Mathieu Galtier
Africa-Press – CentrAfricaine. La nouvelle année marquera l’arrivée d’au moins quatre sociétés financières sur les places boursières de Douala, de Tunis et d’Alger. Ces introductions confirment le poids du secteur dans les économies du continent.
BGFI Holding à Libreville, Commercial Bank à Douala, BNA Assurances à Tunis, Banque de développement local (BDL) à Alger: les annonces d’introduction en Bourse de sociétés financières en 2025 se sont multipliées ces derniers jours. Les raisons sont très diverses, mais ces IPO renforceront le poids du secteur financier sur les différentes places boursières, à la satisfaction ou au regret des acteurs selon les cas.
Avoir un grand nom [BGFI holding] à la cote, c’est exactement ce dont nous avions besoin pour attirer les grands investisseurs et faire sortir les épargnes des particuliers.
En 2025, la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale (BVMAC) va connaître une profonde mutation avec l’arrivée de deux nouveaux émetteurs, alors que le marché n’en compte que six. D’autant que l’un d’entre eux, BGFI Holding, est le premier groupe financier de la région. Avec un bilan consolidé de 9 milliards de dollars et un résultat net consolidé de 156 millions de dollars en 2024, le groupe d’Henri-Claude Oyima éclipsera les autres titres, même si seulement 10 % du capital sera ouvert au public.
« Avoir un grand nom à la cote, c’est exactement ce dont nous avions besoin pour attirer les grands investisseurs et faire sortir les épargnes des particuliers », se réjouit Ernest Pouhe, directeur général d’Attijari Securities Central Africa. Les acteurs espèrent qu’il s’agit de la première étape avant la cotation des filiales bancaires de BGFI. Les nouvelles actions mises sur le marché doivent financer le prochain plan stratégique (2026-2030) du 23e groupe financier africain selon notre dernier classement. En tant que président du conseil d’administration de la BVMAC, Henri-Claude Oyima veut également, par ce geste, encourager les autres dirigeants de groupes privés à sauter le pas.
« Copier » le succès de la BRVM
Pour la Commercial Bank, 30,6 milliards de F CFA (48,5 millions de dollars) de produit net bancaire en 2022 (dernier chiffre disponible), l’ambition est tout autre. Il s’agit pour l’État camerounais, actionnaire ultramajoritaire (98 %), de poursuivre son désengagement. Yaoundé a déjà annoncé qu’il allait céder 51 % du capital à un « repreneur stratégique » encore à sélectionner. En parallèle, le gouvernement a décidé de mettre 30 % à la cotation, « pour donner plus de profondeur financière et dynamiser à la Bourse », analyse Christian Din Dika, PDG d’Emrald Securities Services Bourse, rappelant que la BVMAC est le fruit d’une décision politique, celle de fusionner les Bourses de Douala et de Libreville. « Il s’agit de copier le modèle de la BRVM [Bourse régionale des valeurs mobilières, en Afrique de l’Ouest], dans laquelle la plupart des grandes banques sont cotées. »
Quelque part, c’est malheureux, car cela marque un manque de diversité [à propos de l’introduction de BNA Assurances]
En 2024, le principal indice boursier, le BRVM Composite, a progressé de 28,89 %, grâce notamment au secteur financier (+16,43 %). Bank of Africa Mali et la Banque internationale pour le commerce et l’industrie de Côte d’Ivoire (BICICI) ont affiché, par exemple, les deux plus grandes hausses de l’année sur le marché (+92,2 % et +86,92 % respectivement). Alors que pour la BVMAC, la moitié de la capitalisation boursière est captée par la Société camerounaise de palmeraies (Socapalm). Les trois sociétés financières cotées jusqu’ici – La Régionale (banque de microcrédit camerounaise), la Banque nationale de Guinée équatoriale et la Société commerciale de réassurance gabonaise – sont des « seconds couteaux », constate Ernest Pouhe.
Modernisation du secteur financier en Algérie
À 5 000 km de Douala, siège de la BVMAC, l’arrivée à la cote d’une société d’assurance provoque presque l’effet inverse. « BNA Assurances sera la 6e assurance [et la 27e société financière sur 74 entreprises cotées]. C’est toujours une bonne nouvelle, car la dernière introduction remonte à 2022. Mais, quelque part, c’est malheureux, car cela marque un manque de diversité », admet Bilel Sahnoun, le directeur général de la Bourse de Tunis. Les sociétés financières ont représenté 54,6 % de la capitalisation boursière tunisienne en 2024. Et cette opération n’est qu’une demi-introduction. AMI Assurances, devenu officiellement BNA Assurances en décembre dernier après son rachat par la Banque nationale agricole (BNA), dont l’État est le premier actionnaire, était déjà inscrit à la Bourse de Tunis sur le marché hors cote. « Ce passage à la cote permettra d’élargir [le champ d]es investisseurs potentiels comme les OPCVM et donnera plus de visibilité à ce nouvel assureur », éclaire Kais Kriaa, dirigeant de la société financière AlphaMena.
Dès le 20 janvier, les investisseurs pourront souscrire aux 44,2 millions d’actions à 1 400 dinars algériens (10 dollars) l’unité de la Banque de développement local (BDL) – 76 milliards de dinars algériens (561 millions de dollars) de chiffre d’affaires en 2023 – à la Bourse d’Alger, qui ne compte que six titres sur le marché principal. Avec 30 % de son capital converti en actions, la banque publique deviendrait la deuxième capitalisation boursière, avec 61,9 milliards de dinars algériens. L’opération s’inscrit dans le cadre de la modernisation du secteur financier et monétaire et « offre aux investisseurs nationaux une opportunité unique de participer à cette évolution », selon Youcef Lalmas, directeur général de la BDL. Il s’agit, en effet, de la deuxième introduction en Bourse d’une banque publique après l’arrivée du Crédit populaire d’Algérie (CPA), deuxième banque du pays, en mars. Elle était devenue immédiatement le premier titre de la place. Reste à voir si c’est le début d’une certaine privatisation du secteur bancaire, largement aux mains de l’État.
Source: JeuneAfrique
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