Africa-Press – Togo. Pendant que l’exécutif crie à l’amélioration du climat des affaires, il est une banque, qui, épinglée pour des pratiques illégales par une instance extracommunautaire, tarde à s’exécuter. Or, l’une des vitrines de cette amélioration demeure l’impartialité et la célérité avec lesquelles les décisions de justice sont suivies d’effet. Combien de temps l’Union togolaise de banque (UTB) mettra-t-elle encore avant de payer son client TMI?
Quand il s’agit de procéder aux saisies des clients débiteurs auprès d’elles les banques ne font pas dans le sentimentalisme pour faire payer lesdits clients. Dans l’affaire dite de déblocages automatiques ayant opposé l’UTB à la société TMI il y a plusieurs années déjà, le tribunal de commerce a, le 17 mars 2021, tranché et donné raison au client. En ordonnant que le montant indument prélevé sur le compte du client lui soit reversé, avant de condamner la banque à s’acquitter des dommages et intérêts estimés à 1,2 milliard FCFA.
Mais comptant sur la cour d’appel, et sans encore que le jugement lui soit signifié, l’UTB interjette appel. Et après des années, des micmacs et des désistements de plusieurs cabinets d’expertise, la cour d’appel, ou plutôt son président s’est résolu à valider lesdits déblocages automatiques qui violent toutes les procédures bancaires au sein de l’OHADA. Et ainsi, il annule le premier jugement et demande plutôt au client de payer le montant litigieux, en plus d’une centaine de millions comme frais supplémentaires.
Mais grâce à l’impartialité des juges de la Cour commune de justice et d’arbitrage, depuis le 15 mai 2025, le droit a été dit, confirmant le jugement du tribunal de commerce et aggravation de la sentence.
Désormais, en plus de restituer la somme indûment prélevée sur le compte, l’UTB payera 2 milliards de dommages et intérêts ; et ce n’est pas fini ; l’astreinte qui a commencé à courir au lendemain de la sentence en mars 2021, court toujours !
Au nom du climat des affaires, l’UTB devra s’exécuter
Le 7 octobre 2024, au cours d’une cérémonie de vulgarisation du Business ready, nouvel instrument d’évaluation du climat des affaires en remplacement de Doing business, il a été relevé que « le Togo garde sa place de meilleur pays réformateur en occupant le premier rang en Afrique de l’ouest, et le troisième rang en Afrique subsaharienne, avec une note globale de 61 points », en présence de Ablamba Johnson alias « Doing business », Secrétaire générale de la présidence et gouverneur du Togo auprès de la Banque Mondiale.
Au cours de cette cérémonie, il a été dit que l’analyse des différents indicateurs révèle que le pays excelle entre autres dans le règlement des litiges. Justement, il est question de régler définitivement le litige ayant conduit à l’arrêt de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA). Et si, comme affirmé plus haut, le Togo excelle dans le règlement des litiges, l’occasion est trop belle pour que le pays confirme cette qualité à lui reconnue.
« Dans le domaine du règlement des litiges, les réformes réalisées garantissent des protections juridiques solides en matière de médiation et appliquent des pratiques exemplaires dans ledit secteur », avait déclaré Ablamba Johnson. La société TMI a apparemment besoin de cette « protection juridique » à laquelle elle fait allusion. Autrement dit, le pays pourrait être rattrapé au prochain classement.
Sur le même sujet, le site du gouvernement, republicoftogo.com, renseigne que « la lecture des données sur le Togo est la confirmation des progrès réalisés par le pays pour offrir un climat des affaires favorable à l’investissement ». Avec la surdité doublée de mutité dont fait preuve l’UTB à l’égard de TMI, on se demande si ce climat existe toujours au Togo.
Dans ce dossier ayant abouti à la condamnation de cette banque, les conseils de l’UTB n’ont jamais soulevé d’incompétence de la CCJA, puisque n’existant pas. La cour elle-même l’aurait déclarée si elle n’était pas qualifiée à dire le droit. Ce rappel en réponse aux bruits qui courent comme quoi, la CCJA ne serait pas compétente à se prononcer. La question serait de savoir si ces bruits auraient été entendus si cette cour avait donné raison aux conseils de ladite banque.
Depuis le 21 mai 2025, « date à laquelle l’arrêt a été signifié à l’UTB avec commandement de payer dans les huit jours suivants, la banque ne s’est toujours pas exécutée, malgré les astreintes », a écrit pour sa part Africa Intelligence qui dévoile que la pratique est légion avec les banques commerciales sur le continent.
« Alors que plusieurs cas comparables ont été jugés en Afrique de l’ouest sans être toujours médiatisés, le dossier TMI pourrait bien faire jurisprudence dans la région. Lorsqu’ils sont victimes de vols impliquant divers montants, les clients du système bancaire africain, s’ils s’en aperçoivent, n’ont pas toujours pour réflexe de se tourner vers la justice pour obtenir réparation. Une situation que cette affaire pourrait contribuer à faire évoluer », a estimé le journal électronique.
Ce qui est constant, c’est le caractère non rétractable des arrêts de la CCJA. La CCJA ne peut pas rétracter un arrêt qu’elle a rendu pour cause d’incompétence. Une fois qu’un arrêt est rendu, la CCJA ne peut plus le modifier ni le révoquer, sauf dans des cas très limités prévus par le Traité Ohada et le Règlement de procédure de la cour. Même le sursis à exécution ne semble pas contenu dans le langage de cette cour. La seule alternative qui reste à l’UTB est de s’exécuter, mais surtout de prendre des mesures pour prévenir ces pratiques qui, si elles devraient devenir la norme au sein de cette banque, pourrait faire fuir nombre de clients.
Godson K.
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