La France Insiste pour ne pas ÊTre « Déracinée » du Tchad

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La France Insiste pour ne pas ÊTre « Déracinée » du Tchad
La France Insiste pour ne pas ÊTre « Déracinée » du Tchad

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Tchad. Lors d’un entretien tenu à l’Elysée en marge du XIXe Sommet de la francophonie organisé à Villers-Cotterêts et Paris, les 4 et 5 octobre 2024, entre le président français Emmanuel Macron et son homologue tchadien Mahamat Idriss Deby, actuellement en visite en France, Macron à réaffirmé la « disponibilité de la France à renforcer les relations bilatérales avec le Tchad et à l’accompagner dans la mise en œuvre de ses priorités de développement économique et social ».

Au cours de la dite réunion, les moyens de développer la coopération entre les deux pays ont été examinés, en plus d’un certain nombre de questions régionales d’importance stratégique et des questions internationales d’intérêt commun.

Il semble bien que la France et ses alliés (surtout la France) ne souhaitent pas se voir privés des importantes et abondantes richesses naturelles, dont jouissent les pays de la région du Sahel africain, et il faut comprendre quelles sont les intentions futures du pays de l’hexagone qui tente de se maintenir en position dans ladite région, notamment à travers sa présence au Tchad, après que les Français aient été chassés du Mali, du Burkina Faso, et du Niger.

C’est pour cette raison que l’on se pose la question suivante:

• Paris peut-il se permettre de maintenir sa présence militaire au Tchad, alors que ses soldats ont été chassés successivement du Mali, du Burkina Faso et du Niger, et que le rejet de sa politique étrangère ne cesse de croître sur un continent balayé par un vent de souverainisme ?

• Et si cette rupture est aussi délicate à envisager, c’est en partie parce que la relation militaire franco-tchadienne est une longue histoire de co-dépendance, car le pays et ses « guerriers du désert » occupent une place particulière dans l’imaginaire de l’armée française, présente sur ce territoire de façon quasi continue depuis plus d’un siècle.

• Néanmoins, la France continue d’espérer maintenir son positionnement au Sahel à travers du Tchad.

Dans ce contexte, on doit rappeler la réaction de l’ancien ministre tchadien Succès Masra, (nommé le 1er janvier 2024 Premier ministre de la nouvelle Ve République – démissionnaire le 24 mars 2024), qui estime toujours que « la place de l’armée française est plutôt en France et non pas chez-nous ».

Certains observateurs et experts des affaires africaines ont rappelé à leur tour que le Tchad est désormais le « ATOUT » occidental dans la région du Sahel.

Mais pour ce faire et arriver à tout comprendre, il faut revenir sur les points ci-après analysés:

• L’importance stratégique de la région africaine du Sahel

Photo d’ensemble des Chefs d’Etat et de Gouvernement présents au Sommet de la Francophonie à Paris

La situation de la région africaine du Sahel entre un vaste désert et de vastes ressources énergétiques sous ses sables dispersés, et entre la région de savane densément boisée, riche en ressources naturelles diverses et énormes telles que le pétrole, l’or, le cuivre, l’uranium et le gaz naturel, ainsi que des ressources agricoles, d’élevage et autres, mais elle n’a pas été exploitée de manière optimale pour que les peuples de cette région puissent en profiter. Tout cela a donné à la région une importance accrue en termes de dimensions géostratégiques, géopolitiques et économiques, qui sont de la plus haute importance pour les personnes influentes aux niveaux régional et international.

D’un point de vue géographique, la côte africaine gagne en importance à l’échelle mondiale et pas seulement à l’échelle de l’Afrique. Elle est considérée comme un pont terrestre reliant les deux continents américains et l’océan Atlantique, en passant par la Corne de l’Afrique, l’océan Indien, la mer Rouge et le golfe Persique.

En plus d’être la principale route des caravanes commerciales qui reliaient le nord du continent à son sud et à son ouest tout au long de l’histoire.

• Les puissances internationales en compétition pour la région du Sahel

La situation stratégique de la région africaine du Sahel et son abondance de ressources naturelles et minérales, a fait saliver les grandes puissances, ce qui a fait de la région un sujet de grand intérêt dans leurs agendas expansionnistes, et ainsi un conflit à différents niveaux s’est formé entre ces pays, dont chacun cherche à imposer sa présence physiquement ou par procuration afin d’obtenir une part des ressources naturelles, ou une position d’ancrage qui lui permettrait d’acquérir une influence politique dans un laps de temps spécifique ou parfois infini, comme la France et ses alliés.

Étant donné que la région africaine du Sahel a acquis une importance régionale et internationale pour des raisons bien déterminées, l’ambiance n’était plus aussi agréable pour la France qu’elle l’était auparavant ou qu’elle le souhaitait. D’autres pays ont commencé à rivaliser avec la France dans la région afin de parfois leur couper l’herbe sous les pieds et de se partager le gâteau à d’autres moments. Ces pays sont notamment les États-Unis, la Chine, la Russie, la Turquie et d’autres.

• Retour sur l’étendue de l’influence française dans la région du Sahel en Afrique

La présence française en Afrique en général, et dans la région africaine du Sahel en particulier, est due à l’invasion coloniale que les Africains ont subie par les puissances européennes. La France s’est concentrée sur la conquête de la plus grande zone possible du continent africain, en en occupant un grand nombre de pays, tels que: Algérie, Maroc, Tunisie, Mauritanie, Sénégal, Guinée, Mali, Niger, Tchad, Côte d’Ivoire, Gabon, Congo Brazzaville, Bénin, Burkina Faso, République Centrafricaine, Madagascar, Djibouti, les Comores, en plus du Cameroun et du Togo, qui sont soumis à l’Allemagne et ont été mandatés par la France et le sont encore jusqu’à présent.

Toutefois, pour assurer sa continuité et préserver ses intérêts sur le continent africain, la France avait élaboré sa propre politique qui suit la politique étrangère mise en œuvre par le ministère français des Affaires étrangères à travers la diplomatie française sous la supervision et le suivi personnel du Président de la République.

Cette politique vise à permettre à la France de resserrer son emprise sur ses anciennes colonies et de lui en donner le contrôle total, afin d’accéder aux sources d’énergie et aux ressources brutes qui assurent à ses entreprises et usines les besoins industriels de base, en plus de lui conférer une large influence politique au niveau international.

Les intérêts français sur le continent africain, notamment dans la région africaine du Sahel, sont représentés comme suit:

-/- Intérêts économiques

La recherche continue de ressources primaires pour développer les industries civiles et militaires françaises, et la recherche de marchés pour la vente de produits manufacturés. Reliant également le système financier de certains pays africains au trésor français, et déposant la moitié de la valeur de leurs importations dans le compte d’opérations du trésor français afin de garantir la stabilité des monnaies locales (zone franc CFA).

-/- Intérêts stratégiques

Assurer l’accès aux ressources stratégiques dont dispose le continent africain pour développer les industries lourdes et militaires françaises, et contrôler pour y parvenir les sites stratégiques les plus importants du continent, y compris la région africaine du Sahel.

-/- Intérêts politiques et diplomatiques

Maintenir la continuité et la stabilité des régimes africains qui s’engagent à préserver les intérêts français, ce qui se traduit par la consolidation des relations entre les gouvernements africains et l’administration française pour assurer le soutien diplomatique français dans les enceintes internationales telles que les Nations Unies et le Conseil de sécurité de l’ONU, qui permet à la France de maintenir sa position d’État membre permanent majeur.

Pour réaliser ces intérêts, la France a élaboré un plan solide pour contrôler ces pays de manière permanente et continue, et à cette fin, diverses politiques et outils ont été mis en œuvre, tels que des outils militaires, économiques, culturels et médiatiques.

Ces outils se complètent et renforcent leur pénétration en profondeur en Afrique, ce qui lui permet d’avoir un contrôle quasi total sur ces pays, et jusqu’à présent la France est considérée comme ayant le plus grand contrôle sur la région africaine du Sahel.

Le Mot de la Fin

De ce qui a précédé, il nous apparaît clairement que la région africaine du Sahel, marginalisée pendant des décennies, est devenue l’objet de l’attention des puissances internationales et le théâtre de conflits internationaux de nature militaire, politique, sécuritaire et économique afin de pour prendre pied. De nombreux pays asiatiques et européens se disputent la région du Sahel, qui dispose d’un grand potentiel économique et de ressources énergétiques.

D’autant plus qu’actuellement, le contexte de la présence française au Tchad est délicat. Après avoir été renvoyés du Mali, du Niger, du Burkina Faso, au lieu de revenir en France, les militaires se sont repliés en partie au Tchad. L’armée française est présente au Tchad dans les zones sensibles, les zones d’insécurité élevée, des zones de trafic (armes, drogues, migrants clandestins, etc….). Depuis leur renvoi des pays sahéliens, les militaires français sont encore plus visibles et paraissent être comme chez eux.

C’est d’ailleurs pourquoi la population se demande ce qu’ils font et s’inquiète, surtout à « Abtouyour » et « Mataya », dans la région du « Guéra », où les gens sont révoltés. On note également que l’armée nationale tchadienne est aussi présente pour dissuader les populations de protester.

Aujourd’hui, pour la France, perdre le Tchad serait également perdre en puissance militaire dans la zone en question. Le message est plutôt de demander le départ des militaires français du Tchad alors que pour la France, la tendance est plutôt au maintien.

Jean-Marie Bockel, sénateur français et envoyé spécial d’Emmanuel Macron en Afrique en mars 2024, a rappelé qu’il n’était pas tant question de la réduction des effectifs, que du maintien des bases militaires.

La France, en soutenant le pouvoir tchadien et en refusant de partir, s’inscrit en opposition à un véritable processus démocratique, a-t-il dit. Paris entretient encore au Tchad un millier de soldats et a récemment réaffirmé son intention d’y maintenir une présence militaire, mais « redimensionnée » à la baisse.

Par ailleurs, il importe de noter que le Tchad est l’une des dernières pièces manquantes au puzzle que Moscou essaie de construire dans le Sahel, ex-sphère d’influence de la France mais dont l’armée s’est fait expulser au profit de la Russie dans trois pays.

A ne pas oublier entre-autres qu’Emmanuel Macron a précisé que « la France poursuivrait ses efforts pour venir en soutien du Tchad en cas de catastrophes climatiques, comme elle l’a fait lors des (récentes) inondations, qui ont fait plus de 500 morts au Tchad depuis juillet et plus de 1,7 million de personnes sont affectées».

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