Mobilité intra-africaine avec ou sans visas : Lever l’intangibilité des frontières coloniales en Afrique !

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Mobilité intra-africaine avec ou sans visas : Lever l’intangibilité des frontières coloniales en Afrique !
Mobilité intra-africaine avec ou sans visas : Lever l’intangibilité des frontières coloniales en Afrique !

Africa-Press – Togo. Personne ne conteste le fait que la mobilité des humains d’un territoire à l’autre a contribué, contribue, et contribuera toujours au développement économique, social et humain. La mobilité des personnes, des biens, des services et du capital dans l’histoire de l’Afrique est une constante, même si cela n’a pas toujours été suffisamment documenté.

Or, la mobilité ne doit pas rimer uniquement avec « la migration », mais avec le changement, la transformation, et la mutation d’un Peuple vers une vivre ensemble résilient, ce grâce à l’apport de la diversité, et au-delà, l’augmentation de la richesse créée et partagée. La mobilité lorsqu’elle devient équivalent à la migration circulaire notamment en Afrique est source de création de richesses et de solidarités. La question n’est donc pas là ! La question est l’incapacité collective et individuelle de dirigeants d’organiser stratégiquement la mobilité et les migrations en Afrique pour en tirer le fameux dividende de la mobilité.

Dans le cas africain, les ex-colonisateurs ont tout fait pendant près de 400-500 ans pour fragmenter l’Afrique dans tous les segments de ce qui fonde le vivre ensemble et la solidarité. Par ailleurs, les Etats-Nations issus de la décolonisation, considérés comme des « victoires » en termes d’indépendances juridiques et politiques par les dirigeants africains, se révèlent de plus en plus comme un piège pour avancer vers l’unité des peuples africains, qu’ils soient en Afrique, dans la Diaspora africaine ou se définissent comme des Afrodescendants.

Alors « on fait comment[1] » pour ne pas paraphraser la fameuse phrase « que faire » de Vladimir Ilitch Lénine[2] ?

2. CIRCULER LIBREMENT EN AFRIQUE POUR LES AFRICAINS, UNE GAGEURE ?

Source: https://francais.rt.com/magazines/africonnect/108239-bientot-fin-visas-partout-afrique

Au-delà de ce panafricanisme des Peuples, c’est l’unité territoriale qui pose problème. L’Union africaine, une entité regroupant les chefs d’Etat et non les peuples, fonctionnant sur un mode non démocratique, n’arrive pas à offrir un espace commun parce qu’elle refuse, je répète, refuse de « lever l’intangibilité des frontières coloniales africaines ». Or, sans une solution politique à la levée des ces frontières coloniales non sollicitées par le Peuple africain, ces mêmes chefs d’Etat espèrent d’ici 2063, parvenir à une intégration régionale et continentale.

Concrètement, il est question d’avancer vers une suppression complète du visa, sous la forme d’un passeport commun aux Africains et à toutes les Diasporas africaines et ce dans une zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf , ZLECA ou ZLEC selon).

Or, ni les infrastructures et les infostructures continentales d’interconnexion de l’Afrique que ce soit aux niveaux aérien, ferroviaire, fluvial, maritime, digital, ne sont encore en place. Mieux, il n’y a pas de monnaie commune africaine, encore moins une Banque centrale africaine ou un Fond monétaire africain, une Banque d’investissement et une bourse des valeurs mobilières continentales et des cryptoactifs. Alors les dirigeants africains sont persuadés qu’en supprimant les visas ou en mettant en place les visas électroniques, il y a un progrès. Cet « optimisme » est corroboré par seulement cinq (5) ou six (6) pays africains sur 55 qui acceptent de supprimer les visas pour les Africains à la fin de 2023. Mais pourquoi cette lenteur ?

Bref, la mobilité intra-africaine pour les Africains, mais aussi pour les non-Africains, n’est pas vraiment au rendez-vous en 2023-2024. Faut-il l’espérer en 2063 comme le suggère l’Union africaine ? Certainement pas si les progrès se font à la vitesse lilliputienne comme maintenant et surtout si le manque de volonté et la corruption font office d’un sport africain proliférant dans l’impunité collective.

La réalité est qu’il est plus facile et moins cher pour une personne en Occident de circuler en Afrique qu’un Africain de circuler sur son propre continent[3]. Entre les objectifs d’une Afrique sans frontières, sans visa et une libre circulation des personnes, des biens, des services et du capital prônée par l’Union africaine d’ici 2063, la réalité de la mobilité intra-africaine demeure une gageure, surtout par la route, ce à cause des points de barrages informels ou des douaniers indélicats, sous couvert d’une impunité et des salaires peu attractifs.

Rappelons tout de même que la libre circulation des Africains, c’est aussi la libre circulation des « approvisionnements », autrement des importations et des exportations. Or, en limitant la mobilité des Africains, ce sont les échanges de biens, des services, de la technologie et de la connaissance qui sont freinés. Une prise de conscience collective s’impose.

3. VIVRE ENSEMBLE EN AFRIQUE: AVEC OU SANS FRONTIÈRES ?

Vouloir mettre fin à des visas pour tous africains qui souhaitent circuler en Afrique et s’en servir pour promouvoir la zone de libre-échange continental apparaît certes comme une « avancée ». Sauf qu’en réalité, il s’agit d’une fuite en avant des chefs d’Etat africains pris collectivement. En effet, il faut régler la notion de frontières et donc de l’intangibilité des frontières coloniales, inscrite dans le marbre africain comme gage de « stabilité ».

Or, la fragmentation des États en Afrique repose sur une culture nationaliste, héritée de l’Etat-nation, une entité héritée des vestiges des frontières coloniales. Cette approche nationaliste s’oppose à celle du « panafricanisme » qui rappelle la réalité historique d’une Afrique sans frontières coloniales.

Or, la notion de « frontière » selon la culture africaine repose sur la notion de « solidarité » héritée de la Maât de l’Egypte ancestrale des pharaons noirs. Il est question d’accepter sur la base d’une engagement individuel et collectif, souvent fondé sur des préceptes spirituels ou divins, les modalités du « vivre ensemble ». Celles-ci s’accompagnent des règles et comportements qui doivent régir celles et ceux qui les acceptent afin de trouver pacifiquement et selon des modalités convenues à l’avance, un consensus sur le mode de prise de décision et règlement des conflits.

Il s’agit donc bien d’une décision des « humains », même si la géographie peut parfois faciliter les délimitations. En réalité, il n’y a pas de « frontières naturelles » telles que les fleuves ou les montagnes ou même les mers, puisqu’il est possible de créer des ponts, des tunnels, d’escalader ou de naviguer et retrouver une forme d’acceptation du « vivre ensemble ». Une langue peut servir à imaginer une frontière… mais la langue ne peut être une frontière.

Donc, il s’agit bien de « conventions » et « d’arrangements » des humains pour fixer ou pas une frontière. Si certaines frontières sont reconnues et d’autres pas comme les nombreux conflits territoriaux en témoignent, il faut bien comprendre qu’il s’agit en définitive d’un rapport de force entre celui qui va imposer sa « convention » de l’espace et celui qui ne pourra pas le faire. La frontière reconnue relève donc bien d’un rapport de force à un moment ou un autre dans le temps et suppose une reconnaissance par un grand nombre d’autres Etats-nations.

Sans territoire, sans reconnaissance extérieure, il est difficile pour les espaces autoproclamés d’accéder à la notion d’Etat-nation, encore moins de clarifier leurs frontières. Le « vivre ensemble » ne suffit donc pas. La caractère mouvant et agile d’une frontière conduit à parler de « zone frontière » ou d’espace tampon pour signifier justement qu’il n’y a pas de limites formelles entre un espace et un autre, entre un groupe culturel, linguistique, ethnique, politique, etc. et un autre. C’est donc bien la « convention » et les forces que les populations acceptent de donner à cette convention qui finissent par parcelliser le principe du « vivre ensemble » malgré les appartenances à des espaces sociologiques, physiques, culturels, cultuels et économiques divers.

Paradoxalement, et contrairement à la croyance populaire, c’est bien la « frontière » qui limite la propension à s’organiser pour vivre ensemble et non le contraire. Sans les frontières, les humains sont conduits à accepter une forme d’appartenance multipolaire, ouvrant la voie à la neutralisation de la hiérarchisation des espaces et des cultures, et donc de la neutralisation du racisme. Les frontières sont des formes avancées de structuration de l’espace à des fins d’appropriation exclusive. Cette forme de rejet de l’inclusivité de l’autre se perpétue grâce au rapport de forces sauf si un projet politique tente d’y mettre fin, dans un espace donné, en espérant un jour au plan mondial. Le choix politique sous-jacent à la délimitation de la frontière relève lui-aussi de la connaissance historique des origines de l’Etat-nation dont se réclament certains « nationalistes ».

L’Afrique des dirigeants peine à écouter ses populations qui n’ont de convention que celle d’une Afrique sans frontières, comme avant l’invasion et la barbarie coloniales assimilées à de la civilisation, alors qu’il s’agissait d’abord d’une fragmentation pour mieux contrôler les Africains[4]. Pour ce faire, il fallait s’assurer que les droits qui allaient s’appliquer dans les frontières occidentales ne s’appliquent pas dans les frontières africaines. C’est la négation de l’humanité de l’autre, ce qui caractérise le crime du colonialisme, un crime contre l’humanité qui suppose la négation de la culture africaine. Il fut donc question d’une frontière coloniale sans souveraineté et donc sans dignité et autodétermination.

La persistance de chefs d’Etat africains ne représentant pas leurs peuples sur une base démocratique et du vivre ensemble s’explique justement par la persistance de la prolongation de l’Etat colonial remanié pour servir des intérêts étrangers. Cet Etat postcolonial est un Etat raccommodé qui a besoin de l’intangibilité des frontières pour se perpétuer et se renouveler. Ne pas le comprendre a conduit le Peuple africain à s’en prendre uniquement aux représentants de l’Etat ex-colonisateur en oubliant de considérer la forte responsabilité des responsables africains en mode procuration quand il ne s’agit pas de sous-traitance. Le pire est lorsque cela s’opère sous la forme de la servitude volontaire, contraignant à termes les peuples africains à une libération mentale, puis politique et économique pour retrouver leur souveraineté territoriale au sein de frontières qui ne manqueront pas de s’élargir jusqu’à recouvrir l’ensemble de l’Afrique sans frontières, l’Afrique d’avant l’arrivée des colonisateurs.

Le vivre ensemble en Afrique n’est possible que lorsque les frontières imaginaires ou réelles, imposées ou créées, sont abolies. Comme chacun avance à son propre rythme avec les amalgames et les confusions sur le panafricanisme, l’Afrique, sans les frontières coloniales, pourraient avoir besoin de même nombre d’années, soit deux siècles, pour effacer les traces, dites indélébiles, de la culture d’agression coloniale. Encore faut-il de la volonté et de la connaissance de l’histoire africaine racontée par des Africains.

4. FRONTIÈRES AFRICAINES DU 20e SIÈCLE: VESTIGES DE L’AGRESSION COLONIALE OCCIDENTALE

Historiquement, l’Afrique n’avait pas de frontières délimitées. Ce sont les puissances coloniales occidentales qui, unilatéralement se sont partagées l’Afrique au cours de la Conférence de Berlin[5] (1884-1885). Cette division de l’Afrique sans les Africains reposait sur le fait que les populations de l’Afrique ne pouvaient être des « égaux » en tant qu’humain, ni en droit. Il s’agit au pire d’animaux, au mieux d’un bien meuble dont on pouvait abuser.

De fait, l’espace que les Africains occupaient depuis la création du monde est devenu, unilatéralement, une « propriété » de ceux qui au début du 20e siècle se considéraient comme les « maîtres » du monde, grâce à une avance technologique passagère dans le domaine militaire. Ces frontières imposées par les puissances coloniales occidentales ont été tracées pour empêcher d’abord toute forme de réunification du continent, avec en filigrane, l’objectif d’assurer et d’empêcher la mise en cause de l’hégémonie, de l’expansionnisme et de la domination occidentale, sous toutes ses formes.

Or, pour réussir dans le long-terme un tel objectif machiavélique, il fallait absolument nier, détruire, puis remplacer les cultures africaines. Il suffisait alors de substituer les matérialités ethniques, linguistiques, religieuses, sociales, économiques et politiques des peuples africains par celles provenant du « maître-colon », transformé pour l’occasion en « maître-civilisateur ». Or, ce dessein universaliste de colonisation de la pensée mondiale par la pensée occidentale n’a pas disparu et est à l’origine des alliances du G7, de l’OTAN et de ses partenaires officiels ou officieux. C’est cette forme d’impérialisme qui justifie le positionnement du G7, de l’OTAN et ses alliés sur toutes les formes de colonisation de la culture, du territoire et des matières premières d’autrui.

5. LES DIRIGEANTS AFRICAINS INCAPABLES DE LEVER L’INTANGIBILITÉ DES FRONTIÈRES COLONIALES

La gestion de l’héritage colonial des frontières africaines n’est qu’une succession d’erreurs stratégiques doublée d’un manque de volonté collective chronique des dirigeants africains. Ces derniers, en refusant d’écouter le Peuple africain, qui aspire à retrouver son unité ancestrale, ont choisi l’hypocrisie et le double-standard. Ils ont opté:

d’une part, pour les annonces d’unité africaine et d’intégrations régionales aux dépens de pratiques inverses de stabilisation du statut quo colonial ; et

d’autre part, pour le principe d’intangibilité des frontières, que les guerres souvent importées en Afrique ont contribué à mettre en cause dans une logique de parcellisation des nations et des pays et moins dans la logique d’avancer vers une confédération d’Etats et de Nations.

La question de savoir si l’Union africaine est « incapable » de s’unir, d’opter pour un passeport commun et de lever l’intangibilité des frontières[6] demeure une actualité brûlante.

Depuis les années 1885, le processus de délimitation des frontières s’est poursuivi avec une forme d’apogée incongrue en 1964 lors du sommet de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) à savoir: une résolution spécifique a été adoptée pour maintenir « l’intangibilité des frontières africaines[7] ».

Il s’agit de la Résolution A.H.G./16-1 du 21 juillet 1964 qui proclamait « que tous les Etats membres (de l’OUA) s’engagent à respecter les frontières existant au moment où ils ont accédé à l’indépendance ». En filigrane, il s’agit d’appliquer un droit romain devenu un droit international dit « la règle de l’Uti possidetis ». Cette règle censée « préserver la paix » et « éteindre les conflits » constitue une injustice fondamentale dans le temps pour les Peuples africains. Cette règle stipulait en latin que « de la façon dont vous possédez [une chose, un territoire,…], vous possédiez ainsi [cette chose, à l’avenir] ».

C’est un principe qui préserve de facto le statut quo, autrement dit, empêche toute correction des injustices héritées de la Conférence occidentale sur le partage de l’Afrique en 1884-1885 et surtout les amplifient avec les guerres par procuration sur le sol africain.

Pour contester l’intangibilité des frontières africaines, toutes revendications territoriales de la période postcoloniale faisaient alors l’objet d’un contentieux devant la Cour internationale de Justice ou trouvaient ou pas des solutions dans une guerre sur le terrain, une guerre de procuration, dès lors que les principaux pays occidentaux sont les premiers fournisseurs d’armes pour s’assurer un « retour sur investissement ». Une fois la situation temporairement « immobilisée » comme pour:

le territoire du Sahara Occidental qui demeure un conflit ouvert entre le Maroc, la Mauritanie, l’Algérie et l’Etat Sahraoui suite la reconnaissance par l’OUA de la République Arabe Sahraouie, un Etat revendiqué le Front Polisario ;

l’émiettement de l’Ethiopie avec l’Erythrée et en discussion la région du Tigrée ;

l’annexion d’une partie de la République démocratique du Congo avec un conflit ouvert avec le Rwanda et indirectement avec l’Ouganda ;

les tentatives de sécession soutenue par l’Occident comme le Biafra au Nigeria, le Katanga au Zaïre (actuelle RDC), le Soudan Sud et la guerre actuelle au Soudan non sans rapport avec des territoires annexés par l’Egypte, la Libye entre avec le Gouvernement de Tripoli soutenu par l’Occident et le gouvernement de Benghazi/Misrata, etc. ;

les nombreux conflits frontaliers comme celui du Togo britannique entre le Togo et le Ghana, la bande d’Aouzou ou le Darfour entre le Tchad, la Libye et le Soudan, etc. ;

le principe de l’intangibilité des frontières finit par générer des conflits territoriaux qui, à leur tour, finissent par se transformer en de véritables guerres de déstabilisation du territoire africain. La preuve est une référence à l’intervention insensée de l’OTAN en Libye et ses conséquences dans le Sahel ou le conflit d’ingérence en République démocratique du Congo.

Sans volonté entre les pays concernés et malgré la décision de la Cour Internationale de justice, les dossiers reposant sur « l’intangibilité des frontières africaines » divisent l’Afrique. Le droit international a fait place aux relations internationales et la loi du « plus fort ».

Autrement dit, les chefs d’Etat qui luttaient collectivement pour leurs indépendances juridique, politique et économique sont les mêmes qui individuellement et collectivement ont consacré le maintien des « frontières coloniales » dans la période postcolonisation. Ce manque d’unité que les livres d’histoire de l’Afrique résument souvent à l’opposition entre les deux grandes théories divergentes des chefs d’Etat africains en 1963, à savoir d’une part:

l’unité africaine par une approche fédéraliste ; et

l’unité africaine par une approche de l’Afrique des Etats, nés de l’héritage d’un découpage arbitraire des colonisateurs occidentaux.

6. RETROUVER LA DYNAMIQUE D’UNE AFRIQUE SANS FRONTIERES

En 1963, deux groupes s’affrontaient au sein de la « défunte » Organisation de l’Unité africaine. Certains bénéficiaient d’un appui extérieur notable et ont fini par l’emporter. Il s’agit du:

du groupe de Casablanca considéré comme des « progressistes » avec entre autres, les présidents guinéen Sékou Touré, le ghanéen Kwame Nkrumah qui ont milité pour la création d’un État fédéral africain doté d’un gouvernement, d’un budget, d’une armée, d’une monnaie commune, et de banques africaines… ; et

du groupe de Monrovia considéré comme des conservateurs, avec entre autres, les présidents ivoirien Félix Houphouët-Boigny, malgache Philibert Tsiranana, Léopold Sédar Senghor, Hailé Sélassié qui ont milité pour maintenir l’Afrique dans le giron des anciens colonisateurs par des formes nouvelles, spéciales et secrètes de coopérations privilégiées.

Aujourd’hui à l’orée de 2024, ces groupes se sont reconstitués dans un monde multipolaire et les luttes officiellement intestines perdurent grâce aux ingérences multiples extérieures. L’Afrique des dirigeants n’a pas encore appris à s’organiser comme un « continent », un ensemble homogène qui doit faire abstraction de la parenthèse coloniale pour retrouver sa dynamique d’un continent sans frontières d’antan.

7. LA « SÉLECTIVE » LIBRE CIRCULATION DES AFRICAINS AU SEIN DE FRONTIÈRES AFRICAINES INTANGIBLES

Face au postulat que les chefs d’Etat africains refusent de remettre en cause, le concept de la « libre circulation » des biens, des services et des humains s’est graduellement imposé, selon deux sources contradictoires:

d’une part, le peuple africain y compris ceux de la Diaspora et des Afrodescendants n’ont cessé de plaider en faveur d’un « retour » à une Afrique sans frontières ; et

d’autre part, la pression des grandes entreprises multinationales soutenues par les Etats occidentaux, qui souhaitaient pouvoir accéder aux matières premières dans des conditions hors marché ainsi qu’à de larges marchés sans les contraintes administratives, bureaucratiques, fiscales d’usage.

Or, une libre circulation suppose la levée de l’intangibilité des frontières africaines. Mais plutôt que se saisir du problème à bras le corps au regard de l’histoire africaine de libre circulation sans frontières sauf au cours de la parenthèse de deux siècles sous domination occidentale, les dirigeants africains ont opté pour laisser chacun des chefs d’Etat africains choisir les formes, la date et la vitesse à laquelle la nouvelle forme d’intégration dans un espace sous embargo de l’intangibilité des frontières devrait s’opérer. En réalité, c’est un déni de la subsidiarité et de la consociativité comme fondements de l’Union africaine[8].

Déjà en 2016, l’Union africaine (UA) a introduit un passeport africain en s’alignant sur l’approche de l’Union européenne. Mais les chefs d’Etat africains l’ont limité aux seuls diplomates et les fonctionnaires de l’UA.

« Charité bien ordonnée commence par soi-même »…

Chacun peut s’interroger sur les grandes déclarations de l’Union africaine qui affiche comme l’un des objectifs de ses projets phares réalisables à l’horizon 2063, le besoin de « lever les restrictions sur la capacité des Africains à voyager, travailler et vivre au sein de leur propre continent[9] » et oublier de « lever l’intangibilité des frontières » comme si tous les « douaniers africains » respectaient le bout de papier que constitue « le passeport », fusse-t-il africain, comme un « passe-partout ».

Dans la même veine, les chefs d’Etat de l’Union africaine ont choisi comme un autre des objectifs de leurs projets phares réalisables à l’horizon 2063, la réalisation de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA). Il s’agit d’un marché libre de près de 1,3 milliards d’Africains, avec comme avantages connexes:

une avancée notable de l’intégration régionale ;

un renforcement de l’unité continentale en Afrique[10] ; et surtout

une unification du marché africain qui devrait profiter en priorité aux ventes des entreprises multinationales sur un marché estimé à 3,4 trillions de dollars américains, ce qui suppose une progression de la concurrence déloyale envers les entreprises industrielles africaines en gestation.

Autrement dit, le « pari » de l’Union africaine est d’estimer qu’une Afrique sans visa pour les Africains devrait leur permettre de circuler librement sur un continent où l’intangibilité des frontières demeure la règle.

La réalité est que la décision d’octroyer un passeport africain et d’assurer à tous les africains y compris ceux de la Diaspora et les Afrodescendants, une entrée en Afrique sans visa se réalise sur une base volontaire. Tant qu’au moins 50 % des 55 pays africains n’auront pas mis en œuvre cette décision, on ne pourra pas parler de mobilité intra-africaine facilitée.

8. CINQ PAYS AFRICAINS SANS VISAS POUR LES AFRICAINS EN 2023

En 2023, le Rwanda et le Kenya[11] ont rejoint la Gambie, le Bénin et les Seychelles en adoptant la suppression des restrictions de voyage pour les citoyens africains[12]. Pour le Kenya, cette décision ne sera effective qu’à la fin de 2023[13]. Les décisions parcellaires de quelques cinq Etats d’accepter l’entrée des Africains sur leur territoire sans un visa pourraient même devenir contre-productives.

Cinq (5) pays sur 55 pays, soit moins de 9 % des pays africains seraient en pratique prêts à autoriser la libre circulation des citoyens africains, des biens et des services. Cela n’est qu’une goutte d’eau pour progresser vers la libération totale de la Zone de libre-échange continentale africaine[14], mais devrait faciliter le retour d’une partie de la Diaspora africaine en Afrique, ce qui aura un impact significatif sur le développement économique[15] et la migration circulaire.

Malgré les passeports communs et le visa électronique dit « eVisa » au sein de certaines communautés économiques régionales où le passeport commun permet de circuler librement, au moins par avion, car par la route, c’est un parcours de combattant, pour près de 47 % des voyages entre États africains, les citoyens du continent sont toujours tenus d’obtenir un visa avant de voyager.

Selon un rapport de la Commission de l’Union africaine (CUA) et la Banque africaine de développement (BAD) daté du 10 décembre 2020 intitulé « Visa Openness Index Report 2020[16] », le niveau d’ouverture des frontières des pays africains aux voyageurs demeure faible[17]. En 2020, il n’y a que 24 pays qui offraient la possibilité d’un eVisa obtenu à l’arrivée grâce à l’adoption du système du visa électronique, soit 44 % en 2020[18]. En 2023, le nombre de pays est de 26 sur 55 pays en Afrique, soit 47 % de l’Afrique avec notamment les pays suivants: Angola, Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Djibouti, Égypte, Éthiopie, Gabon, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Kenya, Lesotho, Madagascar, Malawi, Maroc, Mozambique, Ouganda, Rwanda, Sao Tomé-et-Principe, Sierra Leone, Tanzanie, Zambie, Zimbabwe[19].

9. CONCLUSION: LA FAIBLE MOBILITÉ INTRA-AFRICAINE FREINE LA PERFORMANCE LOGISTIQUE AFRICAINE

Malgré quelques avancées sur le eVisa, l’obtention du visa à l’arrivée et l’exemption de visa pour les Africains et la Diaspora africaine dans 5 pays africains, on est loin de la libre circulation des citoyens du monde sur l’ensemble du continent. Les retombées sur le tourisme en Afrique sont encore peu visibles.

Le coût de la mauvaise mobilité intra-africaine sur la performance logistique en Afrique fait perdre d’importants points de croissance économique au continent. Ne pas en prendre conscience et continuer à ne pas lutter contre la corruption qui freine la mobilité est une erreur que les dirigeants africains payent cash.

La performance logistique de l’Afrique subsaharienne demeure la plus faible parmi toutes les régions du monde. Entre 1 qui représente le niveau le plus faible et 5 le niveau le plus élevé d’un index du groupe de la Banque mondiale en 2022[20], l’Afrique subsaharienne a été classée à 2,5, bien en dessous de la moyenne mondiale de 3,0 et la région Asie de l’Est et pacifique estimée à 3,3. Ce note est même sous-estimée si l’on prend en compte la qualité dégradée de l’infrastructure physique et infostructure devant soutenir les échanges, le transport et la mobilité en général.

Bref, la bureaucratie, les tracasseries et la corruption africaines demeurent un frein à la circulation des citoyens du monde en Afrique, les Africains sont les premiers victimes d’un système qui souffre de transparence. YEA.

16 novembre 2023.

Dr. Yves Ekoué AMAÏZO

Directeur de Afrocentricity Think Tank

Contact: [email protected]

© Afrocentricity Think Tank

Notes:

« On fait comment » est une expression populaire africaine, typiquement du Cameroun qu’il ne faut pas confondre avec le « camfrançais dit camçais» ou camanglais dit camglais » qui signifie une demande de « bakchich », généralement par un fonctionnaire ou une personne subalterne, bien que des dirigeants semblent en faire aussi usage. ↑

Lénine, V. I. (1966). Que faire ? Editions Seuil: Paris. ↑

Un interview et un débat a eu lieu avec la télévision Russia Today (RT) en français. Le texte et la vidéo/podcast fera l’objet d’une diffusion télévisée avec un co-débatteur sur RT en français. Le lien sera disponible sur www.afrocentricity.info. ↑

Verges, J. (2010). « Jacques Vergès. Dans les territoires coloniaux ». In Dailymotion sur youtu.be. 8,35 mn. 29 septembre 2010. Accédé le 12 novembre 2023. Voir https://youtu.be/wBK6XVKAW6s?si=dDnIC23iPnVLDqBP ↑

Ouattra, L. K. (2014). « Les frontières en Afrique: Héritage du passé colonial, enjeu actuel ». Note de recherche numéro 11. Juillet 2014. 16p. In Thinking Africa. Institut de Recherche et d’Enseignement sur la Paix. www.thinkingafrica.org. Accédé le 12 novembre 2023. Voir http://www.thinkingafrica.org/V2/wp-content/uploads/2014/07/Frontieres-en-Afrique_NDR.pdf ↑

Amaïzo, Y. E. (coll.) (2002). L’Afrique est-elle incapable de s’unir ? Lever l’intangibilité des frontières et opter pour un passeport commun. Avec une préface de Professeur Joseph Ki-Zerbo. Editions L’Harmattan: Paris. ↑

Adiakpo, S. (2018). « Intangibilité des frontières en Afrique et panafricanisme: Une équation quasi-irréductible ? ». In Lafrique des idées.org. 1er décembre 2018. Accédé le 12 novembre 2023. Voir https://www.lafriquedesidees.org/intangibilite-frontieres-afrique-panafricanisme-equation-quasi-irreductible/ ↑

Dieng, P. B. (2002). Vers des assemblées supranationales africaines: subsidiarité et consociativité comme fondements », pp. 515-560. In Amaïzo, Y. E. (coll.) (2002). L’Afrique est-elle incapable de s’unir ? Lever l’intangibilité des frontières et opter pour un passeport commun. Avec une préface de Professeur Joseph Ki-Zerbo. Editions L’Harmattan: Paris. ↑

Union africaine (2013). «Projets phares de l’agenda 2063 ». In www.au.int. 10 juin 2013. Accédé le 12 novembre 2023. Voir https://au.int/fr/agenda2063/projets-phares ↑

Hessoum, C. (2023). « Après le Kenya, le Rwanda supprime les visas pour les africains ». In La nouvelletribune.com. 4 novembre 2023. Accédé le 13 novembre 2023. Voir https://lanouvelletribune.info/2023/11/apres-le-kenya-le-rwanda-supprime-les-visas-pour-les-africains/ ↑

Hessoum, C. (2023). « Après le Kenya, le Rwanda supprime les visas pour les africains ». In La nouvelletribune.com. 4 novembre 2023. Accédé le 13 novembre 2023. Voir https://lanouvelletribune.info/2023/11/apres-le-kenya-le-rwanda-supprime-les-visas-pour-les-africains/ ↑

Atangana, V. N. (2020). « Les voyageurs africains ne peuvent se rendre sans visa que dans 3 pays du continent ». In www.agenceecofin.com. 12 décembre 2020. Accédé le 13 novembre 2023. Voir https://www.agenceecofin.com/gouvernance/1212-83480-les-voyageurs-africains-ne-peuvent-se-rendre-sans-visa-que-dans-3-pays-du-continent ↑

Hessoum, C. (2023). Op. Cit. ↑

Atangana, V. N. (2020). Op. Cit. ↑

Mutahi, B. et Mudibo, Z. (2021). « Zone de libre-échange africaine: qu’est-ce qui va changer? ». In BBC News, Nairobi. 4 février 2021. Accédé le 13 novembre 2023. Voir https://www.bbc.com/afrique/region-55844009 ↑

BAD et CUA (2020). Africa Visa Openness Report 2020. Banque africaine de Développement et Commission de l’Union africaine. Accédé le 13 novembre 2023. Voir https://www.visaopenness.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/VisaOReport2020-R6_10dec20.pdf ↑

Atangana, V. N. (2020). Op. Cit. ↑

Atangana, V. N. (2020). Op. Cit. ↑

Couix. S. (2023). « 2023: les pays qui proposent un visa électronique ». In www.visamundi.co. 23 juin 2023. Accédé le 12 novembre 2023. Voir https://www.visamundi.co/blog/visas-electroniques/ ↑

World Development Indicators (2023). « Logistic Performance Index 2022”. World Bank Group: Washington D.C.Skip to main content

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MOBILITÉ INTRA-AFRICAINE AVEC OU SANS VISAS: Lever l’intangibilité des frontières coloniales en Afrique !

15 novembre 2023 par Yves Ekoué Amaïzo

Sommaire:

1. INTRODUCTION: MOBILITÉ INTRA-AFRICAINE ENTRE OBJECTIF ET RÉALITÉ

2. CIRCULER LIBREMENT EN AFRIQUE POUR LES AFRICAINS, UNE GAGEURE ?

3. VIVRE ENSEMBLE EN AFRIQUE: AVEC OU SANS FRONTIÈRES ?

4. FRONTIÈRES AFRICAINES DU 20e SIÈCLE: VESTIGES DE L’AGRESSION COLONIALE OCCIDENTALE

5. LES DIRIGEANTS AFRICAINS INCAPABLES DE LEVER L’INTANGIBILITÉ DES FRONTIÈRES COLONIALES

6. RETROUVER LA DYNAMIQUE D’UNE AFRIQUE SANS FRONTIERES

7. LA « SÉLECTIVE » LIBRE CIRCULATION DES AFRICAINS AU SEIN DE FRONTIÈRES AFRICAINES INTANGIBLES

8. CINQ PAYS AFRICAINS SANS VISAS POUR LES AFRICAINS EN 2023

9. CONCLUSION: LA FAIBLE MOBILITÉ INTRA-AFRICAINE FREINE LA PERFORMANCE LOGISTIQUE AFRICAINE

1. INTRODUCTION: MOBILITÉ INTRA-AFRICAINE ENTRE OBJECTIF ET RÉALITÉ

Personne ne conteste le fait que la mobilité des humains d’un territoire à l’autre a contribué, contribue, et contribuera toujours au développement économique, social et humain. La mobilité des personnes, des biens, des services et du capital dans l’histoire de l’Afrique est une constante, même si cela n’a pas toujours été suffisamment documenté.

Or, la mobilité ne doit pas rimer uniquement avec « la migration », mais avec le changement, la transformation, et la mutation d’un Peuple vers une vivre ensemble résilient, ce grâce à l’apport de la diversité, et au-delà, l’augmentation de la richesse créée et partagée. La mobilité lorsqu’elle devient équivalent à la migration circulaire notamment en Afrique est source de création de richesses et de solidarités. La question n’est donc pas là ! La question est l’incapacité collective et individuelle de dirigeants d’organiser stratégiquement la mobilité et les migrations en Afrique pour en tirer le fameux dividende de la mobilité.

Dans le cas africain, les ex-colonisateurs ont tout fait pendant près de 400-500 ans pour fragmenter l’Afrique dans tous les segments de ce qui fonde le vivre ensemble et la solidarité. Par ailleurs, les Etats-Nations issus de la décolonisation, considérés comme des « victoires » en termes d’indépendances juridiques et politiques par les dirigeants africains, se révèlent de plus en plus comme un piège pour avancer vers l’unité des peuples africains, qu’ils soient en Afrique, dans la Diaspora africaine ou se définissent comme des Afrodescendants.

Alors « on fait comment[1] » pour ne pas paraphraser la fameuse phrase « que faire » de Vladimir Ilitch Lénine[2] ?

2. CIRCULER LIBREMENT EN AFRIQUE POUR LES AFRICAINS, UNE GAGEURE ?

Source: https://francais.rt.com/magazines/africonnect/108239-bientot-fin-visas-partout-afrique

Au-delà de ce panafricanisme des Peuples, c’est l’unité territoriale qui pose problème. L’Union africaine, une entité regroupant les chefs d’Etat et non les peuples, fonctionnant sur un mode non démocratique, n’arrive pas à offrir un espace commun parce qu’elle refuse, je répète, refuse de « lever l’intangibilité des frontières coloniales africaines ». Or, sans une solution politique à la levée des ces frontières coloniales non sollicitées par le Peuple africain, ces mêmes chefs d’Etat espèrent d’ici 2063, parvenir à une intégration régionale et continentale.

Concrètement, il est question d’avancer vers une suppression complète du visa, sous la forme d’un passeport commun aux Africains et à toutes les Diasporas africaines et ce dans une zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf , ZLECA ou ZLEC selon).

Or, ni les infrastructures et les infostructures continentales d’interconnexion de l’Afrique que ce soit aux niveaux aérien, ferroviaire, fluvial, maritime, digital, ne sont encore en place. Mieux, il n’y a pas de monnaie commune africaine, encore moins une Banque centrale africaine ou un Fond monétaire africain, une Banque d’investissement et une bourse des valeurs mobilières continentales et des cryptoactifs. Alors les dirigeants africains sont persuadés qu’en supprimant les visas ou en mettant en place les visas électroniques, il y a un progrès. Cet « optimisme » est corroboré par seulement cinq (5) ou six (6) pays africains sur 55 qui acceptent de supprimer les visas pour les Africains à la fin de 2023. Mais pourquoi cette lenteur ?

Bref, la mobilité intra-africaine pour les Africains, mais aussi pour les non-Africains, n’est pas vraiment au rendez-vous en 2023-2024. Faut-il l’espérer en 2063 comme le suggère l’Union africaine ? Certainement pas si les progrès se font à la vitesse lilliputienne comme maintenant et surtout si le manque de volonté et la corruption font office d’un sport africain proliférant dans l’impunité collective.

La réalité est qu’il est plus facile et moins cher pour une personne en Occident de circuler en Afrique qu’un Africain de circuler sur son propre continent[3]. Entre les objectifs d’une Afrique sans frontières, sans visa et une libre circulation des personnes, des biens, des services et du capital prônée par l’Union africaine d’ici 2063, la réalité de la mobilité intra-africaine demeure une gageure, surtout par la route, ce à cause des points de barrages informels ou des douaniers indélicats, sous couvert d’une impunité et des salaires peu attractifs.

Rappelons tout de même que la libre circulation des Africains, c’est aussi la libre circulation des « approvisionnements », autrement des importations et des exportations. Or, en limitant la mobilité des Africains, ce sont les échanges de biens, des services, de la technologie et de la connaissance qui sont freinés. Une prise de conscience collective s’impose.

3. VIVRE ENSEMBLE EN AFRIQUE: AVEC OU SANS FRONTIÈRES ?

Vouloir mettre fin à des visas pour tous africains qui souhaitent circuler en Afrique et s’en servir pour promouvoir la zone de libre-échange continental apparaît certes comme une « avancée ». Sauf qu’en réalité, il s’agit d’une fuite en avant des chefs d’Etat africains pris collectivement. En effet, il faut régler la notion de frontières et donc de l’intangibilité des frontières coloniales, inscrite dans le marbre africain comme gage de « stabilité ».

Or, la fragmentation des États en Afrique repose sur une culture nationaliste, héritée de l’Etat-nation, une entité héritée des vestiges des frontières coloniales. Cette approche nationaliste s’oppose à celle du « panafricanisme » qui rappelle la réalité historique d’une Afrique sans frontières coloniales.

Or, la notion de « frontière » selon la culture africaine repose sur la notion de « solidarité » héritée de la Maât de l’Egypte ancestrale des pharaons noirs. Il est question d’accepter sur la base d’une engagement individuel et collectif, souvent fondé sur des préceptes spirituels ou divins, les modalités du « vivre ensemble ». Celles-ci s’accompagnent des règles et comportements qui doivent régir celles et ceux qui les acceptent afin de trouver pacifiquement et selon des modalités convenues à l’avance, un consensus sur le mode de prise de décision et règlement des conflits.

Il s’agit donc bien d’une décision des « humains », même si la géographie peut parfois faciliter les délimitations. En réalité, il n’y a pas de « frontières naturelles » telles que les fleuves ou les montagnes ou même les mers, puisqu’il est possible de créer des ponts, des tunnels, d’escalader ou de naviguer et retrouver une forme d’acceptation du « vivre ensemble ». Une langue peut servir à imaginer une frontière… mais la langue ne peut être une frontière.

Donc, il s’agit bien de « conventions » et « d’arrangements » des humains pour fixer ou pas une frontière. Si certaines frontières sont reconnues et d’autres pas comme les nombreux conflits territoriaux en témoignent, il faut bien comprendre qu’il s’agit en définitive d’un rapport de force entre celui qui va imposer sa « convention » de l’espace et celui qui ne pourra pas le faire. La frontière reconnue relève donc bien d’un rapport de force à un moment ou un autre dans le temps et suppose une reconnaissance par un grand nombre d’autres Etats-nations.

Sans territoire, sans reconnaissance extérieure, il est difficile pour les espaces autoproclamés d’accéder à la notion d’Etat-nation, encore moins de clarifier leurs frontières. Le « vivre ensemble » ne suffit donc pas. La caractère mouvant et agile d’une frontière conduit à parler de « zone frontière » ou d’espace tampon pour signifier justement qu’il n’y a pas de limites formelles entre un espace et un autre, entre un groupe culturel, linguistique, ethnique, politique, etc. et un autre. C’est donc bien la « convention » et les forces que les populations acceptent de donner à cette convention qui finissent par parcelliser le principe du « vivre ensemble » malgré les appartenances à des espaces sociologiques, physiques, culturels, cultuels et économiques divers.

Paradoxalement, et contrairement à la croyance populaire, c’est bien la « frontière » qui limite la propension à s’organiser pour vivre ensemble et non le contraire. Sans les frontières, les humains sont conduits à accepter une forme d’appartenance multipolaire, ouvrant la voie à la neutralisation de la hiérarchisation des espaces et des cultures, et donc de la neutralisation du racisme. Les frontières sont des formes avancées de structuration de l’espace à des fins d’appropriation exclusive. Cette forme de rejet de l’inclusivité de l’autre se perpétue grâce au rapport de forces sauf si un projet politique tente d’y mettre fin, dans un espace donné, en espérant un jour au plan mondial. Le choix politique sous-jacent à la délimitation de la frontière relève lui-aussi de la connaissance historique des origines de l’Etat-nation dont se réclament certains « nationalistes ».

L’Afrique des dirigeants peine à écouter ses populations qui n’ont de convention que celle d’une Afrique sans frontières, comme avant l’invasion et la barbarie coloniales assimilées à de la civilisation, alors qu’il s’agissait d’abord d’une fragmentation pour mieux contrôler les Africains[4]. Pour ce faire, il fallait s’assurer que les droits qui allaient s’appliquer dans les frontières occidentales ne s’appliquent pas dans les frontières africaines. C’est la négation de l’humanité de l’autre, ce qui caractérise le crime du colonialisme, un crime contre l’humanité qui suppose la négation de la culture africaine. Il fut donc question d’une frontière coloniale sans souveraineté et donc sans dignité et autodétermination.

La persistance de chefs d’Etat africains ne représentant pas leurs peuples sur une base démocratique et du vivre ensemble s’explique justement par la persistance de la prolongation de l’Etat colonial remanié pour servir des intérêts étrangers. Cet Etat postcolonial est un Etat raccommodé qui a besoin de l’intangibilité des frontières pour se perpétuer et se renouveler. Ne pas le comprendre a conduit le Peuple africain à s’en prendre uniquement aux représentants de l’Etat ex-colonisateur en oubliant de considérer la forte responsabilité des responsables africains en mode procuration quand il ne s’agit pas de sous-traitance. Le pire est lorsque cela s’opère sous la forme de la servitude volontaire, contraignant à termes les peuples africains à une libération mentale, puis politique et économique pour retrouver leur souveraineté territoriale au sein de frontières qui ne manqueront pas de s’élargir jusqu’à recouvrir l’ensemble de l’Afrique sans frontières, l’Afrique d’avant l’arrivée des colonisateurs.

Le vivre ensemble en Afrique n’est possible que lorsque les frontières imaginaires ou réelles, imposées ou créées, sont abolies. Comme chacun avance à son propre rythme avec les amalgames et les confusions sur le panafricanisme, l’Afrique, sans les frontières coloniales, pourraient avoir besoin de même nombre d’années, soit deux siècles, pour effacer les traces, dites indélébiles, de la culture d’agression coloniale. Encore faut-il de la volonté et de la connaissance de l’histoire africaine racontée par des Africains.

4. FRONTIÈRES AFRICAINES DU 20e SIÈCLE: VESTIGES DE L’AGRESSION COLONIALE OCCIDENTALE

Historiquement, l’Afrique n’avait pas de frontières délimitées. Ce sont les puissances coloniales occidentales qui, unilatéralement se sont partagées l’Afrique au cours de la Conférence de Berlin[5] (1884-1885). Cette division de l’Afrique sans les Africains reposait sur le fait que les populations de l’Afrique ne pouvaient être des « égaux » en tant qu’humain, ni en droit. Il s’agit au pire d’animaux, au mieux d’un bien meuble dont on pouvait abuser.

De fait, l’espace que les Africains occupaient depuis la création du monde est devenu, unilatéralement, une « propriété » de ceux qui au début du 20e siècle se considéraient comme les « maîtres » du monde, grâce à une avance technologique passagère dans le domaine militaire. Ces frontières imposées par les puissances coloniales occidentales ont été tracées pour empêcher d’abord toute forme de réunification du continent, avec en filigrane, l’objectif d’assurer et d’empêcher la mise en cause de l’hégémonie, de l’expansionnisme et de la domination occidentale, sous toutes ses formes.

Or, pour réussir dans le long-terme un tel objectif machiavélique, il fallait absolument nier, détruire, puis remplacer les cultures africaines. Il suffisait alors de substituer les matérialités ethniques, linguistiques, religieuses, sociales, économiques et politiques des peuples africains par celles provenant du « maître-colon », transformé pour l’occasion en « maître-civilisateur ». Or, ce dessein universaliste de colonisation de la pensée mondiale par la pensée occidentale n’a pas disparu et est à l’origine des alliances du G7, de l’OTAN et de ses partenaires officiels ou officieux. C’est cette forme d’impérialisme qui justifie le positionnement du G7, de l’OTAN et ses alliés sur toutes les formes de colonisation de la culture, du territoire et des matières premières d’autrui.

5. LES DIRIGEANTS AFRICAINS INCAPABLES DE LEVER L’INTANGIBILITÉ DES FRONTIÈRES COLONIALES

La gestion de l’héritage colonial des frontières africaines n’est qu’une succession d’erreurs stratégiques doublée d’un manque de volonté collective chronique des dirigeants africains. Ces derniers, en refusant d’écouter le Peuple africain, qui aspire à retrouver son unité ancestrale, ont choisi l’hypocrisie et le double-standard. Ils ont opté:

d’une part, pour les annonces d’unité africaine et d’intégrations régionales aux dépens de pratiques inverses de stabilisation du statut quo colonial ; et

d’autre part, pour le principe d’intangibilité des frontières, que les guerres souvent importées en Afrique ont contribué à mettre en cause dans une logique de parcellisation des nations et des pays et moins dans la logique d’avancer vers une confédération d’Etats et de Nations.

La question de savoir si l’Union africaine est « incapable » de s’unir, d’opter pour un passeport commun et de lever l’intangibilité des frontières[6] demeure une actualité brûlante.

Depuis les années 1885, le processus de délimitation des frontières s’est poursuivi avec une forme d’apogée incongrue en 1964 lors du sommet de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) à savoir: une résolution spécifique a été adoptée pour maintenir « l’intangibilité des frontières africaines[7] ».

Il s’agit de la Résolution A.H.G./16-1 du 21 juillet 1964 qui proclamait « que tous les Etats membres (de l’OUA) s’engagent à respecter les frontières existant au moment où ils ont accédé à l’indépendance ». En filigrane, il s’agit d’appliquer un droit romain devenu un droit international dit « la règle de l’Uti possidetis ». Cette règle censée « préserver la paix » et « éteindre les conflits » constitue une injustice fondamentale dans le temps pour les Peuples africains. Cette règle stipulait en latin que « de la façon dont vous possédez [une chose, un territoire,…], vous possédiez ainsi [cette chose, à l’avenir] ».

C’est un principe qui préserve de facto le statut quo, autrement dit, empêche toute correction des injustices héritées de la Conférence occidentale sur le partage de l’Afrique en 1884-1885 et surtout les amplifient avec les guerres par procuration sur le sol africain.

Pour contester l’intangibilité des frontières africaines, toutes revendications territoriales de la période postcoloniale faisaient alors l’objet d’un contentieux devant la Cour internationale de Justice ou trouvaient ou pas des solutions dans une guerre sur le terrain, une guerre de procuration, dès lors que les principaux pays occidentaux sont les premiers fournisseurs d’armes pour s’assurer un « retour sur investissement ». Une fois la situation temporairement « immobilisée » comme pour:

le territoire du Sahara Occidental qui demeure un conflit ouvert entre le Maroc, la Mauritanie, l’Algérie et l’Etat Sahraoui suite la reconnaissance par l’OUA de la République Arabe Sahraouie, un Etat revendiqué le Front Polisario ;

l’émiettement de l’Ethiopie avec l’Erythrée et en discussion la région du Tigrée ;

l’annexion d’une partie de la République démocratique du Congo avec un conflit ouvert avec le Rwanda et indirectement avec l’Ouganda ;

les tentatives de sécession soutenue par l’Occident comme le Biafra au Nigeria, le Katanga au Zaïre (actuelle RDC), le Soudan Sud et la guerre actuelle au Soudan non sans rapport avec des territoires annexés par l’Egypte, la Libye entre avec le Gouvernement de Tripoli soutenu par l’Occident et le gouvernement de Benghazi/Misrata, etc. ;

les nombreux conflits frontaliers comme celui du Togo britannique entre le Togo et le Ghana, la bande d’Aouzou ou le Darfour entre le Tchad, la Libye et le Soudan, etc. ;

le principe de l’intangibilité des frontières finit par générer des conflits territoriaux qui, à leur tour, finissent par se transformer en de véritables guerres de déstabilisation du territoire africain. La preuve est une référence à l’intervention insensée de l’OTAN en Libye et ses conséquences dans le Sahel ou le conflit d’ingérence en République démocratique du Congo.

Sans volonté entre les pays concernés et malgré la décision de la Cour Internationale de justice, les dossiers reposant sur « l’intangibilité des frontières africaines » divisent l’Afrique. Le droit international a fait place aux relations internationales et la loi du « plus fort ».

Autrement dit, les chefs d’Etat qui luttaient collectivement pour leurs indépendances juridique, politique et économique sont les mêmes qui individuellement et collectivement ont consacré le maintien des « frontières coloniales » dans la période postcolonisation. Ce manque d’unité que les livres d’histoire de l’Afrique résument souvent à l’opposition entre les deux grandes théories divergentes des chefs d’Etat africains en 1963, à savoir d’une part:

l’unité africaine par une approche fédéraliste ; et

l’unité africaine par une approche de l’Afrique des Etats, nés de l’héritage d’un découpage arbitraire des colonisateurs occidentaux.

6. RETROUVER LA DYNAMIQUE D’UNE AFRIQUE SANS FRONTIERES

En 1963, deux groupes s’affrontaient au sein de la « défunte » Organisation de l’Unité africaine. Certains bénéficiaient d’un appui extérieur notable et ont fini par l’emporter. Il s’agit du:

du groupe de Casablanca considéré comme des « progressistes » avec entre autres, les présidents guinéen Sékou Touré, le ghanéen Kwame Nkrumah qui ont milité pour la création d’un État fédéral africain doté d’un gouvernement, d’un budget, d’une armée, d’une monnaie commune, et de banques africaines… ; et

du groupe de Monrovia considéré comme des conservateurs, avec entre autres, les présidents ivoirien Félix Houphouët-Boigny, malgache Philibert Tsiranana, Léopold Sédar Senghor, Hailé Sélassié qui ont milité pour maintenir l’Afrique dans le giron des anciens colonisateurs par des formes nouvelles, spéciales et secrètes de coopérations privilégiées.

Aujourd’hui à l’orée de 2024, ces groupes se sont reconstitués dans un monde multipolaire et les luttes officiellement intestines perdurent grâce aux ingérences multiples extérieures. L’Afrique des dirigeants n’a pas encore appris à s’organiser comme un « continent », un ensemble homogène qui doit faire abstraction de la parenthèse coloniale pour retrouver sa dynamique d’un continent sans frontières d’antan.

7. LA « SÉLECTIVE » LIBRE CIRCULATION DES AFRICAINS AU SEIN DE FRONTIÈRES AFRICAINES INTANGIBLES

Face au postulat que les chefs d’Etat africains refusent de remettre en cause, le concept de la « libre circulation » des biens, des services et des humains s’est graduellement imposé, selon deux sources contradictoires:

d’une part, le peuple africain y compris ceux de la Diaspora et des Afrodescendants n’ont cessé de plaider en faveur d’un « retour » à une Afrique sans frontières ; et

d’autre part, la pression des grandes entreprises multinationales soutenues par les Etats occidentaux, qui souhaitaient pouvoir accéder aux matières premières dans des conditions hors marché ainsi qu’à de larges marchés sans les contraintes administratives, bureaucratiques, fiscales d’usage.

Or, une libre circulation suppose la levée de l’intangibilité des frontières africaines. Mais plutôt que se saisir du problème à bras le corps au regard de l’histoire africaine de libre circulation sans frontières sauf au cours de la parenthèse de deux siècles sous domination occidentale, les dirigeants africains ont opté pour laisser chacun des chefs d’Etat africains choisir les formes, la date et la vitesse à laquelle la nouvelle forme d’intégration dans un espace sous embargo de l’intangibilité des frontières devrait s’opérer. En réalité, c’est un déni de la subsidiarité et de la consociativité comme fondements de l’Union africaine[8].

Déjà en 2016, l’Union africaine (UA) a introduit un passeport africain en s’alignant sur l’approche de l’Union européenne. Mais les chefs d’Etat africains l’ont limité aux seuls diplomates et les fonctionnaires de l’UA.

« Charité bien ordonnée commence par soi-même »…

Chacun peut s’interroger sur les grandes déclarations de l’Union africaine qui affiche comme l’un des objectifs de ses projets phares réalisables à l’horizon 2063, le besoin de « lever les restrictions sur la capacité des Africains à voyager, travailler et vivre au sein de leur propre continent[9] » et oublier de « lever l’intangibilité des frontières » comme si tous les « douaniers africains » respectaient le bout de papier que constitue « le passeport », fusse-t-il africain, comme un « passe-partout ».

Dans la même veine, les chefs d’Etat de l’Union africaine ont choisi comme un autre des objectifs de leurs projets phares réalisables à l’horizon 2063, la réalisation de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA). Il s’agit d’un marché libre de près de 1,3 milliards d’Africains, avec comme avantages connexes:

une avancée notable de l’intégration régionale ;

un renforcement de l’unité continentale en Afrique[10] ; et surtout

une unification du marché africain qui devrait profiter en priorité aux ventes des entreprises multinationales sur un marché estimé à 3,4 trillions de dollars américains, ce qui suppose une progression de la concurrence déloyale envers les entreprises industrielles africaines en gestation.

Autrement dit, le « pari » de l’Union africaine est d’estimer qu’une Afrique sans visa pour les Africains devrait leur permettre de circuler librement sur un continent où l’intangibilité des frontières demeure la règle.

La réalité est que la décision d’octroyer un passeport africain et d’assurer à tous les africains y compris ceux de la Diaspora et les Afrodescendants, une entrée en Afrique sans visa se réalise sur une base volontaire. Tant qu’au moins 50 % des 55 pays africains n’auront pas mis en œuvre cette décision, on ne pourra pas parler de mobilité intra-africaine facilitée.

8. CINQ PAYS AFRICAINS SANS VISAS POUR LES AFRICAINS EN 2023

En 2023, le Rwanda et le Kenya[11] ont rejoint la Gambie, le Bénin et les Seychelles en adoptant la suppression des restrictions de voyage pour les citoyens africains[12]. Pour le Kenya, cette décision ne sera effective qu’à la fin de 2023[13]. Les décisions parcellaires de quelques cinq Etats d’accepter l’entrée des Africains sur leur territoire sans un visa pourraient même devenir contre-productives.

Cinq (5) pays sur 55 pays, soit moins de 9 % des pays africains seraient en pratique prêts à autoriser la libre circulation des citoyens africains, des biens et des services. Cela n’est qu’une goutte d’eau pour progresser vers la libération totale de la Zone de libre-échange continentale africaine[14], mais devrait faciliter le retour d’une partie de la Diaspora africaine en Afrique, ce qui aura un impact significatif sur le développement économique[15] et la migration circulaire.

Malgré les passeports communs et le visa électronique dit « eVisa » au sein de certaines communautés économiques régionales où le passeport commun permet de circuler librement, au moins par avion, car par la route, c’est un parcours de combattant, pour près de 47 % des voyages entre États africains, les citoyens du continent sont toujours tenus d’obtenir un visa avant de voyager.

Selon un rapport de la Commission de l’Union africaine (CUA) et la Banque africaine de développement (BAD) daté du 10 décembre 2020 intitulé « Visa Openness Index Report 2020[16] », le niveau d’ouverture des frontières des pays africains aux voyageurs demeure faible[17]. En 2020, il n’y a que 24 pays qui offraient la possibilité d’un eVisa obtenu à l’arrivée grâce à l’adoption du système du visa électronique, soit 44 % en 2020[18]. En 2023, le nombre de pays est de 26 sur 55 pays en Afrique, soit 47 % de l’Afrique avec notamment les pays suivants: Angola, Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Djibouti, Égypte, Éthiopie, Gabon, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Kenya, Lesotho, Madagascar, Malawi, Maroc, Mozambique, Ouganda, Rwanda, Sao Tomé-et-Principe, Sierra Leone, Tanzanie, Zambie, Zimbabwe[19].

9. CONCLUSION: LA FAIBLE MOBILITÉ INTRA-AFRICAINE FREINE LA PERFORMANCE LOGISTIQUE AFRICAINE

Malgré quelques avancées sur le eVisa, l’obtention du visa à l’arrivée et l’exemption de visa pour les Africains et la Diaspora africaine dans 5 pays africains, on est loin de la libre circulation des citoyens du monde sur l’ensemble du continent. Les retombées sur le tourisme en Afrique sont encore peu visibles.

Le coût de la mauvaise mobilité intra-africaine sur la performance logistique en Afrique fait perdre d’importants points de croissance économique au continent. Ne pas en prendre conscience et continuer à ne pas lutter contre la corruption qui freine la mobilité est une erreur que les dirigeants africains payent cash.

La performance logistique de l’Afrique subsaharienne demeure la plus faible parmi toutes les régions du monde. Entre 1 qui représente le niveau le plus faible et 5 le niveau le plus élevé d’un index du groupe de la Banque mondiale en 2022[20], l’Afrique subsaharienne a été classée à 2,5, bien en dessous de la moyenne mondiale de 3,0 et la région Asie de l’Est et pacifique estimée à 3,3. Ce note est même sous-estimée si l’on prend en compte la qualité dégradée de l’infrastructure physique et infostructure devant soutenir les échanges, le transport et la mobilité en général.

Bref, la bureaucratie, les tracasseries et la corruption africaines demeurent un frein à la circulation des citoyens du monde en Afrique, les Africains sont les premiers victimes d’un système qui souffre de transparence. YEA.

16 novembre 2023.

Dr. Yves Ekoué AMAÏZO

Directeur de Afrocentricity Think Tank

Contact: [email protected]

© Afrocentricity Think Tank

Notes:

« On fait comment » est une expression populaire africaine, typiquement du Cameroun qu’il ne faut pas confondre avec le « camfrançais dit camçais» ou camanglais dit camglais » qui signifie une demande de « bakchich », généralement par un fonctionnaire ou une personne subalterne, bien que des dirigeants semblent en faire aussi usage. ↑

Lénine, V. I. (1966). Que faire ? Editions Seuil: Paris. ↑

Un interview et un débat a eu lieu avec la télévision Russia Today (RT) en français. Le texte et la vidéo/podcast fera l’objet d’une diffusion télévisée avec un co-débatteur sur RT en français. Le lien sera disponible sur www.afrocentricity.info. ↑

Verges, J. (2010). « Jacques Vergès. Dans les territoires coloniaux ». In Dailymotion sur youtu.be. 8,35 mn. 29 septembre 2010. Accédé le 12 novembre 2023. Voir https://youtu.be/wBK6XVKAW6s?si=dDnIC23iPnVLDqBP ↑

Ouattra, L. K. (2014). « Les frontières en Afrique: Héritage du passé colonial, enjeu actuel ». Note de recherche numéro 11. Juillet 2014. 16p. In Thinking Africa. Institut de Recherche et d’Enseignement sur la Paix. www.thinkingafrica.org. Accédé le 12 novembre 2023. Voir http://www.thinkingafrica.org/V2/wp-content/uploads/2014/07/Frontieres-en-Afrique_NDR.pdf ↑

Amaïzo, Y. E. (coll.) (2002). L’Afrique est-elle incapable de s’unir ? Lever l’intangibilité des frontières et opter pour un passeport commun. Avec une préface de Professeur Joseph Ki-Zerbo. Editions L’Harmattan: Paris. ↑

Adiakpo, S. (2018). « Intangibilité des frontières en Afrique et panafricanisme: Une équation quasi-irréductible ? ». In Lafrique des idées.org. 1er décembre 2018. Accédé le 12 novembre 2023. Voir https://www.lafriquedesidees.org/intangibilite-frontieres-afrique-panafricanisme-equation-quasi-irreductible/ ↑

Dieng, P. B. (2002). Vers des assemblées supranationales africaines: subsidiarité et consociativité comme fondements », pp. 515-560. In Amaïzo, Y. E. (coll.) (2002). L’Afrique est-elle incapable de s’unir ? Lever l’intangibilité des frontières et opter pour un passeport commun. Avec une préface de Professeur Joseph Ki-Zerbo. Editions L’Harmattan: Paris. ↑

Union africaine (2013). «Projets phares de l’agenda 2063 ». In www.au.int. 10 juin 2013. Accédé le 12 novembre 2023. Voir https://au.int/fr/agenda2063/projets-phares ↑

Hessoum, C. (2023). « Après le Kenya, le Rwanda supprime les visas pour les africains ». In La nouvelletribune.com. 4 novembre 2023. Accédé le 13 novembre 2023. Voir https://lanouvelletribune.info/2023/11/apres-le-kenya-le-rwanda-supprime-les-visas-pour-les-africains/ ↑

Hessoum, C. (2023). « Après le Kenya, le Rwanda supprime les visas pour les africains ». In La nouvelletribune.com. 4 novembre 2023. Accédé le 13 novembre 2023. Voir https://lanouvelletribune.info/2023/11/apres-le-kenya-le-rwanda-supprime-les-visas-pour-les-africains/ ↑

Atangana, V. N. (2020). « Les voyageurs africains ne peuvent se rendre sans visa que dans 3 pays du continent ». In www.agenceecofin.com. 12 décembre 2020. Accédé le 13 novembre 2023. Voir https://www.agenceecofin.com/gouvernance/1212-83480-les-voyageurs-africains-ne-peuvent-se-rendre-sans-visa-que-dans-3-pays-du-continent ↑

Hessoum, C. (2023). Op. Cit. ↑

Atangana, V. N. (2020). Op. Cit. ↑

Mutahi, B. et Mudibo, Z. (2021). « Zone de libre-échange africaine: qu’est-ce qui va changer? ». In BBC News, Nairobi. 4 février 2021. Accédé le 13 novembre 2023. Voir https://www.bbc.com/afrique/region-55844009 ↑

BAD et CUA (2020). Africa Visa Openness Report 2020. Banque africaine de Développement et Commission de l’Union africaine. Accédé le 13 novembre 2023. Voir https://www.visaopenness.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/VisaOReport2020-R6_10dec20.pdf ↑

Atangana, V. N. (2020). Op. Cit. ↑

Atangana, V. N. (2020). Op. Cit. ↑

Couix. S. (2023). « 2023: les pays qui proposent un visa électronique ». In www.visamundi.co. 23 juin 2023. Accédé le 12 novembre 2023. Voir https://www.visamundi.co/blog/visas-electroniques/ ↑

World Development Indicators (2023). « Logistic Performance Index 2022”. World Bank Group: Washington D.C.

[13/12 à 10:35] Joel Liberté: TRIBUNE LIBRE/Togo: Quand le vide s’installe, on le constate un point c’est tout

*Il n’y a même pas de polémique.*

*Quand le vide s’installe, on le constate un point c’est tout.*

Lorsqu’une institution comme l’Assemblée Nationale se retrouve dans une situation de fait et gère les affaires de l’État dans ces conditions, point n’a besoin d’être constitutionnaliste ou diplômé de grande université pour savoir qu’il y a un vide.

L’article 52 alinéa 11 qui est censé régler ce cas de figure ne le peut malheureusement parcequ’il y a des insuffisances dans son libellé. C’est une œuvre humaine, il peut y avoir de l’inperfection. Et c’est le cas ; surtout, lorsque l’intention qui guidait les artisans de cette œuvre n’était pas bienveillante. Il faut le reconnaître et l’accepter. Point barre.

Ce n’est pas parceque c’est du droit, qu’on ne doit pas y associer la logique. Le droit est bel bien basé sur la logique, je dirais le bon sens parcequ’il est censé régir les rapports entre humains, Me AJAVON Zeus, éminent professeur de droit des universités.

D’après mes maigres connaissances de droit, la constitution d’un Pays peut se définir comme étant la façon dont les pouvoirs conférés aux différentes institutions du pays sont organisés et transmis, de même que leur fonctionnement dans l’espace et dans le temps. Il est aussi admis que les pouvoirs sont généralement organisés suivant le principe que le pouvoir arrête le pouvoir.

Me AJAVON Zeus peut-il nous dire laquelle des institutions dans notre République et selon notre Constitution est habilitée à prolonger le mandat des députés lorsque ce mandat arrive à échéance ? Me AJAVON Zeus peut-il affirmer aux Togolais en toute honnêteté et en toute sagesse et clairvoyance d’esprit que l’article 52, alinéa 11 règle le cas de figure qui se présentera le 31 décembre 2023, lorsque le mandat de l’actuelle Assemblée Nationale prendra fin ? Certains collègues apprentis politiciens, imbus de leur suffisance du haut des perches captés à cause de l’incohérence politique de certains dans le domaine, croit pouvoir faire de la pédagogie aux autres.

Si une sage femme déclare la naissance d’un enfant le 31 décembre 2018, quel agent d’état civil dira sur l’acte de naissance que l’enfant est né le 8 janvier 2019, à moins qu’il soit enivré du lait de vache. Si nottre constitution dit que la nouvelle Assemblée Nationale se réunit de plein droit le premier mardi suivant la proclamation définitive par la Cour constitutionnelle, cela ne veut pas dire que ceux qui sont déclarés élus ne le sont qu’à partir de leur prise de fonction. Les députés sont élus parlementaires à partir de la date de la proclamation des résultats définitifs par la Cour constitutionnelle et leur mandat doit prendre fin à cette même date après le délai prévu pour la législature, et dans le cas présent, c’est le 31 décembre 2023. C’est une question de logique, et mettons de côté les gesticulations et les interprétations guidées par les intérêts de nos chapelles. C’est notre pays le Togo qui doit être, en tout, notre priorité.

Au demeurant, ce n’est pas parceque la classe politique au cours de l’année 2013 avait accepté la prolongation faite par la Cour constitutionnelle que cela doit devenir une règle. Elle n’en a pas le droit.

Ceci dit, la fin du mandat des députés à l’Assemblée Nationale ne signifie pas la disparition de l’institution, mais ceux qui vont continuer à l’animer malgré l’expiration de leur délai prévu par la loi le feront dans l’illégalité. Ils seront obligés d’exercer un pouvoir de fait. Et, étant donné qu’aucune autre institution n’a la prérogative de prolonger leur mandat, on doit constater logiquement un vide constitutionnel car c’est un cas non réglé par le législateur constitutionnel.

Acceptons que les hommes passent et les institutions restent ; n’en déplaise au grand professeur de droit qu’est Me Zeus AJAVON qui ne cesse d’étonner beaucoup de Togolais pour des raisons que l’on ignore.

Qu’il nous souvienne qu’en 2020, dans la nuit du 22 au 23 février, c’est aussi lui, Me AJAVON Zeus qui a appelé le Dr Agbéyomé KODJO pour lui dire que d’après les résultats compilés par ses structures mis en place dans le cadre de cette élection présidentielle, c’est lui Agbéyomé qui a gagné cette élection. Mais quelques jours plus tard, c’est aussi lui qui demandera des preuves au vainqueur pour attester sa victoire. Il reconnaîtra plus tard dans une sortie alambiquée qu’il l’a effectivement appelé pour lui dire qu’il a gagné mais qu’il attendait les preuves par les procès verbaux pour lui adresser ses félicitations. Étrange n’est ce pas ! C’est ça aussi le Togo où à cause du système du pouvoir qui a fonctionné depuis plusieurs décennies, les gens ravalent facilement leur conviction sans en avoir aucune honte.

C’est aussi ces incohérences, ces tâtonnements, ces tergiversations, ces indécisions et ces peaux de banane qui freinent la lutte et la rendent difficile et périlleuse pour les Togolais.

C’est dommage pour notre Pays.

Certains autres juristes, et non des moindres parlent d’une simple d’esprit. Si c’était le cas, pourquoi le législateur constitutionnel serait alors obligé de prévoir l’alinéa 11 de l’article 52. Quel serait alors l’objectif visé par cet alinéa 11 de l’article 52 si les gens pensent qu’il n’y a dans aucun pays le vide constitutionnel. Pourquoi les États-Unis font tout pour tenir l’élection présidentielle à une date fixée par leur Constitution et organise la succession au pouvoir de manière rigoureuse ? Que craignent-ils en respectant scrupuleusement ces agendas préalablement arrêtés ? Pourquoi alors la Déclaration universelle des droits de l’Homme dont nous faitons les 75 ans parle de l’organisation des élections _périodiquement_ et que certains textes consacrent ces échéances électorales _à intervalles réguliers_ ?

Nos grands juristes admettent-ils alors que le pouvoir en place est libre de violer allègrement les dispositions constitutionnelles et se donner la lattitude d’organiser la succession au pouvoir quand ils le veulent et comme ils l’entendent ?

Au demeurant, quel cas de forces majeur le pouvoir RPT/Unir peut-il évoquer pour justifier la non tenue des élections législatives à la date prévue par la constitution ? Comment nos juristes peuvent nommer ce cas de figure qui se présente à nous ? Les togolais aimeraient bien apprendre et comprendre.

Le RPT/Unir a réussi à inhoculer la peur même dans les esprits insoupçonnables.

En tout état de cause, toutes ces gesticulations et autres élucubrations ne sont que des faux-fuyants. La vérité finira toujours et toujours par s’imposer.

La nuit est longue mais le jour vient, nous a dit le Père de l’Indépendance de notre cher et beau pays le Togo.

*Gérard ADJA, le 13 décembre 2023*.

Sommaire:

1. INTRODUCTION: MOBILITÉ INTRA-AFRICAINE ENTRE OBJECTIF ET RÉALITÉ

2. CIRCULER LIBREMENT EN AFRIQUE POUR LES AFRICAINS, UNE GAGEURE ?

3. VIVRE ENSEMBLE EN AFRIQUE: AVEC OU SANS FRONTIÈRES ?

4. FRONTIÈRES AFRICAINES DU 20e SIÈCLE: VESTIGES DE L’AGRESSION COLONIALE OCCIDENTALE

5. LES DIRIGEANTS AFRICAINS INCAPABLES DE LEVER L’INTANGIBILITÉ DES FRONTIÈRES COLONIALES

6. RETROUVER LA DYNAMIQUE D’UNE AFRIQUE SANS FRONTIERES

7. LA « SÉLECTIVE » LIBRE CIRCULATION DES AFRICAINS AU SEIN DE FRONTIÈRES AFRICAINES INTANGIBLES

8. CINQ PAYS AFRICAINS SANS VISAS POUR LES AFRICAINS EN 2023

9. CONCLUSION: LA FAIBLE MOBILITÉ INTRA-AFRICAINE FREINE LA PERFORMANCE LOGISTIQUE AFRICAINE

1. INTRODUCTION: MOBILITÉ INTRA-AFRICAINE ENTRE OBJECTIF ET RÉALITÉ

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