Africa-Press – Togo. A quoi sert donc l’armada de conseillers, d’experts et de juristes logés à la présidence de la République?
Le processus électoral en cours au Togo vient une fois encore d’illustrer, de manière éclatante, les carences structurelles de l’appareil étatique et le dysfonctionnement chronique des institutions de la République.
Le 21 mai 2025, conformément aux textes régissant l’organisation territoriale et sur la base des données actualisées du cinquième Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH-5), le président du Conseil, chef du gouvernement, a pris un décret en conseil des ministres fixant le nombre de conseillers municipaux, de maires et d’adjoints au maire par commune. Cet acte réglementaire, fondé sur une compétence exclusive de l’Exécutif, était censé baliser définitivement l’organisation des prochaines élections locales.
Contre toute attente, à cinq heures de la clôture du dépôt des candidatures, ce 29 mai 2025, un simple communiqué de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), signé de son président, est venu suspendre l’application dudit décret. Aucun fondement légal ne semble justifier une telle prérogative. En vertu du principe de séparation des pouvoirs et de hiérarchie des normes, une autorité administrative indépendante, fût-elle la CENI, ne saurait abroger ou suspendre un acte émanant du pouvoir exécutif sans violer gravement les règles élémentaires du droit public, notamment le parallélisme des formes et des compétences.
Ce revirement aussi brutal qu’irrationnel jette une lumière crue sur l’amateurisme institutionnalisé qui gangrène le sommet de l’Etat. A quoi sert donc l’armada de conseillers, d’experts et de juristes logés à la présidence de la République, si des erreurs aussi grossières sur la mécanique administrative continuent de se produire? La répétition de tels égarements n’est pas une simple maladresse ; elle traduit un dérèglement profond de l’appareil décisionnel, un pilotage à vue qui s’étend désormais à tous les secteurs, et un affaissement manifeste de l’autorité de l’État.
Au-delà de l’embarras institutionnel, c’est la crédibilité même du processus démocratique qui se trouve compromise. En s’arrogeant des compétences qu’elle ne détient pas, la CENI fragilise son indépendance déjà contestée et accentue la méfiance des citoyens envers les mécanismes électoraux.
Il est urgent de remettre de la rigueur, de la cohérence et du respect des normes dans la conduite des affaires publiques. La République ne peut continuer à se construire dans l’approximation, l’improvisation et l’incohérence institutionnelle.
Ricardo Agouzou
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