Manifestation Faure et Import-Export de Citoyens

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Manifestation Faure et Import-Export de Citoyens
Manifestation Faure et Import-Export de Citoyens

Africa-Press – Togo. En pleine crise politique, alors que les rues de Lomé grondent et pleurent leurs morts, le régime togolais orchestre une “marche républicaine pacifique” pour vanter la cohésion sociale. Au programme: mobilisation encadrée, communes triées, bus affrétés dès l’aube… et un peuple convoyé. L’opération a tout d’une comédie politique.
Une initiative qui fait tâche

À peine la poussière retombée après les manifestations du 26 au 28 juin dernier — violemment dispersées à coups de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc — que le pouvoir revient sur le devant de la scène. Cette fois, non pas pour répondre à la grogne sociale, mais pour imposer son propre tempo. Une marche « républicaine pacifique » est annoncée pour ce samedi à 07h, depuis le carrefour Tokoin-Trésor jusqu’au stade omnisports de Lomé. Le mot d’ordre: « paix, cohésion sociale et vivre ensemble ». Le contraste avec la brutalité des jours précédents est saisissant.

Une marche… hors-la-loi

Derrière les mots doux, une entorse manifeste à la loi. En effet, selon l’article 17 de la loi n° 2019-010 du 12 août 2019 fixant les conditions d’exercice de la liberté de réunion et de manifestation pacifiques publiques, aucune manifestation publique n’est autorisée avant 11h du matin. Pourtant, c’est à 07h, à l’aube, que le préfet du Golfe a fixé le départ de la marche. Quand le pouvoir veut marcher, il contourne même ses propres textes. Ce qui n’est pas une surprise.

Une mobilisation dirigée et sélective

La note officielle signée du préfet Kossivi Agbodan ne s’adresse qu’aux maires de Golfe 2, 3, 5 et 7. Silence radio sur Golfe 1, 4 et 6, pourtant en ébullition depuis quelques semaines. Ce choix n’est pas anodin: il s’agit d’éviter les quartiers frondeurs, là où la colère est vive et les tensions palpables. L’objectif n’est pas d’écouter, mais de contrôler.

Une orchestration millimétrée.

Le préfet appelle à mobiliser des cibles bien précises: balayeuses de rue, femmes de marché, comités de développement, groupes folkloriques, jeunes encadrés… Le tout, transporté par bus dès 06h. Il ne s’agit pas d’une mobilisation spontanée, mais d’un dispositif logistique huilé, où chaque catégorie de population est convoquée comme dans un recensement de figurants. Ce n’est plus de la manifestation, c’est du casting politique.
L’import-export de manifestants

Et c’est ici que le ridicule frôle le cynisme. Faut-il affréter des bus pour des manifestants réellement libres? Quand une mobilisation est sincère, le peuple descend de lui-même dans la rue. Il n’attend pas qu’un fonctionnaire l’appelle à 5h du matin, ni qu’un bus payé par l’État vienne le chercher. Depuis des années, le régime pratique « l’import-export de manifestants »: on convoque des citoyens des zones reculées du pays, souvent précaires, on leur promet un t-shirt, un peu de musique, parfois 2000 francs CFA… et on les installe sur les boulevards de Lomé. Une démonstration de masse fabriquée de toutes pièces, loin de toute expression populaire authentique.

Une parade politique, pas une paix réelle

Dans ce décor soigneusement monté, l’intention du pouvoir est claire: repeupler l’espace public à son image, contrebalancer les dernières manifestations par une foule « pacifique » à sa solde. Mais la paix ne se décrète pas entre deux fanfares et trois slogans. Elle se construit dans le respect de la justice, des droits humains, et de la liberté d’expression. « Tant que la rue sera prise en otage d’un côté, et mise en scène de l’autre, le vivre-ensemble restera un slogan vide », rappelle un acteur de la société civile.

Face à une population qui manifeste malgré la peur, les tirs, les arrestations, le régime choisit de faire du bruit avec des bus, des tam-tams et des t-shirts. Mais l’opinion publique n’est pas dupe. Ce samedi, la vraie question ne sera pas de savoir combien de personnes seront dans la rue, mais combien y viendront librement.

avec icilome

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