Gouvernance Du Togo C’est Moi Ou Personne A Détruit

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Gouvernance Du Togo C'est Moi Ou Personne A Détruit
Gouvernance Du Togo C'est Moi Ou Personne A Détruit

Africa-Press – Togo. Faure Gnassingbé est-il incompétent? Souvenons-nous de ses deux premiers mandats. Entamé dans le sang, le tout premier fut presqu’exclusivement politique. Un mandat tendu, miné par les traumatismes des violences meurtrières qui l’ont amené au pouvoir en 2005.

A cette époque, beaucoup de Togolais le dénommait »Faurevi », le petit Faure, dans une sorte d’ironie caricaturale, voire injurieuse. On ressentait à son encontre, une grande colère collective et un profond scepticisme.

Le jeune president qui avait moins de 40 ans, s’imposant à la tête d’un pays lui-même majoritairement jeune, consacre alors ce premier mandat arraché dans le sang, à vouloir panser les plaies, afin de rassurer un pays meurtri. Bien que très mitigé, son premier bilan lui a permis de préparer un second mandat plus détendu. Pendant ce quinquennat très diplomatique, le réseau héréditaire qui l’a installé au pouvoir a enraciné de nouvelles tentacules.

Le deuxième mandat est lui aussi obtenu à l’issue d’un scrutin fortement contesté. Faure Gnassingbé ne succède plus à son père, mais à lui-même. Le fils du Général Gnassingbé Eyadema semblait montrer une volonté nouvelle d’améliorer la vie quotidienne de ses concitoyens. Des chantiers ont émergé, notamment dans les infrastructures routières à Lomé, ville laissée à l’abandon par son géniteur. Le développement urbain, l’eau, l’énergie. la modernisation de la zone portuaire ont été mis en avant.

Tandis que les plus sceptiques parlaient de saupoudrage, beaucoup deTogolais, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, ont fini par lui accorder un crédit mesuré, comme un pis-aller. On l’observait désormais avec moins d’acrimonie, et un peu plus d’indulgence. Malgré les blessures encore vives et les tensions politiques persistantes. De son côté, la communauté internationale encourage les progrès économiques et sociales. Elle ouvre désormais grandement les bras au dirigeant contesté, néanmoins devenu fréquentable.

Fait inédit, les citoyens ont commencé à ce moment-là à afficher leur fierté d’être Togolais. Cela se ressentait surtout chez les jeunes qui se sont mis à se palper dans un élan entrepreneurial devenu un leitmotiv.

Le pays semblait reprendre du poil de la bête, en tant que peuple — mieux encore, en tant que nation. Même ses diasporas vibraient à ce renouveau. À cette époque, beaucoup sont revenus au bercail, essayant de s’y réinstaller.

Entre-temps, les grands marchés de Lomé et de Kara ont été ravagés par des incendies criminels. Ces deux faits ont porté un coup dur à l’économie et ont surtout jeté une épaisse zone d’ombre sur le 2e mandat. Des opposants ont été soupçonnés, arrêtés puis libérés, au même moment qu’une partie de l’opinion soupçonnait le pouvoir d’être lui-même à l’origine de ces deux incendies. Néanmoins, Faure Gnassingbé reçoit pour la première fois au palais de la présidence son plus farouche opposant, Jean-Pierre Fabre, marquant une tentative de décrispation et de dialogue.

Puis vint le troisième mandat, et tout bascula. Faure Gnassingbé a un nouveau parti depuis son second mandat. Unir remplace désormais le RPT fondé par son père. Avec ce lifting politique, il accentue son image de renouveau, et revendique la poursuite d’un développement économique inclusif et la modernisation des infrastructures. Pourtant, en 2017, il est rudement secoué pat une contestation massive dans la rue, à l’initiative du PNP de Tikpi Atchadam. Le pouvoir a sérieusement vacillé.

A partir de là, certaines pratiques du passé ont resurgi. Progressivement, le Togo est retombé dans une réalité ténébreuse, marquée par le verrouillage de l’espace civique, l’anéantissement de l’opposition, la confiscation exclusive de tous les leviers de l’Etat, le musellement de la presse indépendante, la criminalisation des opinions, des arrestations extrajudiciaires couplées d’emprisonnements arbitraires – y compris pour un simple poème dérangeant… Depuis lors, la prévarication s’est déployée à tous les niveaux de la gestion publique. La corruption s’est généralisée, tout en restant impunie.

Le quatrième mandat est issu lui aussi d’un scrutin fortement contesté. Les deux protagonistes principaux, Kodjo Agbéyomé (qui a revendiqué la victoire et s’est proclamé président de la république), son soutien et caution, Monseigneur Fanoko Kpodzro, ont dû fuir et ont tous les deux trouvé la mort en exil, à quelques semaines d’intervalle.

Dans un contexte fortement influencé par la pandémie de Covid-19 et la menace sécuritaire grandissante dans la région, ce mandat est encore plus marqué que les trois autres par la volonté de conserver le pouvoir. Résultat: le Togo se retrouve à l’abandon, une nouvelle fois. Davantage concentrés sur leur propre train de vie, les dirigeants se montrent peu soucieux des ravages de la vie chère, du délabrement des infrastructures et services sociaux (santé, éducation, sport…), du chômage galopant, de l’extrême appauvrissement d’une grande partie de la population, du désœuvrement de la jeunesse accaparée par un sentiment de vide et d’abandon…

Malgré le surendettement, les institutions internationales spécialisées dans le financement du développement lui donnent des notes satisfaisantes. Pourtant, il apparaît clairement aux yeux d’une frange importante de la population comme étant complètement incompétent à sortir le pays de l’ornière où il l’a enlisé. Sceptiques et plus que découragés, les administrés de Faure Gbassingbé multiplient les signaux d’agacement, ne réussissant plus à contenir les frustrations et les colères. C’est dans ce contexte critique que le très brutal changement de la constitution est engagé, en toute fin de mandat: le mandat du président arrivant à son terme et ceux des députés — très majoritairement issus de ses rangs — étant complètement expirés. Un changement de constitution mené au forceps, en catimini et en flagrante violation du cadre légal.

Faure Gbassingbé se paye ainsi une 5e république à lui seul, qu’il a inaugurée au début du mois de mai 2025, se donnant les moyens de continuer à régner sur le Togo, sans plus avoir à subir lui-même le passage par les urnes. Dans son tout nouveau régime parlementaire, il se présente comme un premier ministre détenant des prérogatives présidentielles aux allures monarchiques inédites, suffisamment importantes pour rester le seul et unique maître à bord, sans aucune limitation ni contrôle.

Paradoxalement, c’est dans cette curieuse camisole, aussi confuse qu’illégitime, oû il cumule tous les pouvoirs — son parti s’est taillé la part du lion aux dernières élections législatives, sénatoriales, municipales et régionales — qu’il a du mal à former un simple gouvernement depuis trois mois. Comble de malheur, il est rattrapé depuis le mois de juin par la colère populaire. Sur les réseaux sociaux, notamment Tiktok et Facebook, des jeunes togolais réclament son abdication avec une exceptionnelle virulence. Depuis huit semaines, la connexion internet subit au Togo une profonde restriction, visiblement destinée à couper la communication entre la tête et le corps de la fronde. Au mois de juin, la brutale répression des mobilisations a engendré au moins 7 morts, des blessés, des disparus, des arrestations extrajudiciaires et des emprisonnements arbitraires… Une nouvelle mobilisation est annoncée pour le 30 août prochain.

Jusqu’à quand Faure Gbassingbé s’enfermera t-il dans sa logique de répression systématique, sans la moindre volonté ni tentative de réponse aux questions que lui posent les Togolais avec insistance, au sujet de sa gouvernance infructueuse, de son bilan catastrophique et du fait de rendre des comptes? A-t-il encore les moyens de se maintenir à la tête de ce vieux régime, plus que jamais usé et dépassé?

Jusqu’à quand la communauté internationale continuera-t-il à le soutenir, sans tenir le moindre compte de l’état du pays et de la nocivité persistante de ce pouvoir qui navigue à contre-courant des valeurs démocratiques, républicaines, humaines et morales?

ERIC WONANU

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