Africa-Press – Togo. La situation politique togolaise, à la lumière des événements du 30 août dernier, révèle une crise bien plus profonde qu’une simple confrontation entre forces de l’ordre et acteurs de l’opposition.
En effet, l’appel conjoint de la société civile et de plusieurs partis à une manifestation pacifique s’est heurté à un double constat: d’un côté, des leaders empêchés de sortir par la répression préventive du régime ; de l’autre, un peuple demeuré silencieux, préférant poursuivre ses activités quotidiennes comme si de rien n’était. Cet immobilisme social n’est pas anodin: il témoigne d’une désaffection politique généralisée qui constitue, paradoxalement, le plus grand capital de survie pour tout régime autoritaire.
Pendant longtemps, une partie de la classe politique a semé l’idée que les urnes étaient un piège, un simulacre incapable de conduire à l’alternance. Cette posture, si elle pouvait se comprendre dans un contexte d’élections verrouillées, a eu une conséquence lourde: elle a délégitimé l’outil électoral sans pour autant renforcer la voie de la rue. Le résultat est aujourd’hui implacable: un peuple qui ne croit plus ni aux urnes ni aux mobilisations publiques, et qui choisit la résignation silencieuse comme dernier refuge.
Pourtant, l’histoire africaine récente démontre que les périodes électorales, aussi imparfaites soient-elles, demeurent des moments propices pour fragiliser les régimes autoritaires. En Gambie, Yahya Jammeh a été contraint de céder le pouvoir à la suite d’une élection qu’il croyait contrôler. Au Sénégal, les urnes, combinées à une pression citoyenne accrue, ont permis de déverrouiller des systèmes fermés par Macky SALL.
Renoncer à ce levier, c’est offrir au régime togolais la stabilité de l’indifférence populaire.
C’est ici que se situe la responsabilité historique de l’opposition et de la société civile togolaises. La fragmentation des initiatives, les querelles de leadership et l’exclusion de certains acteurs sérieux et organisés fragilisent davantage la dynamique démocratique. Dans un contexte où la population doute déjà de l’efficacité de l’action collective, chaque division accentue le désengagement citoyen. Il devient urgent de fédérer les énergies, de dépasser les égos et de construire une plateforme inclusive, où chaque leader de l’opposition a sa place. L’unité ne doit pas être un slogan, mais une stratégie concrète.
Au lieu de s’opposer sur les modalités urnes ou rue, les forces démocratiques doivent assumer une logique complémentaire: utiliser les scrutins comme moments de cristallisation de la colère populaire et, en cas de confiscation des résultats, transformer cette énergie électorale en mobilisation citoyenne.
L’opposition togolaise ne peut plus se permettre de choisir entre les urnes et la rue ; elle doit apprendre à articuler les deux, dans un processus stratégique et progressif.
Le peuple togolais n’est pas indifférent par essence: il est en attente d’un projet crédible, d’un front unifié et d’une pédagogie politique qui redonne sens à son engagement. L’urgence n’est donc pas de multiplier les appels à manifester, mais de reconstruire la confiance entre les élites politiques et les citoyens. Sans cela, l’indifférence actuelle risque de se transformer en un consentement tacite, consolidant un régime déjà vieillissant mais toujours habile à se régénérer grâce à l’inaction des populations devant les urnes et dans les rues.
En définitive, la véritable question n’est pas de savoir pourquoi le peuple togolais ne bouge plus, mais de comprendre comment recréer les conditions d’un sursaut collectif. La réponse tient en un mot: FÉDÉRATION. Fédération des partis, des mouvements citoyens, des sensibilités idéologiques et des ambitions individuelles. Car face à un pouvoir qui, lui, ne souffre d’aucune dispersion, seule une opposition rassemblée, inclusive et cohérente pourra redonner au peuple le goût de l’action politique.
*NYANU Kodzo Dovenam*
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Togo, suivez Africa-Press