Africa-Press – Togo. Pour l’ensemble de ses œuvres, Pacôme Adjourouvi, ministre sortant des Droits de l’Homme en a eu pour sa dose. Parmi ses déclarations à l’emporte pièce sur le plateau de TV5 Monde figurent cette séquence « les manifestations publiques ne sont pas interdites au Togo», laissant entendre que la liberté de réunion pacifique est garantie et respectée dans le pays. Son collègue de l’Administration Territoriale a confirmé cinq jours plus tard qu’il s’agit bien de contre-vérité.
Pour la troisième fois consécutive, la marche pacifique des organisations de la société civile prévue le 9 mai août 2025 pour rendre hommage aux victimes des manifestations de juin 2025 a été interdite avec des raisons unijambistes.
Dans une correspondance en date du 6 août 2025, le ministre de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et de la Chefferie Coutumière Colonel Hodabalo Awaté, n’a pas donné de suite favorable à la demande de manifestation de Novation internationale. Comme à son habitude, il avance des justificatifs saugrenus et risibles.
Selon le ministre, cette interdiction repose sur le fait qu’une information judiciaire est en cours au Tribunal de Grande Instance de Lomé, visant à élucider les circonstances ayant conduit aux décès de plusieurs manifestants en juin dernier. Par conséquent, toute mobilisation publique liée à ces événements serait, d’après lui, susceptible de perturber le bon déroulement de la procédure judiciaire.
« Le contexte n’augure pas un climat serein pour l’encadrement d’une manifestation même pacifique», soutient-il avant de revenir sur le fait que l’itinéraire choisi par les organisateurs, notamment le long de la lagune de Bè – zone où certains corps ont été repêchés – représenterait un risque élevé de bousculades et de troubles à l’ordre public.
Depuis quand une procédure judiciaire empêche-t-elle la liberté de manifestations consacrée par la loi fondamentale? C’est bien ridicule.
Il s’agit de la logique de restrictions de manifestations publiques dont le régime a recours en violation de la Constitution et tous les traités internationaux ratifiés par le Togo.
Guerre ouverte même aux morts
La messe du 40ème jour prévue le 6 août à la Paroisse Marie Reine de Bè à Lomé par la famille du jeune KOUTOGLO Koami Jacques, retouvé sans vie dans la lagune de Bè le 27 juin 2025 en marge des manifestations publiques à Lomé sur l’initiative des influenceurs, a été aussi interdite pour des raisons farfelues.
Dans une correspondance en date du 4 août 2025 adressée au maire de la commune de Golfe 1, le Préfet du Golfe, Kossivi Agbodan, a demandé que la famille du défunt soit informée de la suspension de toute forme de manifestations liées au décès, y compris la messe de requiem prévue pour marquer les quarante jours.
La lettre fait suite à une demande transmise par le maire à l’administration préfectorale, à travers laquelle la famille sollicitait l’autorisation d’organiser une messe en mémoire du défunt. Le Préfet, tout en reconnaissant la requête, affirme que les circonstances exactes du décès ne sont pas encore élucidées et que les enquêtes judiciaires sont toujours en cours. Il précise également que, « à l’heure actuelle, le décès du jeune homme ne saurait être lié aux manifestations ».
Face à cette incertitude, le préfet a demandé au maire d’empêcher toute manifestation publique, y compris religieuse, en lien avec le décès, jusqu’à nouvel ordre. La mort dans l’âme pour une nouvelle fois, la famille s’exécute.
«Suite aux courriers reçus en date du 5 août 2025 de la part du Maire de la Commune Golfe 1 et du Préfet du Golfe, demandant de surseoir à toute forme de manifestation en lien avec le décès de leur enfant, dans l’attente de la fin des enquêtes en cours, et dans un souci d’apaisement afin d’éviter tout affrontement, la famille KOUTOGLO informe la population que la messe et la cérémonie de libation prévues ce jour à midi en hommage aux victimes des manifestations des 26, 27 et 28 juin 2025 sont reportées à une date ultérieure.
La famille présente ses sincères excuses pour ce changement de dernière minute et remercie chacun pour sa compréhension, son soutien et sa solidarité en ces moments douloureux», a indiqué la famille KOUTOGLO.
Depuis quand une enquête judiciaire empêche une messe requiem? C’est à croire que des gens n’ont plus de cœur au Togo. Il apparait que même aux morts, des êtres inanimés, le pouvoir n’a aucune pitié.
Kokou AGBEMEBIO
LeCorrecteur
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