Anouar CHENNOUFI
Africa-Press – Tchad. Ce n’est plus un « secret pour personne » que la situation au Sahel africain se soit détériorée en devenant une plaie béante, vis-à-vis de la présence militaire française qui n’a fait qu’alimenter un sentiment de mécontentement de plus en plus répandu en Afrique de l’Ouest, particulièrement dans certains pays du G5 Sahel.
Selon les spécialistes des affaires africaines, après le retrait humiliant du Mali, qui a déformé son image et porté atteinte à sa crédibilité dans la région, poussant les peuples de cette région à manifester pour expulser le nouveau/ancien colonisateur de leurs terres, et restaurer leur souveraineté imparfaite, l’Afrique et le Sahel semblent bien vivre en ce moment le rejet croissant de la présence française.
Mécontentement populaire
Ce qui confirme cette déduction, ce sont les centaines de citoyens tchadiens qui sont sortis dans des manifestations à N’Djamena, pour exprimer leur rejet de la présence française dans leur pays, des manifestations protestataires qui ont été organisées par la plateforme d’opposition « Wakit Tama » qui accuse Paris de soutenir le Conseil militaire de transition, et lors desquelles ont été scandés divers slogans contre le pouvoir au Tchad, dirigé par le général Mahamat Idriss Deby Itno, l’accusant d’entraver les libertés publiques.
Les mêmes manifestants, qui étaient accompagnés d’un certain nombre d’étudiants, ainsi que de professeurs et d’enseignants universitaires, de militants de la société civile et de défenseurs des droits de l’homme, n’ont pas retenu leur colère contre la présence française, criant haut et fort « La France, dégage » ou encore « Non au néo-colonialisme ».
A noter que certains d’entre eux ont même brûlé des drapeaux français, et n’ont pas hésité à saccager un certain nombre de stations-service appartenant au groupe français « Total » symbole des produits pétroliers français.
On relève également que des pompes à essence ont été déracinées et que des produits exposés ont été emportés par la foule en colère.
Wakit Tama : une « dynamo » de l’opposition tchadienne
Même si les autorités ont donné le « feu vert » à cette manifestation organisée par la plateforme d’opposition de la société civile, notamment « la Coordination de Wakit Tama », néanmoins un important effectif des forces de police a cerné la marche tout en déployant des forces de sécurité dans les artères de la ville, sans oublier les tirs de gaz lacrymogène et l’utilisation des canons à eau pour disperser les centaines de manifestants.
Les Tchadiens ont « pris davantage conscience de notre combat et nous ont rejoints », a laissé entendre Max Loalngar, coordinateur de Wakit Tama, qui est également avocat et défenseur des droits humains.
Maître Max Loalngar a poursuivi en lisant, avec un ton assez offensif, une déclaration rendue publique à l’issue d’une conférence de presse :
• « Le Conseil militaire de transition et son gouvernement ont échoué »,
• « Peut-on continuer à faire confiance à un régime qui ne sait pas anticiper les choses ? »,
• « L’origine du mal au Tchad est militaire…et la France utilise l’armée pour tuer des Tchadiens ».
Le porte-parole de Wakit Tama a ajouté également que : « Tout le monde savait que le dialogue national inclusif ne pouvait se tenir le 10 mai 2022. Mais il a fallu que le Qatar, hôte et facilitateur des négociations entre le gouvernement et les politico-militaires, le demande pour que le gouvernement bouge ».
Il importe de rappeler, dans ce contexte, que malgré un effort militaire massif et soutenu – avec plus de 5.000 soldats déployés et plus de 50 d’entre eux tués – la France n’a pas été en mesure de remporter de victoires et surmonter de manière décisive la menace des terroristes qui sévit dans la région du Sahel africain, dont les attaques contre les communautés locales et les forces de sécurité qui se poursuivent encore.
Les raisons sont complexes, tant militaires que sociales, environnementales et également économiques.
A ne pas oublier que le Tchad est considéré comme un « allié solide » de l’Occident dans la lutte contre les djihadistes et rebelles dans la région, sachant que plusieurs pays occidentaux, y compris la France, maintiennent encore des troupes dans des bases dans le pays.
A savoir entre-autres que la capitale tchadienne, N’Djamena, est le centre de commandement central de l’opération antiterroriste française en Afrique de l’Ouest, et environ 1.000 soldats français y sont stationnés.
Polémique autour d’éventuelles nouvelles bases françaises
D’ailleurs, la semaine dernière, l’ambassade française a démenti la rumeur ayant créé une certaine polémique au sein de la population tchadienne, selon laquelle la France prévoyait d’installer de nouvelles bases militaires françaises dans le pays, la décrivant comme une « tentative d’induire en erreur l’opinion publique ».
Il est clair que le retrait français du Mali ait fait sensation au Sahel et en Afrique de l’Ouest, où la présence de la France est devenue une nuisance pour la plupart des peuples de la région qui ont conduit à des manifestations pour expulser l’ancien colonisateur avec son nouveau visage, du Sahel et d’Afrique, et bien que Paris cherche toujours à se repositionner dans la région, cependant, ses habitants peuvent renverser la table.
Par ailleurs, la région a été témoin d’un état de mécontentement accumulé contre la France, son héritage ainsi que les résultats (négatifs) de la coopération avec elle, et cela s’est traduit par un mouvement de jeunesse qui a eu lieu dans plusieurs pays africains, exprimant la nécessité d’une rupture avec la France, en particulier dans tout ce qui a un aspect économique, et se concentrant principalement sur la nécessité de « désengager le franc CFA de la France », tout en mettant l’accent sur l’ouverture de nouvelles relations extérieures avec d’autres pays, notamment avec la Chine et la Turquie.
Les Tchadiens tiendront-ils bon ?
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