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À quarante-huit heures du sommet des chefs d’État de la CEMAC, Bangui vit une transformation spectaculaire. Balais, brûlage d’herbes, coups de peinture express sur les trottoirs: la capitale centrafricaine joue la comédie de la ville propre. Cette frénésie de dernière minute cache mal l’incompétence d’autorités qui découvrent soudain que leur capitale ressemble à un terrain vague.
Les rues de Bangui respirent enfin, mais seulement le temps d’un sommet. La poussière qui asphyxie les habitants depuis des mois disparaît sous des jets d’eau improvisés et des balayages frénétiques. Les mauvaises herbes qui colonisaient les artères principales partent en fumée, littéralement. Cette opération chirurgicale de quarante-huit heures fait sourire les Banguissois, qui savent déjà que tout redeviendra normal dès le départ des délégations étrangères.
Bruno Yapandé, ministre de l’Administration du territoire, a endossé le rôle de chef d’orchestre de cette comédie baptisée « Kwa ti Codro ». De l’avenue de l’Indépendance au rond-point des Martyrs, en passant par l’avenue Boganda et le rond-point Marabéna, il parade devant les caméras comme un maire en campagne. Ses discours enflammés sur la « fierté nationale » et la « beauté retrouvée » de Bangui font grincer des dents quand on sait que cette même ville croupit dans l’abandon onze mois sur douze.
L’opération mobilise tous les moyens disponibles. Des promoteurs privés se voient confier la décoration express des ronds-points, transformés en jardins artificiels pour l’occasion. Des groupes de jeunes ratissent les artères principales armés de balais et de machettes. L’aéroport bénéficie d’un lifting de dernière minute, le huitième arrondissement retrouve des couleurs. Partout, le même scénario se répète: peinture fraîche sur des infrastructures délabrées, décorations temporaires accrochées à la hâte, et sourires forcés des autorités qui vantent leur « vision » d’une capitale moderne.
Cette comédie urbaine dit tout de la mentalité qui règne au sommet de l’État centrafricain. Plutôt que de maintenir Bangui dans un état décent toute l’année, on préfère l’opération coup de poing quarante-huit heures avant l’arrivée des invités. Cette approche du bricolage gouvernemental transforme chaque événement international en course contre la montre pour cacher la poussière sous le tapis.
Les habitants de Bangui observent ce spectacle avec un mélange d’amusement et d’amertume. Ils savent que ces efforts déployés en urgence ne changeront rien à leur quotidien. Une fois les caméras parties et les délégations envolées, la capitale retrouvera son visage habituel: celui d’une ville livrée à elle-même, où les ordures s’accumulent, où les routes se dégradent, où l’éclairage public reste un luxe.
Cette opération « Kwa ti kodro » pose une question simple: si le gouvernement peut mobiliser autant d’énergie et de moyens en quarante-huit heures, pourquoi ne le fait-il jamais le reste du temps? La réponse tombe sous le sens: les autorités centrafricaines ne se préoccupent de l’image de leur capitale que lorsque des regards extérieurs se posent sur elle.
Le sommet de la CEMAC passera, les délégations repartiront avec des photos de ronds-points fleuris et d’avenues propres. Mais les Banguissois, eux, resteront avec la réalité d’une ville mal gérée, mal entretenue, mal aimée par ceux qui sont censés la diriger. Cette mascarade de deux jours ne peut pas effacer des années de négligence et d’abandon.
Au fond, cette opération de maquillage en dit plus long sur l’état réel de Bangui que tous les discours officiels. Une capitale qui doit se déguiser pour recevoir des invités avoue par ce geste même qu’elle n’est pas à la hauteur le reste du temps. Les autorités centrafricaines viennent de donner la plus belle démonstration de leur échec en matière de gestion urbaine: elles prouvent qu’elles savent faire, mais seulement quand ça les arrange.
Source: Corbeau News Centrafrique
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