Africa-Press – Togo. «…il se trouve que les Togolais visitent ces états voisins et n’ont donc nullement besoin de mauvaise foi pour constater que leur Togo, dans ce voisinage, est d’une anormalité d’autant plus triste que Faure Gnassingbé, arrivé au pouvoir à moins de 40 ans, aurait dû brûler, plus que tous, d’envie de très bien faire. S’accrocher au pouvoir n’est tolérable que si on s’applique, au moins, à faire le bonheur de son peuple. Mais toute boulimie de longévité au pouvoir qui se nourrit du mépris de ceux dont on accapare ainsi le destin est, au regard de l’histoire, doublement coupable.» (Jean-Baptiste Placca, Radio France Internationale)
Notre compatriote et journaliste à RFI, Jean-Baptiste Placca, revenait à la fin de sa chronique sur le caractère anormal de la gouvernance de Faure Gnassingbé au Togo, qui tape à l’oeil de tout le monde dans un voisinage ouest-africain en plein essor. Du côté de Lomé, aux alentours du pouvoir de dictature, même le site de propagande «Republic of Togo», toujours prompt à déverser des balivernes pour soutenir l’insoutenable, semble être arrivé au bout de son latin quant à la possibilité de contrer par des arguments l’exigence de l’opposition et de la société civile d’une démission immédiate de Faure Gnassingbé. Le site reprend telles quelles les revendications des populations et de l’opposition togolaises: «Jean-Pierre Fabre (ANC), Me Paul Dodji Apevon (FDR) et leurs camarades de l’opposition ne veulent plus jouer au chat et à la souris avec le pouvoir. Selon eux, Faure Gnassingbé doit faire ses valises pas pour un petit voyage, mais pour une « démission immédiate ». Rien que ça.» Ce qui nous renvoie au titre de notre texte pour parler d’un Togo qui ressemble aujourd’hui à un navire sans capitaine. D’ailleurs, depuis que Faure Gnassingbé est au pouvoir, depuis donc 2005, en dehors de la jouissance du pouvoir, en dehors de la belle vie, pour lui et ses amis, avec son corollaire de siphonnage des deniers publics, nulle trace d’un quelconque développement, allant dans l’intérêt des populations togolaises.
Après les contorsions constitutionnelles, pour reprendre l’expression de Jean-Baptiste Placca, et après la comédie qui avait consisté en la désignation de Monsieur Jean-Lucien Savi de Tové comme président de la supposée 5e république, non seulement l’inaugurateur des chrysanthèmes n’a aucun lieu de travail officiellement connu, dû à son rang, mais notre pépé de 86 ans est porté disparu. Aucun message à la nation, aucun signe de vie à l’attention du peuple pour lequel il est supposé avoir été «élu». Pendant ce temps Faure Gnassingbé, également invisible et peu bavard pour son peuple, continue à s’amuser avec son «jouet Togo», à lui légué par son père. Il semble, depuis 2005, n’avoir de comptes à rendre à personne. Vendredi, le 6 juin dernier, des jeunes Togolais manifestent contre la mauvaise gouvernance, contre le changement unilatéral de la constitution togolaise et contre une 5e république dont personne ne veut. Comme la majorité des Togolais, les manifestants demandaient, ni plus ni moins, la démission du dictateur. Plusieurs manifestants sont arrêtés et torturés. On déplore au moins un mort suite à des violences policières. Quand le «prince-héritier» s’exprime, c’était pour remercier ceux qui l’auraient congratulé pour son anniversaire. Pas un mot sur la colère des Togolais du fait de sa gouvernance calamiteuse, et tout continue comme avant. Le plan de Faure Gnassingbé et de ses proches collaborateurs semble avoir été minutieusement peaufiné: charcuter en solo une constitution votée par le peuple togolais en 1992, sans consulter le même peuple togolais; créer une nouvelle république factice, synonyme pour pour eux d’un régime parlementaire, mettre à la tête une personnalité d’un âge avancé, fatigué par la maladie. Faure Gnassingbé peut alors se donner un titre, également factice, président du conseil, pendant qu’il continue à demeurer le seul maître à bord, avec tous les pouvoirs. Surtout avec l’assurance de ne plus devoir affronter l’épreuve des élections dont il a peur, parce qu’impopulaire.
Faure Gnassingbé n’est ni légal, ni légitime à la tête du Togo, il le sait bien, et se maintient au pouvoir par la répression, après avoir inauguré en 2005, son bail à la tête de notre pays par plusieurs centaines de morts. Vendredi dernier encore la soldatesque à sa solde avait encore fait preuve de zèle pour que le président invisible, mais jouisseur, reste en poste, malgré son rejet par les populations togolaises, toutes ethnies confondues. À propos ethnies, rappelons que la branche du tribalisme et du régionalisme sur laquelle est assise la gouvernance Gnassingbé depuis le père, et qui avait consisté à instrumentaliser certaines régions, ethnies et populations de notre pays, pour leur maintien au pouvoir, a pris des fissures. Les nombreuses images montrant les différentes victimes de la barbarie militaire du 6 juin 2025 nous renseignent, comme s’il en était encore besoin, que tous les Togolais et toutes les Togolaises, toutes ethnies confondues, sont concernés par le caractère catastrophique de la gouvernance de Faure Gnassingbé. Et ce n’est pas la dernière sortie courageuse de Marguérite Gnakadé, une très proche de la famille Gnassingbé, une connaisseuse du système de l’intérieur, qui demandait à la «grande muette», apparemment trop muette au Togo, de prendre ses responsabilités, qui nous démentirait: «Forces de défense et de sécurité, sachez que votre vie a trop de valeur pour l’offrir à un seul homme. Votre vie est trop précieuse pour la sacrifier au service de la violence contre vos propres frères et sœurs. Il est temps d’écrire votre part de l’histoire et en lettre d’or dans les cœurs de chaque Togolaise et de chaque Togolais. Réveillez-vous, l’histoire vous sera reconnaissante.»
Pour le moment, les populations togolaises, au pays et dans la diaspora, sont vent debout contre la gouvernance de Faure Gnassingbé qui humilie notre pays et fait de lui une curiosité dans la sous-région. Des manifestations eurent lieu et furent durement réprimées; mais les Togolais et leur opposition n’ont pas l’intention de s’arrêter à mi-chemin. Les deux supposés premiers responsables du pays, Savi de Tové et Faure Gnassingbé sont introuvables pour s’occuper des grands problèmes de la nation. Faure Gnassingbé est connu pour être un avide du pouvoir qu’il n’entend pas quitter. Mais ce pouvoir, aujourd’hui contesté par le peuple togolais, semble traîner quelque part et tout va dans tous les sens au sommet de l’état. D’où viendra le salut? La «grande muette» écoutera-t-elle Marguérite Gnakadé et laisser un nom pour l’histoire en mettant fin à son mutisme?
Samari Tchadjobo
Allemagne
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