Africa-Press – Togo. La 11e édition du grand rendez-vous du secteur privé africain, organisée cette année à Kigali, a consacré ses discussions autour des moyens pour l’Afrique de mieux peser dans les négociations internationales. Retour sur un événement qui semble avoir défini des pistes pertinentes.
Combien de mains serrées ? Combien d’embrassades, de retrouvailles, de rencontres et de rendez-vous ? Combien de promesses, de contrats signés, de nouvelles alliances à imaginer ? Combien d’interviews accordées ou d’échanges de vision et d’inquiétudes auront été partagées par les plus de 2 000 participants issus de 73 pays qui ont fait du onzième Africa CEO Forum, une édition particulièrement riche à Kigali ?
Nul ne sait si, après ce grand rendez-vous qui a mêlé au Convention Center de Kigali la fine fleur des secteurs privés et représentants politiques du continent, l’Afrique sera à même d’acquérir une plus grande voix et influence à la table des puissants, mais une chose est sûre: le sujet, fil rouge de deux jours d’intenses échanges, est désormais dans la tête des grands décideurs du continent et de leurs partenaires internationaux.
Intégrer plus rapidement
Un constat a retenu l’attention de l’ensemble des participants, celui d’une nécessaire concrétisation des projets d’intégration du continent à l’heure où la quête de financement se fait plus difficile et où le projet continental de la Zlecaf – signé en 2019 au Rwanda – semble au point mort: « Nous avons besoin d’une vision du développement qui soit partagée, même en cas d’alternance, car ce n’est pas une mandature de quatre ans qui permet de relever tous les défis », a ainsi alerté le Premier ministre de São Tomé-et-Príncipe, Patrice Trovoada, lors d’un panel réunissant à ses côtés, ses homologues de la Côte d’Ivoire, de la Guinée et du Rwanda.
Même constat du côté des entreprises privés: « Aujourd’hui, les compagnies aériennes africaines ont dépassé les niveaux de 2019, mais pas sur les liaisons domestiques ni régionales », a estimé Kamil Al Awadhi, vice-président pour l’Afrique et le Moyen-Orient de l’Association internationale du transport aérien (IATA). La liberté de mouvement a pourtant été l’un des principaux catalyseurs de l’intégration, mis en avant par Makhtar Diop, directeur général d’IFC, lors de son discours d’ouverture de l’événement.
Au-delà des constats, des temps forts auront rythmé ce forum de deux jours qui a réuni, outre les dirigeants d’entreprises africaines, plus de 75 présidents et ministres. En premier lieu desquels cette discussion de haut vol entre Aliko Dangote et Patrick Pouyanné, qualifiée par certains de « feux d’artifice de l’événement », qui a amené les deux dirigeants à insister sur la nécessité de travailler ensemble.
Des chefs d’État déterminés
Elle précédait la cérémonie de clôture qui, autour de la question du leadership et du rôle de l’Afrique sur la scène mondiale, a réuni Paul Kagame, président du Rwanda, son homologue kényan, William Ruto et Filipe Nyusi, le président du Mozambique. Le Kényan, dont l’appel à repenser l’architecture financière mondiale avait fait mouche au sommet de Paris en 2023, en a profité pour marteler son message: « Si Monsieur Trump est réélu, nous converserons avec lui ou avec n’importe quel président des États-Unis », a-t-il souligné.
À l’ACF, l’intimité des 60 sessions de discussions, qui ont abordé des questions-clés comme le renforcement des chaînes de valeurs, les financements innovants ou le marché carbone, a aussi gardé son lot de surprises. Comme cette intervention énergique, digne d’une « keynote » à l’américaine, du ministre marocain de l’Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, qui n’a pas hésité à faire participer l’audience d’une salle presque comble: « Qui, dans la salle, est déjà allé au Maroc ? Ou, plutôt, qui n’est jamais allé au Maroc ici ? », a interpelé le ministre lors d’un discours prononcé en anglais. L’ingénieur marocain, qui inaugurait l’événement « Invest in Morocco », a vanté les atouts du royaume en matière d’énergies renouvelables et d’industries, avant de céder la parole au patron des patrons, Chakib Alj.
La montée en puissance des secteurs technologiques
Était-ce un signe du destin ? Cette grande réunion du secteur privé et public africain s’est tenue alors qu’une panne d’Internet – plus ou moins grave selon les pays – causée par la rupture de câbles sous-marins au large de l’Afrique, ralentissait la connexion des pays de la façade Est du continent. Les opportunités d’échanger auront été préservées mais cet incident démontre, si besoin en était, l’importance donnée aux nouvelles technologies dans les affaires.
Celles-ci ont d’ailleurs pris une part encore plus importante à l’ACF, puisqu’en dehors de la présence de grands patrons des télécoms comme Ralph Mupita de MTN ou Jérôme Hénique du groupe Orange, plus de 30 start-up auront été réunies pour présenter leurs solutions à différents partenaires potentiels et huit sessions de discussions ont été organisées.
« Ne soyez pas sceptiques: quel que soit votre secteur, vous êtes une entreprise technologique, que vous en soyez conscients ou non. Investissez le secteur », a ainsi plaidé Tawfik Hammoud, chief client officer et président des pratiques industrielles au Boston Consulting Group BCG, lors du panel inaugural après qu’une vidéo d’introduction ait sidéré l’audience.
Dans celle-ci, Joe Biden, Donald Trump, ou encore Elon Musk, louaient et annonçaient des opportunités d’investissement et le potentiel de l’Afrique pour les années à venir. Malheureusement, le continent n’a pas encore cette place dans la conscience des dirigeants de grandes puissances occidentales car la vidéo était en effet un « deepfake« généré par une intelligence artificielle. Mais à l’issue de cet Africa CEO Forum, le temps est désormais compté.
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