Africa-Press – Togo. Les orques sont des prédatrices redoutables. Un groupe a ainsi pu être observé alors qu’il s’attaquait à un requin-baleine. Et une orque seule a déjà démontré sa capacité à venir à bout d’un grand requin blanc en un temps record. Plus étonnant encore: une population d’orques du Pacifique a pris l’habitude de harceler et de tuer des marsouins, sans jamais les manger. En résumé, croiser un groupe d’épaulards peut donner quelques sueurs froides justifiées.
Pourtant, il arrive également que certaines interactions inter-espèces ne soient pas agressives. Mais là encore, le comportement des orques en question étonne: est-ce une tolérance en trompe-l’œil? La question se pose notamment au large de l’Islande. Par deux fois récemment, de jeunes dauphins pilotes – aussi appelés globicéphales communs – se sont retrouvés seuls, entourés d’orques, sans que les contours d’un tel compagnonnage ne soient bien définis. Ces interactions ont été rapportées le 23 avril 2025, dans la revue Ecology and Evolution.
Des nouveau-nés entourés par plusieurs orques
Au large de l’Islande, les orques se nourrissent de harengs, mais certaines mangent aussi des mammifères marins. Une particularité dont n’avait sans doute pas conscience le premier dauphin pilote présenté dans cette étude, un nouveau-né de très petite taille, observé au milieu d’un groupe de 11 orques le 23 juin 2022.
Les chercheurs relèvent notamment que « les orques semblaient refaire surface des deux côtés du nouveau-né globicéphale de temps en temps et le nouveau-né globicéphale faisait également surface en position échelonnée (à côté et légèrement en retrait, ndlr) par rapport à une orque à quelques reprises ». L’interaction semblait donc assez paisible jusqu’à ce que l’observation prenne fin à cause d’un manque de visibilité. Le jeune mammifère n’a ensuite pas été revu.
Le 20 juin 2023, un autre fragile dauphin pilote a été observé au milieu d’un groupe de huit orques. Il nageait régulièrement à proximité d’une femelle, s’éloignait et il a même, à un moment, été soulevé hors de l’eau par un épaulard. Les conditions météorologiques n’ont pas permis de poursuivre l’observation et le jeune mammifère ne sera plus revu les jours suivants.
« Il est peu probable qu’il s’agisse d’une véritable adoption »
Que penser de ces rencontres? Les orques présentées dans cette étude mangent du poisson, elles n’ont pas démontré de comportements agressifs et aucun des jeunes globicéphales ne semblaient blessés. Les chercheurs ont donc tendance à rejeter l’hypothèse de la prédation.
Mais peut-être qu’ils offrent un entraînement à la chasse. « L’observation d’une femelle et d’un juvénile nageant de chaque côté du globicéphale pourrait indiquer des exercices d’entraînement visant à empêcher les proies de s’échapper. Ce comportement coordonné pourrait servir d’entraînement aux techniques de rassemblement utilisées lors des repas, bien que cela reste à tester », souligne l’étude.
Il est aussi possible que les interactions entre ces globicéphales et les orques relèvent de sortes de soins parentaux ou tout simplement d’une forme d’aide, expliquant la nage échelonnée que l’on retrouve notamment chez les couples mère-enfant. Cependant, « il est peu probable qu’il s’agisse d’une véritable adoption, car les interactions sont de courte durée », remarque auprès de Sciences et Avenir la chercheuse Chérine Baumgartner, auteure principale de l’étude. « Dans un cas, nous avons vu le même groupe d’orques le lendemain, sans le petit ».
Un phénomène observé seulement en Islande
Si cette étude relate deux rencontres entre globicéphales et orques au large de l’Islande, une troisième a été documentée en 2021 sans que le devenir du dauphin pilote ne soit connu. « Jusqu’à présent, la découverte de nouveau-nés globicéphales solitaires parmi des groupes d’orques n’a été signalée que dans les eaux islandaises, remarque Chérine Baumgartner. On ignore encore s’il s’agit d’un phénomène propre à cette région ou s’il n’a tout simplement pas encore été observé ailleurs dans le monde ».
Est-ce culturel chez ces orques de s’entourer de jeunes globicéphales? Certains globicéphales perdus ou abandonnés se rapprochent-ils volontairement des orques? Impossible de le dire avec si peu d’informations et pour le moment, la séquence entière de ces interactions n’a jamais été observée. « Nous avons besoin de davantage d’observations, surtout du début à la fin, explique la chercheuse. Comprendre les origines de ces événements pourrait nous aider à en comprendre les causes. Pour affiner les explications, il faudrait observer toute la séquence – depuis la séparation initiale entre la mère globicéphale et son petit, car nous ignorons ce qui se passe à ce moment-là – jusqu’à la libération ou la mort du jeune globicéphale ».
Chérine Baumgartner et son équipe devront continuer de sillonner les eaux islandaises pour, au moins, comprendre ce que deviennent ces nouveau-nés.
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