OSC au Col. Awaté: Insécurité Administrative au Togo

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OSC au Col. Awaté: Insécurité Administrative au Togo
OSC au Col. Awaté: Insécurité Administrative au Togo

Africa-Press – Togo. Dans une lettre adressée au ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Chefferie coutumière, Col. Awaté Hodabalo, un collectif d’organisations de la société civile proteste contre les restrictions imposées à une marche pacifique prévue ce 25 juillet 2025, en hommage aux victimes décédées dans des circonstances tragiques. Le ministère a opposé un refus, invoquant le contexte électoral. Une décision vivement dénoncée par les signataires, qui y voient une « tentative de faire taire une douleur collective ». Lisez plutôt!

Lomé le 24 juillet 2025

Monsieur le Ministre de l’Administration Territoriale, de la décentralisation et de la chefferie coutumière.

Lomé-TOGO

Objet: Lettre ouverte de protestation contre les entraves à la liberté de manifestation pacifique et au devoir de mémoire.

Monsieur le ministre,

Dans tous les pays où la dignité humaine est respectée, il est de tradition — et même de devoir — d’honorer la mémoire des morts. Ce concept fondamental dépasse les clivages politiques ou idéologiques. C’est un acte profondément humain, un rappel de notre condition commune et de notre besoin collectif de justice et de bienveillance les uns envers les autres.

Dans tous les pays, lorsqu’il survient un décès dans des conditions tragiques, la nation rend hommage à la mémoire et à la dignité des morts et partage la souffrance des vivants. Quand survient un drame, le droit de compatir, le droit de se recueillir, le droit de communier ne sont pas soumis au bon vouloir d’un souverain ou de son administration. Ce sont des droits, dévolus à des citoyens vivant dans une République et aucune administration ne décide de quand les citoyens peuvent s’émouvoir et de quand ils doivent taire leurs émotions sous prétexte qu’il y a un processus électoral en cours.

Monsieur le ministre, pourtant à deux reprises votre administration a retiré à notre nation le droit de s’émouvoir, de communier et de célébrer la mémoire des victimes. Vous avez refusé à notre nation le droit d’exprimer sa compassion à l’endroit des familles éplorées. Vous avez refusé aux familles le droit de se sentir soutenues dans la douleur.

En effet, dans votre courrier N°1124/MATDCC-SG-DLPAP-DAPA en date du 10 juillet 2025, pour justifier votre refus vous disiez ceci: “je voudrais attirer votre attention sur le fait que la demande de marche de votre association intervient dans un contexte marqué par la campagne pour les élections municipales du 17 juillet 2025. Comme vous le savez, la campagne électorale est un ensemble d’activités politiques telles que les caravanes, les meetings, les sensibilisations porte-à-porte etc… Les campagnes électorales sont souvent des périodes où cohabitent euphorie, passion et agitation que l’autorité administrative se doit de gérer en vue du maintien de l’ordre public”.

Votre courrier N°1162/ MATDCC-SG-DLPAP-DAPA du 23 juillet 2025 réitère votre refus en arguant du fait que: “je voudrais attirer votre attention que le processus électoral est toujours en cours, la proclamation des résultats provisoires par la CENI ayant ouvert la voie à la phase du contentieux électoral préalablement à la proclamation ultérieure des résultats définitifs par la Cour suprême”.

Monsieur le ministre, nous constatons que, dans un même pays, sous prétexte d’un processus électoral en cours, votre administration interdit à certains le droit élémentaire de se recueillir, d’exprimer leur peine — pendant que dans une autre région, toute une administration s’adonne à des célébrations publiques comme si de rien n’était. Sous prétexte d’un processus électoral en cours, vous empêchez une population meurtrie de pleurer ses morts, de se rassembler dans la dignité, alors qu’ailleurs, les festivités de masse battent leur plein avec le soutien actif de l’État. Ce “deux poids, deux mesures” est non seulement injuste, il est indécent. Cette attitude viole l’article 11-1 de notre constitution de 1992 qui stipule: “Tous les êtres humains sont égaux en dignité et en droit” ainsi que l’article 11-3 stipulant: “Nul ne peut être favorisé ou désavantagé en raison de son origine familiale, ethnique ou régionale, de sa situation économique ou sociale, de ses convictions politiques, religieuses, philosophiques ou autres”.

La campagne n’est-elle pas terminée? Les “activités politiques telles que les caravanes, les meetings, les sensibilisations porte-à-porte etc…” sont-elles encore au programme? Alors monsieur, face à cette volonté délibérée de faire obstacle à la mémoire et à la douleur, nous affirmons clairement que la dignité humaine ne saurait être suspendue au prétexte d’un calendrier politique.

Monsieur, concernant l’itinéraire, votre courrier du 10 juillet disait: “l’itinéraire retenu par votre association pour ladite marche, est susceptible d’être emprunté dans le cadre des activités entrant dans la campagne électorale (caravanes en l’occurrence) par des partis politiques ou candidats indépendants…

Une éventuelle collision sur cet itinéraire peut entrainer un sérieux trouble à l’ordre public.”

Alors qu’il n’était fait mention d’aucune autre critique à l’endroit de l’itinéraire, voilà-t-il que votre courrier du 23 juillet dit ceci: “je voudrais rappeler que le trajet retenu pour cette nouvelle marche du 25 juillet 2025… traverse des lieux stratégiques avec de fortes avec de fortes activités économiques. Ce trajet ne pourrait dès lors être retenu pour des marches dans les conditions actuelles”.

Il devient difficile de ne pas voir dans cette nouvelle critique à l’endroit de l’itinéraire un acharnement délibéré. Chaque nouveau courrier fait état d’un nouveau grief. Comme si l’objectif n’était plus d’assurer l’ordre, mais de trouver à tout prix un prétexte, une faille, une excuse pour bloquer une activité légitime.

Monsieur, par vos agissements vous imprimez une insécurité administrative sur notre nation. Par vos agissements, vous démontrez clairement que plus aucun autre espace de liberté ne sera disponible au Togo. L’Etat doit garantir l’exercice de la liberté de manifestation publique, un droit constitutionnel (article 30 de la Constitution de 1992), pourtant cette disposition est constamment et systématiquement violée par votre administration et la restriction de l’espace civique se mue dangereusement en une obstruction totale de cet espace.

Nous dénonçons cette tentative de faire taire une douleur collective sous prétexte qu’un processus électoral est en cours — alors que chacun sait que la campagne est terminée. Ce silence qu’on nous impose n’est pas neutre: il est politique.

Notre souffrance ne saurait être reportée à plus tard, ni reléguée au second plan. Ce que nous vivons est réel. Ce que nous ressentons est légitime. Et nous le dirons, quoi qu’il en coûte.

Dans quel pays un hommage aux victimes doit-il être subordonné à une campagne électorale? Dans quel pays l’émotion doit-elle être soumise à une autorisation? Une simple note d’information, censée suffire dans un État respectueux des droits fondamentaux, devient le point de départ d’un refus catégorique, systématique, sans justification sérieuse.

Ce comportement traduit, une fois encore, une dérive inquiétante du pouvoir, qui semble considérer les citoyens non pas comme des acteurs souverains de la nation, mais comme des sujets entièrement soumis au bon vouloir d’un État devenu sourd à leurs souffrances et insensible à leurs élans d’humanité.

À quoi sert-il alors d’adresser une note d’information, si les cérémonies les plus simples, empreintes de recueillement et de respect, deviennent l’objet d’un rejet systématique? À quoi sert-il de proclamer que nous vivons dans un État de droit, si les droits les plus élémentaires sont ainsi bafoués? À quoi sert-il de parler de réconciliation, si même les morts ne peuvent reposer en paix accompagnés de leurs frères et sœurs en citoyenneté?

Nous vous demandons solennellement de reconsidérer ces pratiques indignes d’une administration publique, et de permettre, sans tracasseries, que les hommages citoyens puissent se tenir dans la dignité, la paix et le respect.

Veuillez recevoir, Monsieur le Ministre, l’expression de notre ferme indignation et de notre profonde détermination républicaine.

Ont signé:

Front Citoyen TOGO DEBOUT

Novation Internationale

ABEJ

AJAAH

ASATEPT

ATDH

CTSD

DRPDPS

FDCI

Femmes Pyramide

FONDESC

Nouveau Citoyen

MMLK

REJADD

SP BT

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