Africa-Press – CentrAfricaine. Au cœur de la préfecture du Mbomou, la ville de Nzako offre un visage saisissant de l’état de délabrement dans lequel se trouve une grande partie de la République centrafricaine. Malgré les discours officiels martelant le retour à la paix et à la normalité, la réalité sur le terrain dresse un constat alarmant. Charles Djouma, secrétaire général du bureau secondaire de la mairie, lève le voile sur une situation catastrophique qui perdure depuis plus d’une décennie au cœur du Mbomou.
Le 14 mars 2024 a marqué l’arrivée des Forces armées centrafricaines (FACA) à Nzako, accompagnées de gendarmes et de policiers ainsi que leurs alliés russes du groupe Wagner. Cette présence, saluée par les autorités locales, ne suffit pourtant pas à garantir une sécurité effective. “Dans le centre de la ville de Nzako, au cœur du Mbomou, nous sommes bien sécurisés”, affirme M. Djouma. Mais il reconnaît que la situation reste précaire dans les zones périphériques: “Toutes ces rumeurs, nous étions à l’écoute et c’est beaucoup, très très très dérangeant.”
Les axes routiers stratégiques, comme Bria-Nzako ou Bakouma -Nzako, restent dangereux. Les incursions d’hommes armés dans les villages voisins sont fréquentes, mettant en danger la vie des habitants et des artisans miniers. Face à ces menaces, les FACA semblent impuissantes. “C’est le manque de moyens de déplacement, certainement”, justifie le secrétaire général, pointant du doigt le sous-équipement chronique des forces de l’ordre.
Le retour de l’administration se fait au compte-gouttes. La mairie de Nzako n’a rouvert ses portes que le 26 mars, dans un dénuement total. “Il n’y a même pas de documents, pas d’assises, il n’y a rien même dans la maison de la mairie”, déplore Charles Djouma. Plus grave encore, aucun acte de naissance n’a été délivré depuis 2013. Une génération entière d’enfants se trouve ainsi privée d’existence légale, avec des conséquences dramatiques pour leur avenir.
L’absence de justice officielle laisse place à des arrangements informels. “On traite [les problèmes] en famille ou vers les chefs de quartier et puis c’est tout”, explique M. Djouma. Cette situation favorise l’arbitraire et prive les habitants de leurs droits les plus fondamentaux.
Nzako, autrefois réputée pour ses ressources diamantifères au cœur du Mbomou, voit son économie tourner au ralenti. “Tous les collecteurs étaient sortis” à cause de l’insécurité, rappelle le secrétaire général. L’activité minière, pilier de l’économie locale, est au point mort faute d’investissements et de sécurité.
L’enclavement de la ville, dû à l’état désastreux des routes, provoque une flambée des prix. Le sac de sel est passé de 250 à 1000 FCFA, tandis qu’un litre d’huile atteint 2000 FCFA. “Les commerçants amènent ces produits-là de Bria pour amener dans Nzako, même de Bangassou jusqu’à Nzako”, explique Charles Djouma. Les coûts de transport prohibitifs se répercutent directement sur les prix à la consommation, étranglant le pouvoir d’achat des habitants.
Le système éducatif de Nzako au cœur du Mbomou est à l’image de la ville: en ruine. L’unique école, qui accueille les élèves du CP1 au CM2, fonctionne dans des conditions déplorables. “Il n’y a pas des enseignants qualifiés, seulement les maîtres parents”, s’alarme M. Djouma. Le manque de matériel pédagogique est criant: “Il n’y a même pas de tables-bancs, pas d’assises”. Les élèves sont contraints de s’asseoir à même le sol ou sur des bancs usés jusqu’à la corde.
Cette situation catastrophique hypothèque l’avenir de toute une génération. Sans éducation de qualité, les jeunes de Nzako voient leurs perspectives d’avenir réduites à néant. Le secrétaire général lance un appel pressant au gouvernement: “Nous voulons vraiment demander au gouvernement de faire un effort de nous envoyer quand même les maîtres qualifiés pour continuer en tout cas ces enfants.”
Un appel à l’aide ignoré
Face à ce tableau désastreux, Charles Djouma ne peut que constater l’inaction des autorités nationales. Ses demandes répétées pour l’envoi d’enseignants qualifiés, de matériel scolaire et de moyens pour la mairie restent lettre morte. Le contraste est saisissant entre la réalité du terrain et le discours officiel vantant le retour à la normale dans le pays.
La situation de Nzako est symptomatique de l’état d’abandon dans lequel se trouvent de nombreuses villes de province en Centrafrique. Malgré les annonces gouvernementales, la paix et le développement tant promis tardent à se concrétiser. Les habitants de Nzako, comme des milliers d’autres Centrafricains, attendent toujours de voir les dividendes d’une réconciliation nationale qui semble bien lointaine.
La situation critique de Nzako appelle une réponse urgente et globale de la part des autorités centrafricaines. Le rétablissement de la sécurité, la restauration des services publics de base, la relance de l’économie locale et la remise sur pied du système éducatif sont autant de chantiers prioritaires. Sans une action déterminée de l’État, Nzako risque de rester encore longtemps une ville fantôme, symbole d’une Centrafrique à la peine pour se reconstruire après des années de conflit.
Source: Corbeau News
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