Africa-Press – Togo. Près de huit mois après sa défaite au premier tour de la présidentielle, l’opposant Jean-Pierre Fabre a finalement rompu le silence qu’il s’était imposé depuis sa débâcle. Et affirme avoir tiré les leçons de son échec.
Casquette orange vissée sur la tête, chemise frappée du logo de l’Alliance nationale pour le changement (ANC), Jean-Pierre Fabre se poste devant le micro. Le ton est ferme, le discours se veut offensif. Ce samedi 10 octobre, face à la centaine de membres du conseil national de son parti, celui qui fut longtemps présenté comme le chef de file de l’opposition sort, enfin, du silence médiatique qu’il s’était imposé depuis son cuisant échec à la présidentielle du 22 février.
« Nous étions et nous sommes toujours la cible à abattre par le pouvoir », martèle Fabre, qui réserve ses flèches les plus empoisonnées à Agbéyomé Kodjo, sans jamais le nommer. « Que dire donc de cette idée de candidature unique, dont le seul objectif est d’éliminer par tous les moyens, y compris la diffamation, un candidat de l’opposition au profit d’un “candidat unique” dont même l’appartenance à l’opposition était discutable ? Un candidat dont le seul “atout” était l’invérifiable soutien du Saint-Esprit ? » vitupère Fabre.
En ce jour symbolique marquant son dixième anniversaire, l’ANC – née des divergences au sein de l’Union des forces du changement (UFC) – essuie une charge à la hauteur de sa défaite. Alors qu’il avait recueilli près du tiers des voix lors de ses deux précédentes tentatives (33 % en 2010 et 35 % en 2015), Jean-Pierre Fabre n’a même pas atteint la barre symbolique de 5 % (il est à 4,68 %) lors de la présidentielle. Et le patron du parti a dû laisser la place de « principal opposant » à Agbéyomé Kodjo, crédité de 18,37 %.
En creux, Fabre en profite cependant pour faire son autocritique. Fini, désormais, les coalitions et autres regroupements de partis. L’ANC, désormais, fera cavalier seul. Et pour être sûr que le message passe, Jean-Pierre Fabre a convoqué la presse, mercredi 14 octobre, pour réitérer ses propos et exposer sa nouvelle stratégie. « Lorsque vous êtes la cible de manœuvres de déstabilisation, la confiance meurt, glisse Fabre devant les journalistes. Nous n’allons plus fonctionner comme d’habitude. Les appels à des unions qui n’existent que de nom, nous n’en ferons plus partie. »
Et si alliance il doit y avoir dans le futur, elle se fera autour de l’ANC, pas à ses dépens. Et uniquement « avec des responsables politiques sérieux dont l’engagement aux côtés du peuple dans sa quête du changement démocratique est réel », insiste Fabre.
Définitivement enterrée, donc, la coalition des partis de l’opposition C14, qui avait boycotté les législatives de 2018 et les municipales de juin 2019, et avec laquelle Fabre avait déjà rompu les ponts, fâché de la voir se fondre, de fait, dans la « Dynamique » initiée par Mgr Philippe Fanoko Kossi Kpodzro, l’archevêque émérite de Lomé. Terminée, également, la stratégie de la chaise vide, le patron de l’ANC constatant que, désormais, il n’y a « aucun député pour porter la contradiction » face à la majorité de l’Union pour la République (UNIR) de Faure Gnassingbé.
Fulbert Attisso, coordonnateur de la Dynamique, ne cache pas sa surprise face à ce positionnement de l’ANC. D’autant plus que le mouvement qui avait soutenu la candidature d’Agbéyomé Kodjo à la présidentielle est au cœur de la tourmente. Son leader est en fuite – inculpé d’atteinte à la sûreté de l’État, Kodjo vit caché depuis le 10 juillet – et le meeting qu’il souhaitait organiser le 4 octobre dernier a été interdit.
Mais s’il affirme que l’ANC et la Dynamique sont « obligées de travailler ensemble », il ne peut s’empêcher de tacler le parti de Fabre. « Personne ne peut mener le lutte seule. D’ailleurs, si l’ANC pouvait le faire, elle l’aurait déjà prouvé : le parti a participé à trois élections présidentielles et à deux législatives, et les résultats parlent d’eux-mêmes. »