La preuve est faite : le moustique tigre est bien le vecteur de la dengue en France

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La preuve est faite : le moustique tigre est bien le vecteur de la dengue en France
La preuve est faite : le moustique tigre est bien le vecteur de la dengue en France

Africa-Press – Togo. Depuis 2010, première année où des infections humaines par le virus de la dengue ont été détectées en France, de nombreux chercheurs tentaient de débusquer une preuve formelle pour incriminer un suspect évident de transmission de la maladie: le moustique tigre.

Les indices ne manquent pas: Aedes albopictus a été déterminé comme un vecteur de diffusion du virus en laboratoire et l’augmentation des cas importés et autochtones est conjointe à la colonisation de l’Hexagone par l’insecte, aujourd’hui présent dans 78 départements. Mais le moustique tigre n’avait pas encore été pris la main dans le sac. Aucun individu n’avait jusqu’ici pu être analysé comme porteur du virus de la dengue dans la nature. C’est chose faite depuis l’été 2023, les analyses génétiques étant disponibles depuis cette mi-septembre.

L’affaire n’a pas été simple. Si depuis 14 ans, les chercheurs butent sur cette quête, c’est que les obstacles sont nombreux. Chez l’être humain, environ 80% des cas de dengue sont asymptomatiques et ne peuvent donc être tracés. Ensuite, la maladie se déroule sur une dizaine de jours dont les deux premiers sont sans signes cliniques. Enfin, le temps que le médecin traitant déclare le ou les cas à l’Agence régionale de santé (ARS) pour faire intervenir les agents de la lutte anti-vectorielle (LAV), la situation locale et la météo (vent, pluies, température) peuvent avoir changé. Et surtout, la première mission des agents, c’est de détruire les moustiques sur un large rayon aux alentours de l’habitat des personnes infectées pour éviter une propagation de la maladie.

Un réseau d’alerte à la dengue qui s’est révélé efficace

« Si nous avons pu surmonter ces obstacles, c’est grâce au réseau monté en Auvergne-Rhône-Alpes (Aura) autour des chercheurs, de Santé publique France (SPF), de l’ARS et des agents de l’entente interdépartementale pour la démoustication (EID) pour faire remonter très vite les cas de transmission autochtone de la maladie, seuls aptes à mettre en exergue le rôle du moustique », expose Vincent Raquin, chercheur à l’UMR Infections virales et pathologie comparée de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), l’Ecole pratique des hautes études (EPHE-PSL) et l’université Claude-Bernard à Lyon.

Ce réseau baptisé Mascara pour « moustiques et arbovirus: surveillance et actions collectives en Aura » alerte tous ses membres dès qu’un cas dit autochtone survient dans la région. Un cas importé est le fait d’une personne qui a rapporté la maladie en France d’une zone tropicale infectée. Ces personnes peuvent ensuite provoquer chez un voisin via les piqûres de moustique un cas autochtone déclaré par une personne qui n’a pas voyagé dans ces régions dans les quinze jours précédant sa maladie.

Le 8 août 2023, deux personnes qui n’ont pas quitté leur commune de Montélimar (Drôme) développent ainsi la dengue. « Nous nous sommes tout de suite déplacés pour voir si dans le quartier incriminé, des particuliers ne possédaient pas des pièges à moustiques, raconte Vincent Raquin. Et nous avons effectivement trouvé un tel appareil à cent mètres environ de la maison des personnes infectées. »

La centaine d’insectes retrouvés dans le piège sont à 90% des moustiques tigres. Evidemment, ceux-ci ne sont pas de la toute première fraîcheur et le propriétaire du piège est bien incapable de dire depuis combien de temps ils sont là. « Ils étaient secs mais nous avons décidé de faire malgré tout une analyse génétique bien que l’ARN dont nous avons besoin pour identifier le virus soit extrêmement fragile », poursuit Vincent Raquin.

La participation des citoyens pourrait permettre de construire des cartes de risque vectoriel

Les chercheurs ont fait ces analyses par groupe d’insectes et ils ont eu ainsi assez de matériel génétique pour identifier le virus de la dengue dans l’organisme des moustiques. Mieux, ils ont pu déterminer que la souche à laquelle appartient ce virus drômois est très proche de celle qui est responsable de l’épidémie de dengue de 2022-2023 qui a affecté la Guadeloupe et la Martinique.

La découverte des deux cas autochtones a mené à celle d’un troisième cas dans le quartier, importé celui-là des Antilles. Le moustique tigre n’est donc plus officiellement un suspect mais bien un vecteur.

La participation — involontaire — du voisin propriétaire du piège a donné des idées aux chercheurs. « Ces pièges peuvent nous donner des informations sur la présence ou l’absence des moustiques, les densités des populations, ce qui va nous permettre de construire des cartes de risque vectoriel tout en permettant également de signaler l’arrivée probable en France d’autres moustiques de la famille Aedes comme Ae. japonicus et Ae. Koreicus, poursuit Vincent Raquin. Le second objectif est de diffuser des messages de prévention auprès de la population. Si les chercheurs refusent aujourd’hui de trop alarmer sur le risque d’extension de ces maladies qui paraissent encore lointaines aux habitants de l’Hexagone, reste que tout est en place pour une aggravation de la situation si rien n’est fait pour prévenir les contaminations.

Les cas de dengue ont été multipliés par cinq dans le monde depuis 2000

Dans un rapport publié en juillet dernier, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) estime ainsi que « la probabilité d’apparition de ces épidémies est assez élevée ».

Selon les experts, une épidémie d’arbovirose, tous virus confondus, a une probabilité comprise entre 6 et 7 sur une échelle de 0 à 9 de survenir dans les cinq prochaines années. « On parle d’épidémie à partir du moment où il n’est pas possible de relier toutes les personnes infectées à un foyer. Cela veut dire que les transmissions échappent au dispositif de contrôle », explique Emeline Barrès, de la direction d’évaluation des risques à l’Anses, l’une des deux coordonnatrices de l’expertise dans le communiqué de l’agence. L’Anses pointe des risques de saturation des services de santé et des conséquences économiques graves, notamment dans le secteur du tourisme.

La situation française est loin d’être exceptionnelle. En décembre 2023, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié un aperçu de l’incidence mondiale de la dengue, l’arbovirus le plus répandu dans le monde. L’OMS y révèle que depuis le début du siècle, le nombre de cas de dengue signalés dans le monde avait été multiplié par dix, passant de 500.000 à 5,2 millions. Parmi les facteurs responsables de cette diffusion, le changement climatique qui entraîne une hausse des températures et de l’humidité favorable aux Aedes.

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