Africa-Press – CentrAfricaine. Le ministre de l’Éducation nationale annonce au conseil des ministres une hausse des effectifs scolaires grâce à un prétendu “retour à la paix”. Mais les données des rapports racontent une autre histoire.
Le 26 mai dernier, au Conseil des ministres, le ministre d’État chargé de l’Éducation nationale a présenté des statistiques encourageantes. Plus d’élèves inscrits, moins d’abandons, davantage de filles scolarisées. Le tout attribué au “retour progressif à la paix” dans le pays.
Ces chiffres optimistes tranchent avec les rapports de l’Unicef et de la Banque mondiale. Selon ces organisations, 70% des enfants centrafricains abandonnent leur scolarité. Seuls 60% terminent le primaire et 6% atteignent la fin du secondaire. Pour les filles, la situation est particulièrement difficile: 68% sont mariées avant 18 ans, 29% avant 15 ans.
Dans la capitale, les établissements publics peinent à fonctionner normalement. Les salles sont surpeuplées, souvent sans électricité ni eau courante. Les toits qui fuient pendant la saison des pluies interrompent régulièrement les cours.
L’État centrafricain ne finance plus correctement son système éducatif. Les parents doivent eux-mêmes payer les frais d’inscription, les manuels scolaires, les examens d’entrée en 6e, le brevet et le baccalauréat. Même l’éducation physique fait désormais l’objet d’une taxe pour les candidats aux examens, exemple à Bocaranga cette année.
Face à l’absence d’enseignants titulaires, les parents se cotisent pour recruter des “maîtres-parents”. Chaque famille verse 1000 francs CFA par mois. Avec cet argent collecté, ils paient quelqu’un du quartier qui sait un peu lire et écrire. Le problème: ces maîtres-parents n’ont souvent qu’un niveau dérisoire, souvent de troisième ou quatrième, mais ils enseignent à des élèves de cinquième, sixième ou même de CM2. Comment un adulte qui s’est arrêté en classe de troisième peut-il bien enseigner les mathématiques ou le français à des enfants? L’État ne reconnaît même pas ces enseignants de fortune, pourtant ils constituent la majorité du corps enseignant dans les écoles primaires et une bonne partie dans les collèges dans tout le pays.
La Banque mondiale note que les budgets éducatifs de la RCA comptent parmi les plus faibles d’Afrique francophone. Pendant que le pays consacre près de 300 millions de francs CFA par an aux mercenaires de Wagner, l’éducation nationale survit grâce aux cotisations de parents démunis ou de la banque mondiale.
Les résultats s’en ressentent: moins de 10% des élèves de CE2 maîtrisent les bases en lecture et mathématiques, selon l’Unicef. La Banque mondiale confirme ces données: seuls 4,7% des enfants de 7 à 14 ans ont des compétences minimales en lecture.
Hors de Bangui, la situation devient inquiétante. À Obo par exemple, l’arrivée des mercenaires de Wagner la semaine passée a vidé les écoles. Les élèves ont fui dans la brousse avec leurs familles pendant plusieurs semaines.
À Zemio, dans le Haut-Mbomou, la ville s’est dépeuplée après des attaques des mercenaires russes et des soldats FACA contre les miliciens Azandé.
Dans d’autres localités comme Ouanda-Djallé, Boromata, Ouadda-Maïkaga, les écoles sont régulièrement fermées à cause de l’insécurité ou du manque d’enseignants.
En effet, depuis 2017, plus de 100 attaques contre des établissements scolaires ont été recensées en République centrafricaine. Dans ce contexte, parler de “retour à la paix” pour expliquer l’amélioration des statistiques scolaires pose question.
Le ministre évoque un “nexus urgences-relèvement”, mais les investissements concrets restent limités. La Banque mondiale note que, malgré des projets comme le PAPSE II qui a construit 357 salles de classe et aidé 118 992 élèves, les besoins demeurent énormes.
Les écoles construites avec des matériaux locaux, notamment de la terre, s’effondrent sous les pluies.
L’Unicef fournit la moitié des vaccins et presque toutes les fournitures scolaires d’urgence en RCA. Cette dépendance aux bailleurs extérieurs révèle le sous-financement chronique de l’éducation dans le pays.
Les filles centrafricaines paient un prix élevé. Mariages forcés, grossesses précoces et travaux domestiques les éloignent des bancs de l’école. Le projet Maïngo, qui crée des “espaces sûrs”, ne touche qu’une fraction des 54% de filles qui ne terminent pas le primaire.
La République centrafricaine figure parmi les dix pays où l’accès des filles à l’éducation est le plus faible au monde. Cette situation perpétue le cycle de la pauvreté et limite le développement du pays.
Ces annonces optimistes interviennent alors que les élections approchent. Les chiffres d’inscription servent à promouvoir un “nouvel élan républicain”, mais les Centrafricains constatent autre chose sur le terrain….
Source: Corbeau News Centrafrique
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