Africa-Press – Togo. Bien que particulièrement entraînés et en bonne santé, les astronautes ne sont pas épargnés par les maux de tête une fois dans l’espace. Parfois accompagnés de nausées ou d’hypersensibilité au son ou à la lumière, ces douleurs sont rapportées par 92% des astronautes interrogés, rapportent de nouveaux travaux publiés dans la revue Neurology.
La majorité des astronautes se plaignent de maux de têtes de l’espace
« Les astronautes, qui sont en très bonne santé, ne se plaignent pas facilement de problèmes de santé », remarque Ron van Oosterhout, co-auteur de la publication. Il s’est donc dit surpris lorsque 92% des astronautes interrogés ont exprimé le besoin « de médicaments ou d’un traitement alternatif (hydratation, liquide, exercice) pour traiter leurs maux de tête ».
Au total, 22 des 24 astronautes interrogés rapportent avoir expérimenté au moins un épisode de mal de tête sur un total de 3.596 jours passés dans l’espace, pouvant potentiellement interférer avec leurs activités quotidiennes à bord de la Station spatiale internationale (ISS).
Tous ces maux de tête ne sont pas du même type. 90% étaient similaires à ce qu’on nomme sur Terre des céphalées de tension – ces maux de tête courants avec une sensation sourde de pression -, et 10% ressemblaient à des migraines.
Ces migraines de l’espace sont généralement unilatérales, pulsatiles ou lancinantes, accompagnées de nausées et de vomissements, voire d’une hypersensibilité à la lumière et au son, qui durent de 4 heures à 3 jours, explique Ron van Oosterhout. « Nous avons découvert que les maux de tête de l’espace ne surviennent pas seulement au cours de la première semaine, mais aussi plus tard au cours du vol. »
Le mal des transports de l’espace
Si le facteur temps est essentiel, c’est qu’au cours de la première semaine de vol, l’organisme des astronautes subi une période d’adaptation à l’absence de gravité. Appelé « le syndrome d’adaptation à l’espace », ce phénomène se rapproche du mal des transports, et peut causer nausées, vomissements et vertiges.
« Les maux de tête du début sont vraisemblablement dus à ce mal des transports de l’espace », abonde Floris Wuyts, chef du Laboratoire d’études sur l’équilibre et l’aérospatiale (LEIA) de l’université d’Antwerp (Belgique). Lauréat 2023 du Prix de la NASA (Agence spatiale américaine) « des résultats probants dans le domaine de la santé humaine dans l’espace », il n’a pas participé à ces travaux.
Augmentation de la pression intracrânienne et fièvre de l’espace
Les maux de tête persistant plus tardivement pendant le vol sont en revanche attribués à l’augmentation de la pression intracrânienne, propose Ron van Oosterhout. Dans l’espace, la pression du liquide contenu dans le corps pousse le cerveau contre le haut de la boîte crânienne. Il appuie alors sur les vaisseaux sanguins et les canaux de liquide céphalo-rachidien, dans lequel baigne notre cerveau. Le liquide s’évacue mal et s’accumule, les canaux se dilatent.
« Ce déplacement du crâne vers le haut est cumulatif pendant le vol », explique Floris Wuyts. « On ne le voit pas sur les vols de 15 jours, il faut un bon mois au moins. » C’est ce phénomène qui semble lié au syndrome neuro-oculaire associé au vol spatial (SANS), dont 40 à 70% des astronautes sont victimes après leur retour sur Terre. Le SANS se traduit par une déformation de l’œil et des troubles de la vision apparentés à une hypermétropie – qui rend la vision de près plus difficile.
Les séjours prolongés dans l’espace provoquent également une augmentation de la température cérébrale de 1°C, ajoute-t-il, un phénomène nommé « fièvre de l’espace » qui persiste même après le vol. « Le déplacement des fluides du corps, le SANS, la température, les maux de tête sont-ils tous une extension du même mécanisme, lié à la durée du vol spatial ? Nous ne le savons pas encore », s’interroge Floris Wuyts.
Un même mécanisme derrière tous ces symptômes ?
La réponse pourra conditionner les mesures de prévention. Pour l’heure, « les épisodes de maux de tête ont été traités avec différents types d’analgésiques disponibles à bord de l’ISS, ou avec des liquides supplémentaires (hydratation) ou de l’exercice physique, avec une efficacité globale sur les maux de tête de l’espace de 86,9% », résume Ron van Oosterhout.
Si la raison de l’efficacité de ces mesures non médicamenteuses n’est pas complètement comprise, « il est possible que certains d’entre eux (comme l’exercice) puissent apporter des forces gravitationnelles normales sur le corps et ainsi minimiser les maux de tête. » Les exercices de LBNP (pression négative sur le bas du corps), une sorte de manchon couvrant des pieds à la taille, et dans lequel la pression est négative, pourrait aider à prévenir l’augmentation de la pression intracrânienne, suggère également Floris Wuyts.
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