Africa-Press – CentrAfricaine.
Le gouvernement centrafricain a affiché une ambition claire: développer une filière avicole nationale robuste, avec en ligne de mire une possible interdiction des importations de volailles congelées. Si cette politique vise à renforcer la souveraineté alimentaire et à créer des emplois, elle pousse à s’interroger sur la meilleure stratégie à adopter pour équilibrer les objectifs nationaux avec les attentes des consommateurs en matière de prix, de qualité et de liberté de choix.
Lors d’un atelier déterminant pour l’avenir du secteur, le ministère de l’Élevage et de la Santé animale a posé un diagnostic sans appel. “Nous consommons principalement des produits importés, à l’exception de la viande bovine. Cette situation doit changer”, a martelé Patrick Ningata, le directeur de cabinet du ministère.
La stratégie gouvernementale est méthodique et se veut structurante. Avant d’envisager toute mesure restrictive, l’heure est à l’organisation. La création d’une interprofession avicole est au cœur du projet, visant à fédérer tous les acteurs de la chaîne de valeur: des producteurs de poussins aux distributeurs, en passant par les fabricants d’aliments et les éleveurs.
Ce volontarisme s’appuie sur des initiatives concrètes comme le projet PEJAJI, qui prévoit un accompagnement ciblé pour les jeunes et les femmes, afin de transformer l’aviculture traditionnelle en véritables PME. L’objectif final est clair: stimuler l’entreprenariat, réduire le chômage et, à terme, assurer au pays son indépendance sur ce produit de grande consommation.
Cependant, si l’objectif d’autosuffisance est largement partagé, la méthode envisagée: une interdiction future des importations, pousse les centrafricains à s’interroger. Ces préoccupations, souvent portées par les consommateurs et des analystes du marché, rappellent que la vitalité d’une économie dépend aussi de la concurrence et de la liberté de choix.
La première interrogation concerne directement le portefeuille des ménages. Les produits importés, bénéficiant d’économies d’échelle, sont souvent proposés à des prix très compétitifs. Une interdiction, si elle n’est pas accompagnée d’une production locale immédiatement performante et abordable, risque d’entraîner une hausse des prix et de pénaliser les consommateurs, en particulier les plus modestes.
Le deuxième point, crucial, est celui de la qualité. Le postulat est simple: c’est la concurrence qui pousse à l’excellence. Un consommateur qui a le choix entre un produit local et un produit importé forcera l’ensemble des acteurs à proposer le meilleur rapport qualité-prix. La crainte est qu’un marché entièrement protégé, sans la pression de la concurrence extérieure, n’incite pas suffisamment les producteurs locaux à innover et à viser les plus hauts standards de qualité. La question n’est donc pas de forcer à consommer local, mais de faire en sorte que le “produit local” devienne le choix évident par sa supériorité.
Conscient de ces défis, le ministère précise que l’interdiction ne sera pas brutale. Elle ne deviendra effective qu’une fois la production locale jugée “suffisamment développée”. Tout l’enjeu réside dans la définition de ce seuil et dans les moyens mis en œuvre pour y parvenir.
Plutôt qu’une opposition frontale entre protectionnisme et libre-échange, une voie médiane pourrait être explorée durant la phase de transition. Des mesures comme des tarifs douaniers progressifs (qui renchérissent les importations sans les interdire), des quotas d’importation ou un soutien technique et financier massif aux éleveurs pourraient permettre à la filière locale de grandir tout en maintenant un certain niveau de concurrence et de choix pour le consommateur….
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