En Afrique, la France amorce une baisse drastique de ses effectifs militaires

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En Afrique, la France amorce une baisse drastique de ses effectifs militaires
En Afrique, la France amorce une baisse drastique de ses effectifs militaires

Africa-Press – CentrAfricaine. Ébranlée par les coups d’État au Sahel et la contestation croissante de ses actions, la France prévoit de réduire sa présence militaire. Si les annonces doivent être officialisées dans les semaines à venir, la nouvelle stratégie se précise sur le terrain.

Ce lundi 7 octobre signait le passage discret en Côte d’Ivoire du général Pascal Lanni, ancien porte-parole de l’état-major des armées. Le haut gradé est le premier à prendre les rênes du nouveau commandement français dédié à l’Afrique, dont la création avait été décidée fin juin. Paris s’inscrit en cela dans une démarche similaire aux États-Unis avec l’Africom, soit une structure décisionnelle conjointe pour l’ensemble du continent. Au programme, une séance de travail avec son homologue ivoirien le général Lassina Doumbia, qui portait notamment sur la rétrocession progressive du camp militaire français situé dans la commune de Port-Bouët, au sud d’Abidjan.

Si les modalités exactes de ce transfert restent pour l’heure méconnues, la nature de cette discussion confirme la décrue du site qui comptait il y a peu de temps encore quelque 900 éléments français. Le départ des soldats a par ailleurs déjà commencé, puisque leur nombre oscillerait aujourd’hui autour de 600 avec un objectif final réduit à une centaine selon l’Agence France-Presse.

Le 17 septembre, la France avait également restitué aux autorités ivoiriennes son champ de tir et d’exercice militaire de Lomo-Nord, au centre du pays. L’abandon de cet autre site, pourtant loin des théâtres de guerre sahéliens, illustre parfaitement la volonté de désinvestir, au moins symboliquement, le continent africain. « On paie aujourd’hui les pots cassés de l’opération Barkhane », renchérit une source sécuritaire locale, pointant du doigt l’enlisement français devant l’insaisissable menace des groupes armés au Sahel.

Vers d’autres mécanismes de coopération

Outre ces restitutions, l’armée française multiplie les actions de soutien envers ses alliés régionaux dans le cadre de la lutte contre la descente des groupes terroristes vers le golfe de Guinée. C’est ainsi qu’une quinzaine de blindés de type VAB seront livrés prochainement à l’armée du Bénin, faisant suite à une première salve de dons français qui comportaient trois hélicoptères Puma, particulièrement utiles au transport de troupes. Ce type de support matériel se révèle, une fois de plus, proche de la posture américaine qui envisage de répartir entre la Côte d’Ivoire et le Bénin une quarantaine de véhicules blindés initialement destinés au Niger. En avril dernier, les troupes de Washington avaient en effet été sommées de quitter le pays de l’AES gouverné par le général Tiani.

Pour Eddie Guipié – enseignant-chercheur, spécialiste des questions de défense et de sécurité internationale –, la volonté de désinvestissement français s’inscrit dans une temporalité plus longue. « Même sous la présidence Sarkozy, le livre blanc de la défense de 2007 préconisait déjà un mouvement de réduction en Afrique », commente-t-il songeur avant de qualifier la dynamique actuelle de « baisse de l’empreinte quantitative au profit d’une coopération qualitative ». C’est en ce sens que des instructeurs de l’armée française et des forces ivoiriennes ont récemment mené une série d’exercices aériens mobilisant une dizaine d’aéronefs depuis la base de Bouaké. La formation et l’appui technique étant ici envisagés comme relais d’influence, l’état-major ivoirien présent sur place se réjouissait d’ailleurs d’une certaine « proximité des doctrines » entre les deux armées.

L’importance du renseignement dans un contexte dégradé

D’un point de vue régional, Paris tablait aux dernières nouvelles sur une réduction de ses effectifs similaire au Gabon, passant de 350 à 100 soldats positionnés. Concernant Djibouti, aucun changement prévu pour les 1 000 hommes et femmes que ce bout de la Corne de l’Afrique projette directement sur le canal de Suez, le Proche et Moyen-Orient: d’autres espaces hautement stratégiques. L’équation de ces derniers mois tenait aussi au Sénégal qui a connu une passation de pouvoir pour le moins agitée. « Malgré un président Bassirou Diomaye Faye qui était attendu sur ce sujet, il n’y a pas eu de rupture avec l’armée française », souligne le docteur Guipié. En l’état, le nombre de militaires devrait lui aussi être revu à la baisse pour être ramené à une centaine au pays de la Téranga. Paris maintiendrait donc plusieurs enclaves avancées sur le continent, proche de sa marine qui reste relativement active dans le golfe de Guinée avec son programme Siren visant à renforcer la coopération régionale en formant des officiers africains au moyen de stages embarqués. Elle maintient également sa participation à l’exercice militaire maritime Grand African NEMO au côté des autres nations de l’architecture sécuritaire de Yaoundé.

Mais pour juguler la menace, il faudra parallèlement doter les pays côtiers de meilleures capacités de renseignement plaide cette même source sécuritaire: « dans les zones frontalières l’ennemi se trouve d’abord parmi certaines populations qui soutiennent les terroristes ». Sous cet angle, il faut avouer que la situation est préoccupante, tout début octobre, ce sont successivement le Togo puis le Bénin qui ont vu des civils et des militaires tués au niveau de leurs frontières septentrionales, en lisière du Sahel.

Si la Côte d’Ivoire n’a pas connu d’attaque depuis trois ans, c’est politiquement que la situation semble s’embraser à l’heure où une action militaire commune et le partage d’informations devraient pourtant être de rigueur. Au cours du mois de septembre, les autorités burkinabè du capitaine Traoré accusaient Abidjan de mener des activités de déstabilisation visant à renverser le pouvoir. Certaines voix affirment même que, dans la foulée, Ouagadougou aurait discrètement rappelé ses diplomates en Côte d’Ivoire ; geste rare et équivoque parmi des usages diplomatiques d’habitude si mesurés.

Le cas particulier du Tchad

Le dernier mystère du désinvestissement militaire français réside peut-être au Tchad. Le millier de soldats réparti sur trois bases est le seul vestige de la présence française au Sahel. Ce dossier épineux – marqué par l’élection de Mahamat Idriss Déby à l’issue de sa propre transition – est certainement celui qui a retardé la présentation du rapport de Jean-Marie Bockel, l’envoyé personnel d’Emmanuel Macron sur le continent. « Le Tchad est historiquement un état caserne, militarisé à outrance. La paix a toujours été armée, il se pourrait que ce soit l’exception qui confirme la règle de ce remodelage », suggère Eddie Guipié au sujet de ce pays très convoité par d’autres puissances étrangères.

Du côté de l’Élysée, un conseil des ministres dédié à l’Afrique est prévu pour le 26 octobre, l’occasion de s’attaquer aux premières conclusions rendues par le rapport de M. Bockel, dont on comprend déjà quelques contours.

lepoint

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