que Paul-Antoine Libourel, ingénieur de recherche CNRS au sein de l’équipe “SLEEP” du Centre de recherche en neurosciences de Lyon, s’est rendu pour étudier, en compagnie de biologistes, le sommeil des manchots. Ce dernier est notamment spécialisé dans l’enregistrement de l’activité cérébrale durant le sommeil et a développé toute une série de capteurs et d’instruments “dans le but de mieux comprendre le sommeil des animaux, au sens large, et surtout comment ils dorment dans leur environnement”, souligne-t-il.

Pour appréhender cet état chez ces animaux, les scientifiques ont équipé plusieurs spécimens de capteurs permettant de surveiller leur activité cérébrale et musculaire ainsi que leur mouvement et leur position. Ils portaient également un GPS avec un capteur de température et de profondeur afin de pouvoir suivre leurs pérégrinations en mer. De plus, Paul-Antoine Libourel a passé une quinzaine de jours sur place à les observer et a également positionné des caméras près des nids : “L’avantage avec les manchots, c’est qu’ils reviennent tout le temps au même endroit près de leurs nids construits en rochers”, explique-t-il.

Grâce à ces équipements, il a constaté que les manchots accumulaient plus de 11 heures d’inactivité par jour, mais que leur sommeil était plus que très fragmenté puisqu’il se divise en plus de 10.000 micro-sommeils ne durant que quatre secondes en moyenne. “Et ce pattern d’expression du sommeil se déroule sur une longue période, dans notre cas sur les 11 jours d’observation. Il se peut qu’ils dorment même tout le temps comme ça, y compris en dehors d’un contexte d’attention parentale”, précise le chercheur. Et les manchots s’assoupissent même lorsqu’ils sont dans l’eau ! Les capteurs ont en effet permis d’observer des phases de repos en mer même si elles sont plus rares et pas aussi fragmentées. Ces surprenants résultats font l’objet d’un article publié dans la revue Science.

Un sommeil réparateur ?

La question est comment les manchots obtiennent-ils un bénéfice de ce sommeil lent très fragmenté qui peut se résumer à de multiples phases d’endormissement avec apparition transitoire de sommeil ? Au vu de leur succès reproductif et de leur comportement, ce rythme leur va plutôt bien. “Chez l’Homme ce n’est pas du tout le cas et un sommeil fragmenté constitue un trouble qui peut induire des conséquences physiologiques délétères. Il semble que les manchots s’en accommodent plutôt bien”, souligne Paul-Antoine Libourel.

Puisqu’ils tirent bénéfice de ces dizaines de milliers de phases de somnolence, il est probable qu’elles aient un effet cumulatif qui permet à leur organisme de se régénérer. “D’ailleurs, certaines sont quand même un peu plus importantes que les autres. Ainsi vers midi, on constate un endormissement un peu plus long et profond. De plus, il est possible que les processus physiologiques qui se produisent durant le sommeil perdure durant les micro-réveils qui sont le pendant des micro-sommeils”.

Rêveries en mer

L’analyse des courbes ainsi que l’observation des spécimens équipés de capteurs suggèrent que les manchots, à l’instar de beaucoup d’animaux, connaissent aussi des phases de sommeil paradoxal (ou REM) classiquement définies par une activité cérébrale ressemblant à celle de l’éveil, associée à un relâchement musculaire complet et à des mouvements rapides des yeux et des extrémités des membres. Chez l’Homme et certains mammifères comme le chat, ce sommeil actif a aussi été associé aux rêves. “Chez les manchots, on remarque des signes évoquant ce sommeil comme la tête qui tombe, le bec et les ailes qui se mettent à bouger et les plumes qui se gonflent. Et en mer, on remarque parfois, après une phase soutenue de sommeil lent le corps glisser, sur le côté” détaille Paul-Antoine Libourel.

Ainsi, même en mer, à l’instar de la frégate en vol, les manchots passent par cette phase de sommeil. Est-ce à dire qu’eux aussi sont capables de rêver ? “Une question à laquelle il sera difficile de répondre. Tout dépend de ce qu’on appelle un rêve : s’il s’agit d’une réactivation d’un réseau de neurones et que le rapport de rêve est l’interprétation de cette réactivation, pourquoi n’y aurait-il pas des réactivations de neurones pendant ces courts sommeils qui suffiraient à faire émerger des contenus oniriques ?”, conclut le chercheur.

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