ÉNergie Nucléaire en Afrique: Optimisme de L’Aiea

3
ÉNergie Nucléaire en Afrique: Optimisme de L'Aiea
ÉNergie Nucléaire en Afrique: Optimisme de L'Aiea

Africa-Press – Tchad. Face au déficit électrique, certains pays africains lorgnent sur le nucléaire dans une perspective de production stable et décarbonée. L’accord signé entre l’AIEA et la Banque mondiale en juin relance le débat sur cette filière longtemps écartée des financements multilatéraux, au moment où la Russie, la Chine et les USA se positionnent sur le continent.

« L’énergie nucléaire arrive en Afrique ! ». A l’occasion du Nuclear Energy Innovation Summit qui s’est tenu les 30 juin et 1er juillet, Rafael Mariano Grossi, le Directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), s’est montré enthousiaste. Pour lui, le nucléaire, « source d’énergie sans CO2 et durable », devient une option crédible pour les pays africains. Quelques jours plus tôt, l’AIEA signait un accord inédit avec la Banque mondiale, amorçant la levée d’un blocage historique sur l’appui à cette filière longtemps jugée trop risquée.

Avec cet accord officialisé le jeudi 26 juin, la Banque mondiale rouvre en substance la porte au soutien technique et financier au nucléaire civil pour les pays en développement, avec trois priorités: partager l’expertise, prolonger la durée de vie des réacteurs existants et accélérer le développement de petits réacteurs modulaires (SMR), plus flexibles et présentés comme mieux adaptés aux contraintes des pays à faibles revenus.

Plusieurs pays africains — de l’Egypte au Ghana en passant par le Nigeria, le Rwanda ou le Burkina Faso — veulent rejoindre l’Afrique du Sud, seul pays du continent exploitant une centrale depuis plus de trente ans (AIEA 2023). L’Égypte compose aussi la vitrine continentale, avec la centrale d’El-Dabaa composée de quatre réacteurs de 1200 MW construits par Rosatom et financés à 85% par un prêt russe de 25 milliards USD.

Le Ghana avance sur les réacteurs modulaires avec l’américain NuScale Power, tout comme le Rwanda, qui table sur un premier réacteur dès 2026. Le Nigeria de son côté tente de structurer sa coordination interne et hésite encore entre mégaprojets et SMR, conscient du risque d’endettement.

Cette relance survient dans un contexte où près de 600 millions d’Africains n’ont toujours pas accès à une électricité fiable. Pour la Banque mondiale, le nucléaire peut garantir une « charge de base stable » indispensable à l’industrialisation, aux hôpitaux et autres services essentiels, alors qu’elle estime que la demande en électricité des pays en développement devrait plus que doubler d’ici 2035.

Mais la réalité est plus nuancée. Douze organisations de la société civile rappellent que ces projets mobilisent des montants colossaux en devises fortes, exposant les pays à un risque de surendettement et de dépendance technologique accrue. Entre 2017 et 2024, plus de 90% des nouveaux réacteurs nucléaires construits dans le monde l’ont été grâce à la Russie et la Chine. En Afrique, Moscou reste dominant via Rosatom, tandis que Pékin et Washington tentent de se positionner sur le segment des SMR.

« Nous avons déjà du mal à sécuriser nos infrastructures pétrolières ; le nucléaire demande une sécurité équivalente à une base militaire » prévient Philip Jakpor, de l’ONG Renevlyn Development Initiative. À cela s’ajoutent la question sensible de la gestion des déchets et les retards chroniques des chantiers, souvent sous-estimés.

Si l’enthousiasme affiché par l’AIEA et le revirement de la Banque mondiale ouvrent une fenêtre intéressante, la réussite des projets dépendra ainsi de la capacité des pays africains à structurer une filière sûre, durable et réellement maîtrisée. Entre coûts massifs, partenariats stratégiques et impératifs de formation locale, le nucléaire en Afrique avance encore prudemment.

Mais pour la première fois depuis longtemps, il retrouve un espace politique et financier pour exister, même s’il n’y a encore aucune garantie que la promesse du Nuclear Energy Innovation Summit se concrétise un jour pour les centaines de millions d’Africains encore privés d’électricité.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Tchad, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here