Aide Américaine en Fin, Opportunité pour la Chine en Afrique

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Aide Américaine en Fin, Opportunité pour la Chine en Afrique
Aide Américaine en Fin, Opportunité pour la Chine en Afrique

Julian Pecquet

Africa-Press – CentrAfricaine. Dans un rapport sur la réduction de l’aide américaine au développement, les démocrates du Congrès mettent en garde contre la perte d’influence de Washington sur le continent au profit de Pékin. Sans oublier les risques de compromettre nombre de grands projets, dont le corridor de Lobito.

À en croire Donald Trump, loin de son administration l’idée d’abandonner le corridor de Lobito, ce méga-projet devant relier les mines de cuivre de la Zambie et de la RDC à la côte atlantique angolaise et son stratégique port de Lobito. Preuve en est, les 2,5 milliards de dollars de nouveaux investissements annoncés lors du forum d’affaires États-Unis – Afrique, organisé le mois dernier à Luanda, pour des projets d’infrastructures le long de la ligne ferroviaire reliant la RDC et la Zambie à la ville portuaire angolaise.

Parmi ces projets figure, par exemple, celui porté par la société Amer-Con Corporation et qui prévoit de construire et d’exploiter 22 terminaux de silos à grains, de fournir de l’énergie hydroélectrique et de construire une ligne de transmission électrique de 1 200 km entre l’Angola et la RDC pour un coût de 1,5 milliard de dollars. Un projet financé par l’investisseur américain Hydro-Link et le groupe Mitrelli.

Pourtant, malgré ces annonces fortes, la pierre angulaire de la stratégie économique de l’ancien président Joe Biden pour l’Afrique risque bien de s’effriter. Dans un rapport publié le 14 juillet, les démocrates de la Commission sénatoriale des relations extérieures (SFRC) alertent sur l’érosion du soft power américain sous Trump au profit de la Chine, déplorant le fait que les États-Unis prennent du retard face à Pékin sur tous les fronts, de la diplomatie au développement économique en passant par la santé et l’aide humanitaire.

Les investisseurs chinois en embuscade

Dans sa première étude de cas sur l’impact de la réduction des budgets d’aide au développement des États-Unis, le rapport de la représentante démocrate du New Hampshire, Jeanne Shaheen, note qu’à ce jour, la Société financière de développement international des États-Unis (DFC) n’a toujours pas distribué le prêt de 553 millions de dollars promis en décembre 2024. Pire, un certain nombre de projets d’aide à l’étranger envisagés pour accompagner le prêt de la DFC ont été suspendus ou annulés suite au démantèlement de l’Agence américaine pour le développement international (Usaid).

« Le démantèlement chaotique de l’aide étrangère américaine par l’administration Trump a perturbé près de 20 millions de dollars de programmes dirigés par l’Usaid le long du corridor [de Lobito], mettant en péril le succès à long terme du projet », affirme le rapport. Alors que les coupes « ont semé la confusion parmi les investisseurs publics et privés », « si le financement n’est pas assuré d’ici à la fin de 2025, il est possible que d’autres investisseurs, notamment chinois, profitent de ce moment d’incertitude », prévient encore le rapport.

L’éviscération chaotique de l’aide étrangère américaine par l’administration Trump a perturbé près de 20 millions de dollars de programmes dirigés par l’Usaid le long du corridor [de Lobito], mettant en péril le succès à long terme du projet.

« Au lieu de renforcer l’engagement des États-Unis dans ce projet crucial, l’administration risque de perdre l’accès à des minerais essentiels pour les États-Unis. Pendant ce temps, la Chine poursuit agressivement ses propres projets d’infrastructure stratégique dans la même région, avec le même objectif ultime: s’assurer un accès aux minerais essentiels », rappellent les élus de l’opposition.

L’ensemble de l’écosystème de Lobito menacé

Le rapport détaille tous les programmes de développement envisagés autour du corridor de Lobito, tant pour cartographier la région que pour lutter contre la corruption locale, qui, sans Usaid, ne peuvent plus du tout être financés. Une garantie, portant sur un montant de prêts de 6 millions de dollars, devait aider une entreprise angolaise à soutenir le microcrédit pour les agriculteurs locaux ; une enveloppe de 5 millions de dollars était destinée à l’opérateur Africell pour développer un écosystème sécurisé d’argent mobile et de finance numérique en Angola ; une assistance technique, chiffrée à 2 millions de dollars, devait améliorer la transparence dans le secteur minier angolais ; une subvention de 1,5 million de dollars du Power Africa Opportunity Fund devait assurer la fourniture d’équipements énergétiques au service des communautés agricoles locales…

De son côté, l’administration Trump réplique en assurant que sa stratégie centrée sur la diplomatie commerciale est une formule gagnante. « Le président pense que les pays africains offrent des opportunités commerciales incroyables qui mèneront à une prospérité mutuelle, selon un haut fonctionnaire américain. Son approche est axée sur le partenariat par le biais du commerce et de l’engagement du secteur privé, pas seulement sur l’aide. »

Mais il en faut plus pour convaincre les démocrates. Leur rapport souligne qu’alors que des questions ne sont toujours pas tranchées au sujet du corridor de Lobito, la Chine, elle, poursuit son projet de réhabilitation du chemin de fer Tanzanie-Zambie. Lequel comprend « un volet formation et d’autres initiatives de soft power visant à exporter le style de gouvernement autoritaire du parti communiste chinois », écrivent les démocrates dans leur rapport. « Le projet qui s’imposera va déterminer si les minerais essentiels seront acheminés vers l’océan Atlantique et les États-Unis ou vers l’océan Indien et la Chine », met en garde le rapport.

Route de la soie de la santé

Et les démocrates de rappeler que ce schéma se répète dans toute l’Afrique. Alors que Trump cherche à réduire les programmes américains de santé mondiale de 62 % dans son projet de budget 2026 et se retire de l’Alliance mondiale pour les vaccins (Gavi), la SFRC dit avoir « été témoin de la façon dont les entreprises chinoises, dans le cadre de sa Route de la soie de la santé, forment des coentreprises avec des sociétés pharmaceutiques et offrent des voyages gratuits en Chine pour les professionnels de la santé africains ».

Lors d’un voyage officiel en Afrique subsaharienne en avril 2025, des membres de la commission sénatoriale des relations étrangères ont ainsi pu constater que des sociétés pharmaceutiques chinoises s’étaient associées à des sociétés nigérianes pour reproduire des traitements contre le VIH/sida que les États-Unis ne fournissent plus. Ces développements se produisent alors que le Nigeria prend des mesures pour bloquer l’importation de médicaments pharmaceutiques en provenance de Chine, invoquant la contrefaçon et les médicaments de qualité inférieure.

La Chine approfondit sa coopération en matière de sécurité sur le continent africain, où elle offre des milliers de possibilités de formation militaire aux responsables africains de la sécurité.

Alors que l’administration américaine cherche à réduire les fonds destinés aux opérations de maintien de la paix et à l’éducation militaire internationale, « la Chine approfondit sa coopération en matière de sécurité sur le continent africain, où elle offre de très nombreuses formations militaires aux responsables africains de la sécurité ».

Par ailleurs, la suppression de l’initiative « Power Africa », lancée par le président Barack Obama, « aurait compromis plus de 26 milliards de dollars de contrats avec des entreprises américaines, qui fournissent un soutien allant de l’équipement des sous-stations aux turbines à gaz et aux panneaux solaires ».

L’hostilité préjudiciable envers l’Afrique du Sud

Le rapport des démocrates souligne, enfin, que l’épreuve de force de l’administration Trump avec l’Afrique du Sud, la nation la plus industrialisée du continent, est particulièrement préjudiciable. L’hostilité des États-Unis envers le géant d’Afrique australe met ainsi en péril le projet de traitement des terres rares de Phalaborwa, soutenu par un investissement de 50 millions de dollars de la DFC et devant offrir un accès clé à des minerais critiques aux entreprises américaines.

Donald Trump vient de menacer le président Cyril Ramaphosa d’imposer des droits de douane de 30 % à son pays, après l’avoir réprimandé pour un « génocide blanc » inexistant lors d’une réunion plus que tendue à la Maison-Blanche.

En raison de la position actuelle de l’administration à l’égard de Pretoria, « les responsables de la mise en œuvre du programme DFC hésiteraient à reprendre leurs activités », indique le rapport. Ces politiques, ainsi que l’arrêt de la programmation de l’aide étrangère américaine, risquent fort de compromettre la réussite du projet.

Source: JeuneAfrique

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