Pourquoi le Cameroun a dû augmenter le prix de la baguette

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Pourquoi le Cameroun a dû augmenter le prix de la baguette
Pourquoi le Cameroun a dû augmenter le prix de la baguette

Africa-Press – Cameroun. La décision, qui a nécessité l’approbation du président Paul Biya, a fait l’objet d’intenses négociations avec les boulangers et meuniers. Sera-t-elle suffisante alors que la pression inflationniste s’accroît ?

Au Cameroun, le prix de la baguette de pain de 200 grammes croît de 25 F CFA tandis que celui du sac de farine en entrée de gamme augmente de 5 000 F CFA (7,62 euros) à la sortie de l’usine. Les deux décisions gouvernementales, effectives depuis le 16 mars et confirmées à Jeune Afrique par le Syndicat patronal des boulangers du Cameroun (SPBC) et le Groupement des industries meunières du Cameroun (GIMC), ont été actées au terme d’une concertation menée par le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana.

Les textes signés par ce dernier pour officialiser la nouvelle restent attendus, car le changement des prix de ces deux produits sensibles est préalablement soumis à l’approbation de Yaoundé.

Le pays n’avait plus le choix compte tenu de l’inflation mondiale et de la forte demande en blé

« L’expérience montre que le ministre du Commerce ne prend pas d’arrêté officiel lorsqu’il concède l’augmentation du prix d’une denrée alimentaire de première nécessité parce que cela va à l’encontre de la politique affichée de lutte contre la vie chère », souligne un analyste. Les tentatives de Jeune Afrique de joindre Luc Magloire Mbarga Atangana sont restées vaines. La baguette coûte désormais 150 F Cfa contre 125 F Cfa deux jours plus tôt. « Nous revenons ainsi au prix de 2009, année de sa dernière modification », pointe Jean-Claude Yiepmou Kapwa, le président national du SPBC. Le sac de farine passe lui de 19 000 à 24 000 F CFA.

Le pays n’avait pratiquement plus le choix compte tenu de l’inflation mondiale et de la forte demande en blé. La tonne de la céréale sur le port de Douala valait 470 euros le 15 mars, contre 250 euros en moyenne ces cinq dernières années. « Le Cameroun faisait pratiquement exception puisque la plupart des pays importateurs avaient revu leurs prix de la farine à la hausse », rappelle Hugo Depoix, directeur général du trader Céréalis.

L’accord de Paul Biya

Ces hausses ont fait l’objet d’un consensus entre les parties prenantes aux négociations lors de la rencontre du 9 mars.

« Nous sommes arrivés à cette entente sans tenir compte du conflit en cours en Ukraine qui continue de faire grimper les cours du blé, puisqu’il a fallu que chaque partie fasse un peu de sacrifice », lâche Alfred Moïse Momo Ebongue, le secrétaire général du Gimc. Et que Luc Magloire Mbarga Atangana requière l’accord de Paul Biya, ce qui a été fait. Le ministre a alors transmis la réponse présidentielle aux acteurs de la filière il y a quelques jours. Ces décisions résultent d’un processus de concertations entamées en septembre, face à la montée en flèche du coût du fret maritime. « Car nous vendions à perte depuis octobre et les pertes cumulées pour la filière s’élevaient à 11 milliards de F CFA en fin février », précise Alfred Moïse Momo Ebongue.

Partenaires des meuniers locaux, certains traders ont également consenti des sacrifices

Partenaires des meuniers locaux, certains traders, qui leur accordent des crédits fournisseurs, ont également consenti des sacrifices. « Nous avons rallongé leurs délais de paiement et réduit nos marges, qui ne sont pas déjà importantes [la tonne de blé à 300 euros entraine une marge de moins de 3%, ndlr] pour les accompagner », relève Hugo Depoix.

Tenir… pour le moment

Yaoundé n’est pas resté insensible à ce geste : Luc Magloire Mbarga Atangana avait proposé à Paul Biya en septembre de reconduire l’option des conventions des dettes croisées entre le ministère des Finances et les sociétés meunières, comme en 2011, afin de compenser les manques à gagner. La suggestion n’était pas du goût des meuniers toujours en attente du paiement des 2,5 milliards de F CFA de subventions de 2011…

Elle fut par ailleurs contrée quelques jours plus tard par le grand argentier, Louis Paul Motaze, qui privilégiait – il sera du reste suivi par le palais d’Etoudi – plutôt un abattement de 80% sur le droit de douane. « Cette mesure a eu un très faible impact pour les importateurs de blé, leur matière première étant exonérée de droits et taxes de douane afin de rendre son produit transformé, la farine, accessible au plus grand nombre », tacle le secrétaire général du Gimc.

Cette mesure n’a toutefois pas endigué la descente aux enfers de cette filière. Fort de ses neuf membres sur les dix acteurs de la filière, le Gimc pèse pour 83% dans ce secteur, avec des capacités annuelles d’écrasement de 1,6 million de tonnes. Or le Cameroun n’a importé que 980 000 tonnes de blé en 2021.

Ces hausses de prix tiennent compte de la crise ukrainienne au stade où elle se trouve actuellement – les deux pays en conflit représentent 60% des importations camerounaises – mais continue de faire grimper le cours de la céréale. « S’il atteint les 500 euros la tonne dans les prochaines semaines, nous craignons que le problème de l’approvisionnement en blé se pose de nouveau. Pour le moment, nous pouvons juste tenir un peu », confesse Alfred Momo Ebongue.

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