Anouar CHENNOUFI
Africa-Press – Tchad. Il importe de rappeler qu’en avril dernier, les États-Unis ont retiré environ 70 membres des forces spéciales américaines du Tchad, avant les élections présidentielles organisées dans le pays le 6 mai 2024, et, après la victoire de Mahamat Idriss Deby, ce dernier aurait finalement décidé d’autoriser le retour d’un contingent de ces forces, une décision qui a été récemment transmise au Commandement américain pour l’Afrique (AFRICOM).
A ce propos, le général de division Kenneth Ekman, qui a supervisé un retrait similaire des soldats américains du Niger voisin, à la demande du commandant d’AFRICOM, le général Michael Langley, a déclaré dans une interview à Voice of America: « Nous sommes parvenus à un accord sur le retour d’un nombre limité de nos forces spéciales, et il s’agit là d’une décision du président tchadien Mahamat Deby, et nous travaillons maintenant sur les détails de la manière dont nous reviendrons ».
A noter que les États-Unis auraient repris les discussions sur leur présence militaire au Tchad, reflétant une tendance plus large des pays africains à réévaluer leurs relations de sécurité avec les États-Unis.
D’ailleurs, il semble bien fort que ces dernières semaines, de hauts responsables des deux ministères des Affaires étrangères et de la Défense se sont rendus en visite à N’Djamena, la capitale du Tchad, pour communiquer avec les dirigeants tchadiens sur leur coopération en matière de sécurité.
Ces discussions surviennent à un moment critique pour les opérations militaires américaines au Tchad et dans toute l’Afrique. En début d’année, le gouvernement tchadien a demandé une renégociation de l’accord autorisant l’armée américaine à accéder à son territoire. Cela a conduit au retrait d’environ 75 forces d’opérations spéciales américaines d’une base contestée près de N’Djamena, sachant que les États-Unis disposaient d’environ 100 membres d’opérations spéciales au Tchad avant avril dernier.
Toujours dans le même contexte, un haut responsable américain de la défense aurait indiqué que les États-Unis ne comptent pas revenir au Tchad avec la même empreinte qu’avant, car ils cherchent plutôt à établir une nouvelle présence à partir de la base, en alignant leurs objectifs sur ceux du Tchad. Cette approche reflète un changement plus large dans la stratégie américaine, l’accent étant mis sur la facilitation et le soutien plutôt que sur les opérations directes.
Cela représente donc un changement important par rapport aux années précédentes, lorsque les États-Unis étaient plus directement impliqués dans les opérations.
Ainsi, alors que les États-Unis réévaluent leurs relations militaires en Afrique, les résultats des négociations en cours avec le Tchad seront essentiels pour façonner la future stratégie militaire américaine sur le continent.
Cette étape s’inscrit dans le cadre du renforcement de la coopération sécuritaire entre les États-Unis et le Tchad, alors que Washington cherche à soutenir les efforts antiterroristes dans la région.
Désormais, ce sont des pays comme la Côte d’Ivoire, le Nigeria, le Ghana, le Bénin et le Tchad qui détermineront la stratégie antiterroriste des États-Unis et leur puissance en Afrique de l’Ouest, sachant que le retrait des forces américaines de la région a porté un coup dur aux opérations militaires américaines au Sahel africain, une vaste région située au sud du désert du Sahara, où des groupes liés aux organisations d’Al-Qaïda et de Daech opèrent.
Et pour rappel, le Tchad et le Niger faisaient tous deux partie intégrante des efforts militaires américains pour lutter contre les organisations extrémistes violentes dans toute la région du Sahel, mais la junte militaire au pouvoir au Niger a mis fin le mois dernier à un accord autorisant les forces américaines à opérer dans ce pays d’Afrique de l’Ouest.
• Aucune date n’a été fixée pour ce retour
Il faut dire que cette annonce a été faite par le général américain Kenneth Ekman, du Commandement militaire américain pour l’Afrique (AFRICOM), lors d’une interview publiée le vendredi 20 septembre 2024, sur la radio « Voice of America ».
Ekman a précisé qu’aucune date n’a encore été fixée pour le redéploiement, car les discussions sur l’amélioration des paramètres de la nouvelle mission sont toujours en cours, et le responsable a déjà confirmé que cette fois, ils déploieraient « un nombre limité de forces spéciales ».
« Nous mettrons en place un système plus léger que celui qui existait auparavant, et c’est une façon de prendre en compte l’hostilité croissante dans la région à l’égard de la présence de bases militaires étrangères », a déclaré le général Kenneth Ekman.
Par ailleurs, une source du Pentagone a précisé que l’ancien quartier général des forces armées américaines au Tchad, se trouvait à la base aérienne de Kosi, à N’Djamena, et que ce contingent avait pour mission « de soutenir les opérations antiterroristes dans la région du Sahel et du lac Tchad », sans plus de précisions.
On peut dire que l’armée américaine a l’intention de mener une opération de moindre envergure par rapport au quartier général que les forces maintenaient auparavant au Tchad, a déclaré Ekman, alors que la force antiterroriste forte de 11 000 membres fait face à un nombre croissant d’éléments recrutés par « Boko Haram » et « Daech » autour du lac Tchad.
• Un « quiproquo » semble planer sur cette décision
Le ministre tchadien des Affaires étrangères, Abderaman Koulamallah
On ne peut dire que « c’est trop beau pour être vrai », mais il semblerait que quelque chose n’est pas « claire » à ce sujet, car le Tchad aurait « démenti » le retour prochain des forces américaines dans le pays.
En effet, à en croire le ministre tchadien des Affaires étrangères, Abderaman Koulamallah, ce dernier aurait démenti les propos du général américain Kenneth Eckman, concernant le retour prochain des forces américaines dans son pays, six mois après leur retrait de l’unité américaine stationnée, et ce à la demande des autorités tchadiennes.
Le ministre tchadien serait intervenu sur Radio France Internationale, le samedi 21 septembre dernier, déclarant qu’« Il n’y a eu aucun contact militaire et nous démentons catégoriquement cette information. Nous n’avons pas discuté avec le gouvernement américain du retour de ses forces au Tchad ».
Le gouvernement tchadien aurait même souligné dans un communiqué qu’il est un « Etat souverain », et qu’il restera maître de ses décisions en matière de sécurité nationale et de coopération militaire avec ses partenaires internationaux.
• Quelles contreparties pour le Tchad ?
Le président tchadien Mahamat Idriss Deby
Le général Ekman n’a pas évoqué ce que le Tchad pourrait obtenir en échange de ce redéploiement. Les détails de cette mission et les répercussions sur les relations bilatérales restent encore flous, laissant plusieurs questions sans réponse.
Toutefois, à l’issue des récentes déclarations du général américain à propos du redéploiement militaire au Tchad, et les réactions attribuées au responsable de la diplomatie tchadienne, une certaine confusion a régné, lorsqu’Abderaman Koulamallah, le ministre d’État des Affaires étrangères et porte-parole du gouvernement, a tenu à rappeler ainsi « que le Tchad est maître de ses décisions en matière de sécurité nationale et de coopération militaire avec ses partenaires internationaux » et que les médias devraient se limiter à la publication d’une « information précise et vérifiée ».
• Le mot de la fin
Face à toute cette situation, on est en droit de nous poser la question suivante:
Le général Kenneth Ekman s’est-il trop avancé en dévoilant « un nouveau déploiement de forces spéciales américaines au Tchad ? »
Le général Kenneth Ekman du Commandement d’AFRICOM
En réplique, et depuis New York, le chef de la diplomatie tchadienne, Abderaman Koulamallah, n’a pas hésité à réfuter catégoriquement l’annonce de l’armée américaine selon laquelle ses soldats seront redéployés au Tchad.
Commentant ce qui a été rapporté par certains médias, Koulamallah a confirmé que ce n’était pas vraiment le cas, affirmant qu’ils (les Tchadiens) n’avaient aucun contact militaire et n’avaient pas discuté avec le gouvernement américain du retour de leurs forces au Tchad.
Certes, l’annonce a été faite par le général Kenneth Ekman, au cours d’une interview diffusée le vendredi 20 septembre sur la radio Voice of America, mais le gouvernement tchadien aurait catégoriquement démenti cette information…
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