Sonde Chinoise Explore Deux Corps du Système Solaire

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Sonde Chinoise Explore Deux Corps du Système Solaire
Sonde Chinoise Explore Deux Corps du Système Solaire

Africa-Press – Togo. La mission Tianwen-2 partira bientôt explorer un minuscule astéroïde, possible fragment de la Lune, puis une mystérieuse comète.

C’est un rendez-vous avec un caillou spatial pas comme les autres que vise la Chine. Autour du 28 mai prochain, une fusée Longue Marche 3B s’élancera depuis le centre spatial de Xichang, dans le sud-ouest du pays, emportant la sonde Tianwen-2 vers une destination inédite: l’astéroïde Kamoʻoalewa, quasi-satellite de la Terre, dont elle doit rapporter des échantillons. « On n’a jamais visité un objet aussi petit et qui tourne si vite sur lui-même », souligne Patrick Michel, directeur de recherche CNRS à l’Observatoire de la Côte d’Azur et spécialiste mondial des astéroïdes. De fait, cette roche spatiale de 40 à 100 mètres de diamètre, qui escorte notre planète dans son orbite autour du Soleil, effectue une rotation complète sur elle-même toutes les 28 minutes.

« Un véritable casse-tête pour les ingénieurs ! » pointe Patrick Michel. « Évoluer autour d’un corps qui fait quelques dizaines de mètres de diamètre, c’est compliqué. Pour se mettre en orbite, il faut vraiment s’approcher très près et même si l’on se contente de le suivre, les manœuvres restent très sensibles, car il y a vraiment très peu de gravité et sa rotation rapide ne pardonne aucune erreur. »

L’orbite de la Terre autour du Soleil (en bleu) comparée à celle de sa quasi-lune 469219 Kamoʻoalewa (en jaune, identifiée par sa désignation provisoire 2016 HO3). Le grand cercle jaune représente une seule orbite de la quasi-lune autour du Soleil ; au fil de nombreuses orbites, elle dessine également une série de boucles autour de la Terre, visibles à droite.

Si s’approcher de l’astéroïde est déjà un exploit, y prélever des échantillons relève d’une complexité encore supérieure. Sans doute pour mettre toutes les chances de leur côté, les ingénieurs chinois ont prévu deux méthodes de prélèvement. D’abord, une approche classique dite « touch-and-go », déjà éprouvée par les Américains et les Japonais: la sonde effleurera la surface pour aspirer quelques grammes de poussière. Mais ils ont aussi développé une seconde méthode plus audacieuse: quatre bras robotiques équipés de foreuses pour s’ancrer directement dans la roche. Objectif: récolter au minimum 100 grammes d’échantillons.

Pour mener à bien cette mission, Tianwen-2 embarque un arsenal de onze instruments scientifiques complémentaires. La sonde est équipée de plusieurs types de caméras (multispectrales, hyperspectrales et de navigation) et différents spectromètres qui analyseront en détail la composition et la surface de Kamoʻoalewa. Un détecteur de particules, développé en collaboration avec la Russie, étudiera l’environnement spatial autour de l’astéroïde, tandis qu’un détecteur de poussière mesurera les particules de matière éjectées de sa surface. Un radar basse fréquence permettra de sonder la structure interne de l’astéroïde, une première pour un objet de cette taille.

Un chaînon manquant

Pourquoi tant d’efforts pour un si petit corps? « Tous les astéroïdes sont intéressants. Pour preuve, jusqu’à présent, chacun de ceux que nous avons visités nous a surpris, sans exception », rappelle Patrick Michel. Kamoʻoalewa suscite toutefois un intérêt particulier pour deux raisons. D’abord, jamais un objet aussi petit et tournant si vite sur lui-même n’a été approché et échantillonné. « Qu’est-ce que c’est qu’un caillou qui a si peu de gravité et qui tourne si vite sur lui-même? Est-ce une roche monolithique ou un agglomérat doté d’une cohésion minimale? » s’interroge le scientifique. Une question qui résonne fortement en matière de défense planétaire: Kamoʻoalewa est en effet de taille comparable à l’objet qui a dévasté la Toungouska en Sibérie en 1908.

Plus intrigant encore, cet astéroïde pourrait être un fragment de la Lune, arraché lors d’un impact. Une hypothèse que Patrick Michel et ses collègues ont étayée dans un article publié dans Nature Astronomy en avril 2024. « S’il s’agit bien d’un éjecta lunaire, nous pourrons comprendre comment la matière est transformée lors des impacts. Est-elle fondue? Dans quel état se trouve-t-elle? » souligne le scientifique. Son étude permettrait de combler une lacune importante dans notre compréhension de la physique des impacts.

En effet, si les scientifiques connaissent bien les météorites lunaires de petite taille et peuvent modéliser les grands impacts, les objets de taille intermédiaire comme Kamoʻoalewa restent mystérieux. Les chercheurs ont même identifié son possible lieu d’origine: le cratère Giordano Bruno, une structure de 22 kilomètres de diamètre formée il y a moins de 10 millions d’années. Si cette hypothèse se confirme, l’analyse des échantillons permettrait pour la première fois d’étudier la matière éjectée en la reliant directement à son cratère source.

Activité d’origine mystérieuse

Mais l’ambition de Tianwen-2 ne s’arrête pas là. Une fois les échantillons de Kamoʻoalewa largués vers la Terre en 2027-2028, la sonde utilisera l’assistance gravitationnelle de notre planète pour s’élancer vers sa seconde cible. Un voyage de sept ans l’attend pour rejoindre la comète 311P/PANSTARRS, située dans la ceinture principale d’astéroïdes entre Mars et Jupiter. « C’est un objet qui a une activité, qui émet de la poussière », explique Patrick Michel. Cette activité, dont l’origine reste mystérieuse, pourrait être due soit à des impacts directs, soit à la libération d’éléments volatils en sous-surface lors de ces impacts, créant des poches de pression qui éjectent de la matière.

Ce sera la première fois qu’une comète de la ceinture principale sera observée de près. Ces objets intriguent particulièrement les scientifiques, car ils n’ont pu se former à leur emplacement actuel: comme toutes les comètes riches en éléments volatils, ils ont dû être transportés depuis les régions externes du système solaire lors des grandes migrations planétaires.

Cette double mission s’inscrit dans une nouvelle ère d’exploration des petits corps du système solaire. « Toutes les connaissances qu’on acquiert actuellement vont nourrir aussi bien la recherche fondamentale que la défense planétaire et l’exploitation des ressources spatiales », souligne Patrick Michel. Un enjeu stratégique bien compris par Pékin: avec Tianwen-2, la Chine rejoint le Japon et les États-Unis dans le cercle très fermé des nations capables de ramener des échantillons d’astéroïdes, tandis que l’Europe, malgré le succès de missions comme Rosetta, reste en dehors de cette élite. Après Tianwen-1 sur Mars, cette mission de dix ans marque une étape supplémentaire dans l’ambition chinoise de percer par elle-même les secrets du système solaire.

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