Détournement des Salaires des Enseignants par Zingas

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Détournement des Salaires des Enseignants par Zingas
Détournement des Salaires des Enseignants par Zingas

Africa-Press – CentrAfricaine. Les contrats signés en avril sont payés par exemple à partir de juillet: une fraude organisée entre le ministère, les inspections et dans l’indifférence de la banque mondiale.

En République centrafricaine, l’appui financier de la Banque mondiale au secteur éducatif s’inscrit dans un objectif de stabilisation et de soutien à long terme du système scolaire. Dès 2024, plusieurs projets ont été mis en œuvre pour renforcer les capacités de l’État, notamment en assurant la rémunération de milliers d’enseignants contractuels. Le principe est simple: des contrats sont signés entre l’État et des jeunes diplômés ou enseignants volontaires ; en retour, la Banque mondiale verse directement les fonds nécessaires pour couvrir leurs salaires, à partir de la date de signature. L’objectif affiché est de renforcer l’enseignement public en République centrafricaine, tout en accompagnant l’intégration progressive de ces contractuels dans la fonction publique. Ainsi, ces fonds sont transférés au gouvernement, qui se charge de les exécuter. Mais en y voit de près, cette gestion sans mécanisme de vérification ni contrôle indépendant ouvre la voie à des pratiques frauduleuses largement répandues.

Sur le terrain, l’exécution des paiements est gérée par le ministère de l’Éducation nationale, sous l’autorité d’Aurélien-Simplice Zingas, nommé ministre le 4 janvier 2024. Ce dernier pilote, avec la complicité de certains inspecteurs d’académie, un système opaque où les dates d’affectation sont délibérément repoussées pour capter les mois de salaire déjà financés. Concrètement, un enseignant qui signe un contrat en avril et qui aurait dû être payé dès ce mois-là ne touche son premier salaire qu’en juillet, sous prétexte qu’il n’a été affecté qu’un mois plus tôt. Les fonds alloués pour avril, mai et juin sont donc retenus, redistribués, ou tout simplement détournés. Cette stratégie permet à des réseaux internes au ministère de s’enrichir au détriment des enseignants.

Le rôle des inspections est central dans cette manœuvre: elles fabriquent des dates d’affectation fictives, sélectionnent qui sera payé et quand, et imposent un climat d’intimidation à ceux qui réclament leurs droits. La Banque mondiale, de son côté, continue à verser les fonds sans exiger ni publication d’audit, ni preuve de versement effectif aux bénéficiaires finaux.

Les conséquences directes de ce système se retrouvent dans des cas concrets comme ceux de Prisca Iwoyo et Bertin Mbongo. La première, directrice de l’école de Kembé, a signé son contrat en avril. Affectée initialement à Bangassou, elle est ensuite réaffectée à Kembé. Mais malgré son déploiement effectif, elle ne perçoit qu’un seul mois de salaire. Lorsqu’elle tente de se plaindre auprès de l’inspecteur académique de la Basse-Kotto, monsieur Mathurin Balewa, celui-ci elle l’a violemment menacé. À Satéma, son collègue Bertin Mbongo a connu la même trajectoire: contrat signé au même moment, prise de poste effective en mai, mais paiement calculé à partir de juin, avec pour justification un ordre d’affectation antidaté.

Le système de paiement mis en place ne passe pas par la société Orange elle-même. Le ministre et ses collaborateurs ont plutôt mis en place un circuit parallèle, archaïque et désordonné. Des jeunes qui font des transferts Orange Money sur le bord de la route sont recrutés pour aller exécuter les paiements. Ces personnes sont regroupées, conduites dans des motels, et reçoivent des listes d’enseignants avec des montants à transférer ligne par ligne. On leur dit: « Envoie tel montant à tel numéro, puis tel autre à tel autre », sans aucune traçabilité officielle ni encadrement institutionnel. Certains enseignants reçoivent effectivement leur argent. D’autres, pourtant bien inscrits sur les listes, ne reçoivent rien. Lorsqu’ils posent des questions, on leur répond que « les fiches d’Orange Money sont terminées » et qu’ils doivent patienter. Pourtant, s’il s’agissait d’un paiement officiel transmis à la société Orange elle-même, les versements se feraient automatiquement, sans dépendre de fiches ni d’intermédiaires informels. Ce détournement de la procédure transforme un acte de rémunération publique en une opération illégitime menée en dehors de tout cadre légal. À Bangui, des enseignants contractuels ont protesté. Des paiements ont commencé à être débloqués dans la capitale. Puis, dans certaines villes de province, quelques enseignants ont reçu un mois, d’autres deux mois, tandis qu’une grande partie n’a encore rien perçu. Interpellée, la Banque mondiale affirme avoir transféré les fonds au gouvernement, rejetant toute responsabilité sur l’exécution. Mais en refusant de suivre l’utilisation réelle des fonds, elle reste silencieuse face à un système de détournement qu’elle continue à alimenter.

Source: Corbeau News Centrafrique

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