Centrafrique : « En libérant Hassan Bouba, le pouvoir annihile ce qu’il a lui-même construit »

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Centrafrique : « En libérant Hassan Bouba, le pouvoir annihile ce qu’il a lui-même construit »
Centrafrique : « En libérant Hassan Bouba, le pouvoir annihile ce qu’il a lui-même construit »

Africa-Press – CentrAfricaine. Tribune. Le 19 novembre, Hassan Bouba était interpellé et incarcéré provisoirement après des mois d’enquête, accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Ex-chef rebelle devenu ministre de l’élevage de la République centrafricaine, Hassan Bouba Ali est soupçonné d’être responsable de l’attaque d’un camp de déplacés en novembre 2018 à Alindao, à 500 km à l’est de Bangui, qui s’était soldée par la mort d’au moins 112 villageois, dont 19 enfants.

Ayant demandé un délai pour préparer sa défense, il devait être présenté à un magistrat sept jours plus tard. Mais rien ne s’est passé comme prévu : le 26 novembre, la garde présidentielle a empêché l’accès au centre de détention, puis Hassan Bouba a été raccompagné à son domicile, en contradiction avec les injonctions de la Cour pénale spéciale (CPS), une juridiction composée de magistrats centrafricains et internationaux et chargée de juger à Bangui les exactions commises depuis 2003.

Comble de l’absurdité, Hassan Bouba a été décoré trois jours plus tard comme chevalier de l’ordre du Mérite par le président Faustin-Archange Touadéra. Nous, militants et acteurs de la justice, sommes sidérés par l’évasion organisée d’Hassan Bouba en dehors de tout cadre procédural.

Les mots trahis par les actes

Vaste consultation populaire organisée en 2015, au sortir du conflit de 2013, et réunissant tous les acteurs de la société, le forum de Bangui avait consacré la lutte contre l’impunité comme pierre angulaire de la réconciliation. La restructuration des cours criminelles, la mise en place de la CPS, la création d’une Commission vérité, justice, réparation et réconciliation, ainsi que la saisine, dès 2014, de la Cour pénale internationale sont autant d’outils visant à sanctionner les auteurs de crimes graves et à restaurer une confiance entre le peuple et les institutions.

Le 21 septembre 2021, le président de la République centrafricaine, Faustin-Archange Touadéra, soutenait à l’Assemblée générale des Nations unies une action déterminée visant à punir les auteurs des violations graves des droits humains. Affirmer sa volonté de lutter contre l’impunité n’a cependant aucune valeur si les mots sont trahis par les actes. L’évasion organisée d’un chef de guerre poursuivi par une juridiction de son propre pays nous empêche d’avoir confiance dans des institutions qui se voient déchues de leurs attributs fondamentaux.

Dans un pays marqué par des décennies d’inégalité judiciaire, sociale, économique et cousu de violences, ce fourvoiement est également un message de rejet envoyé à la communauté internationale. Comment la Centrafrique peut-elle se prétendre mobilisée dans la lutte contre l’impunité si, lorsque la CPS exécute son mandat en s’attaquant aux plus hauts responsables des massacres, le pouvoir politique l’anéantit ?

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