Africa-Press – Togo. Diagnostiquer l’endométriose sans attendre des années: après le test salivaire développé par la start-up lyonnaise Ziwig (voir encadré), une équipe de chercheurs australiens se lance le défi de détecter dans le sang cette maladie chronique marquée par des douleurs et des troubles de la fertilité. L’entreprise australienne Proteomics International, en collaboration avec le Royal Women’s Hospital et l’université de Melbourne, a publié en fin d’année 2024 dans le journal Human Reproduction une étude portant sur 749 femmes. Objectif: identifier des biomarqueurs caractéristiques de l’endométriose au sein même du plasma, dans le sang. Une première mondiale et prometteuse certes, mais qui doit être accueillie avec nuance, car des validations supplémentaires et des analyses à plus grande échelle seront nécessaires pour confirmer son utilité dans un cadre clinique.
Une alternative au diagnostic invasif
Quatre stades représentent la gravité des lésions de l’endométriose, allant des cas les plus légers aux cas les plus sérieux. Les médecins tentent le plus souvent d’appuyer leur diagnostic sur de l’imagerie médicale, comme l’échographie, qui détecte bien les formes les plus problématiques. En revanche, un stade plus modéré passera entre les mailles du filet et ne sera observable que par célioscopie, une procédure chirurgicale invasive. Un simple test biologique donne donc l’espoir de renoncer à de tels procédés. C’est pourquoi les auteurs, qui vivent dans un pays où le recours à la célioscopie pour le diagnostic est encore bien répandu, montrent un grand enthousiasme vis-à-vis de ces nouveaux résultats.
« L’intégration du test sanguin PromarkerEndo dans la pratique clinique pourrait rationaliser le diagnostic et améliorer les résultats pour les patientes », a déclaré le Dr Richard Lipscombe, directeur général de Promeomics International, dans le communiqué de presse résumant l’étude. Les chercheurs ont commencé par recenser les protéines les plus présentes dans le plasma de plusieurs patientes, dans deux situations différentes. La première regroupait 464 femmes atteintes d’endométriose, confirmée par célioscopie, tandis que la deuxième se constituait de 132 femmes qui ressentent bien des douleurs, mais non associées avec une endométriose, là encore corroborée par chirurgie. En parallèle, le plasma de 153 femmes en bonne santé a été analysé.
« Le concept de ce test sanguin est intéressant, mais des validations sont nécessaires »
Deuxième étape de la recherche: créer des modèles statistiques suffisamment spécifiques pour établir un lien entre ces protéines témoins de la maladie, et la maladie elle-même. Cette spécificité, c’est la capacité du test à différencier les patientes effectivement atteintes d’endométriose de celles qui ne le sont pas. Les auteurs australiens se félicitient de la capacité de leur test à déterminer avec 98 % de certitude les femmes porteuses d’un stade grave. Mais pour les formes légères, la spécificité tombe à 72 %.
« Pour les formes mineures d’endométriose dans la population qui présente des symptômes, donc celle que l’on va avoir en consultation, la valeur de spécificité est insuffisante pour en faire un produit qui va changer la donne », tempère Arnaud Fauconnier, professeur de médecine à l’université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines et gynécologue obstétricien au CHI de Poissy Saint-Germain-en-Laye, qui n’a pas participé à ces travaux. « Le concept est intéressant, reprend-il, mais des validations sont nécessaires pour faire face aux risques d’erreurs statistiques. Ici, les marqueurs sont liés à une population étudiée, mais on doit s’assurer qu’ils le seront aussi dans d’autres groupes ». Enfin, rien ne garantit que les biomarqueurs identifiés soient stables d’un stade à un autre et dans le temps, ou qu’ils ne soient pas soumis au cycle menstruel et aux hormones. Sur ce point, les chercheurs évoquent avoir tenu compte des biais et les avoir écartés au maximum. Par ailleurs, l’intérêt commercial derrière ce test soulève des questions éthiques.
Le risque insidieux du test: l’autodiagnostic
« Si ce test est distribué sans avoir atteint une spécificité optimale, il y aura un grand risque de faux positifs », avertit le gynécologue. « Cela pourrait conduire des femmes à envisager une chirurgie pour des lésions qui n’existent pas », sensibilise Alison Deslandes, chercheuse en échographie obstétrique et gynécologique à l’université d’Adélaïde en Australie, n’ayant pas pris part à l’élaboration du test. « Ce test sanguin offre de grandes promesses, mais il doit faire l’objet de plus de recherches pour être utilisé dans le milieu médical », confirme-t-elle.
C’est donc pour garantir un service médical bénéfique que le dispositif devra certainement patienter pour faire son entrée en pratique clinique. En attendant, le pays souhaite affûter les capacités de l’imagerie médicale en valorisant la recherche sur l’échographie. « De plus en plus de personnes sont maintenant diagnostiquées par ultrasons ou par IRM [imagerie par résonance magnétique, NDLR] mais ce type d’examen ne parvient pas à détecter des stades légers d’endométriose. De plus, les praticiens doivent être formés à rechercher de si petites lésions, appuie Alison Deslandes. Si ce test biologique devient fiable, son accessibilité sera un point très positif, mais le rôle du médecin restera essentiel pour un accompagnement adapté ». L’espoir est là, mais l’attente continue.
Le test salivaire fait son chemin en France
En 2022, la start-up lyonnaise Ziwig mettait au point le test salivaire Endotest®, promettant de révolutionner le diagnostic de l’endométriose. Si l’idée donne de l’espoir aux femmes touchées par les intenses douleurs de l’endométriose, la Haute Autorité de santé (HAS) exige encore des preuves solides avant une utilisation clinique généralisée. Les premières recherches menées sur 200 femmes ont été suivies par d’autres sur 1000. Une étude clinique à large échelle a donc été demandée par la HAS. Elle est financée par la Sécurité sociale et vise à évaluer l’efficacité du test en situation réelle. Cette étude portera sur 2500 patientes, avec des premiers résultats attendus cette année.
Pour environ 1000 euros, il est aujourd’hui possible de se procurer ce test et de s’autodiagnostiquer, mais le gouvernement souhaite à terme que toutes les femmes en souffrance aient accès au remboursement d’un diagnostic efficace. « Un coût de 800 euros par femme », sera ainsi pris en charge par l’assurance maladie a expliqué la ministre de la Santé Catherine Vautrin.
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