Africa-Press – Tchad. Un petit bout de chemin ensemble puis on se sépare bons amis. C’est sans doute ce que se sont dit ces dinosaures d’espèces différentes qui ont pris la même route, il y a 76 millions d’années de ça, dans le sud de l’Alberta, au Canada, en plein cœur du Dinosaur Provincial Park. En juillet 2024, au cours d’un chantier-école, une équipe internationale de paléontologues a dégagé 29 m2 d’un ancien plancher vaseux fossilisé, révélant 20 empreintes de dinosaures. Parmi elles, celles de cératopsiens (les dinosaures à collerette et à cornes), d’un ankylosaure cuirassé, de deux grands théropodes carnivores (probablement des tyrannosaures) et enfin celle d’un petit carnivore isolé.
Des indices d’un comportement social inédit
Le site, baptisé « Skyline Tracksite », représentait la surface boueuse d’une ancienne plaine inondable, probablement un bras mort de rivière, rapidement recouverte par des sédiments lors d’un épisode de crue. Ce type de dépôt argileux est idéal pour préserver les détails des empreintes. La diversité des espèces représentées, leur agencement et leur orientation offrent ici un point de vue rare sur le comportement des dinosaures de cette époque.
Le plus frappant dans cette découverte est la possible cohabitation de plusieurs espèces herbivores. Les 13 empreintes de cératopsiens, qui correspondent à 5 individus différents, sont disposées en rangées parallèles, avec des espacements réguliers. Il est probable qu’ils se promenaient de concert. Un ankylosaure aurait marché parmi eux, à en juger par la position de son empreinte. Une telle organisation évoque une harde mixte, un comportement que l’on retrouve aujourd’hui chez certains grands herbivores africains, comme les gnous et les zèbres.
Pour les auteurs de l’étude, publiée dans la revue PLOS ONE, cela pourrait indiquer un comportement grégaire structuré, avec éventuellement un intérêt commun à se regrouper pour échapper aux prédateurs. Justement, deux empreintes de grands tyrannosaures marchant côte à côte traversent la scène, à quelques mètres du groupe. Leur orientation perpendiculaire à celle du troupeau soulève des interrogations: observaient-ils le passage des herbivores? Les chassaient-ils? La prudence reste de mise, car les traces pourraient ne pas avoir été faites au même moment.
Toutefois, leur proximité sur le même horizon sédimentaire est intrigante. Enfin, la découverte d’une empreinte d’un petit carnivore, probablement un jeune théropode, renforce l’intérêt du site. Ce dernier aurait suivi le groupe ou traversé les lieux peu de temps avant ou après. La diversité des espèces représentées est inédite pour la région.
Après les fossiles, les empreintes
Le Skyline Tracksite constitue la première preuve formelle de pistes de dinosaures dans le Dinosaur Provincial Park, célèbre jusqu’ici pour ses fossiles osseux mais réputé pauvre en empreintes. Jusqu’à présent, seules quelques traces isolées de hadrosaures et une de tyrannosaure avaient été retrouvées sous forme de moulages.
La découverte de ces empreintes a poussé les paléontologues à investiguer avec plus d’attention les sols du parc et a déjà permis l’identification d’au moins trois autres sites similaires dans les environs immédiats. « J’ai collecté des os pendant près de vingt ans dans ce parc sans jamais soupçonner que les empreintes étaient là, juste sous nos pieds », commente Phil Bell, un des co-auteurs de l’étude, dans un communiqué. « Cette découverte change notre regard sur les possibilités de préservation dans ces formations géologiques ». Avec les nouvelles informations acquises grâce à l’analyse de ces empreintes, les chercheurs disposeront maintenant une nouvelle méthode pour tenter d’analyser leurs comportements.
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