Africa-Press – CentrAfricaine. L’opération Kwa-Ti-Kodro (Quartier Propre en sango), lancée par le président Faustin Archange Touadéra alias Baba Kongoboro et censée assainir la capitale centrafricaine, s’est transformée depuis quelques mois en véritable opération de mobilisation électorale. Ce qui devait être une initiative citoyenne hebdomadaire de nettoyage urbain n’est plus qu’un meeting politique déguisé, financé par la Banque mondiale et l’Union européenne à hauteur de 5 milliards de francs CFA par an.
Dès le lancement du programme Kwa-ti-kodro en 2023, le gouvernement et toutes les institutions ont été mobilisés de force. Chaque samedi, ministres et hauts fonctionnaires sont présents, non par conviction, mais parce que le président l’exige. Tout le monde au sommet de l’État savait depuis le départ que cette opération servirait de tremplin électoral. Ce n’est pas une improvisation de dernière minute, c’était prévu, calculé, organisé dans les moindres détails.
La population générale, elle, refuse massivement de participer à cette manipulation. Les citoyens ordinaires ne sont pas dupes et boudent l’opération. Alors le régime a trouvé la parade: mobiliser ses propres troupes. Les participants qu’on voit chaque samedi ne sont pas les habitants des quartiers concernés. Ce sont les militants du Mouvement Cœurs Unis, le parti présidentiel, les membres des comités de soutien du président, les jeunes de ces organisations créées de toutes pièces autour de la présidence, les membres de l’église du Président.
Ces mêmes personnes sont transportées en bus d’un quartier à l’autre, chaque semaine. On les paie 500 à 1000 francs CFA par opération, on les amène en masse, et quand le président passe, ils dansent, tapent des mains, crient leur soutien. Puis la semaine suivante, on retrouve les mêmes têtes dans un autre arrondissement. Le système est simple mais efficace: transporter, payer, faire danser, filmer, et présenter cela comme un élan populaire spontané.
Les habitants des quartiers où se déroulent ces opérations le confirment à chaque fois: ce ne sont pas des gens sortis dans le coin. Ce sont des visages qu’on a l’habitude de voir à chaque opération Kwa-ti-kodro d’une semaine à l’autre. La supercherie est connue de tous dans la capitale. Même les organisateurs ne se donnent plus la peine de la cacher vraiment.
Le nettoyage lui-même? Anecdotique. La musique couvre tout, les haut-parleurs hurlent, les gens dansent. Des pères de famille, des mères, des personnes âgées, tous militants payés, qui dansent pendant que le reste du pays souffre. Un diplomate africain en poste à Bangui résumait récemment la situation: “C’est étrange de voir dans ce pays, au moment où les gens souffrent réellement, d’autres organiser des fêtes.”
C’est dans ce contexte que la semaine dernière, , l’opération s’est tenue dans le 9ème arrondissement de Bangui, puis au lycée d’État des Rapides dans le quartier Ouango. Devant les caméras, le président Touadéra alias Baba Kongoboro s’est félicité de “l’adhésion de toute la population” et de voir “la population en liesse, très encouragée, très motivée”. Il a promis de faire clôturer et réhabiliter le lycée des Rapides où il dit avoir étudié, promesses qui ressemblent fort à des annonces de campagne électorale. D’ailleurs, ce n’est pas pour la première fois qu’il fait une telle annonce. Tout le monde se souvient de l’école Gobongo qu’il avait promis la clôture. Mais jusqu’à présent, rien du tout.
Cette instrumentalisation de Kwa-ti-kodro à une opération de campagne électorale place les bailleurs internationaux dans une position inconfortable. Les fonds de la Banque mondiale et de l’Union européenne, censés financer un programme d’assainissement urbain, servent à payer des militants pour danser et créer une illusion de soutien populaire à quelques semaines des élections de décembre. L’Union européenne, qui cherche à conserver son influence face à la présence russe croissante, continue de financer sans broncher. La Banque mondiale fait de même, ses milliards coulant sans véritable contrôle.
Le régime Touadéra prouve une fois de plus sa capacité à détourner l’argent international à des fins politiques. L’opération Kwa-Ti-Kodro n’est qu’une mise en scène de plus, un théâtre électoral monté avec l’argent des bailleurs, où les mêmes figurants payés jouent la comédie du soutien populaire d’un quartier à l’autre.
Source: Corbeau News Centrafrique
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