Dérogation Article 18: Un Coup Fatal à la Crédibilité

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Dérogation Article 18: Un Coup Fatal à la Crédibilité
Dérogation Article 18: Un Coup Fatal à la Crédibilité

Africa-Press – CentrAfricaine. Les tambours de la controverse résonnent déjà depuis quelques jours dans les couloirs de l’Assemblée nationale centrafricaine. À quelques encablures des échéances électorales de 2025, le régime de Faustin Archange Touadéra vient de porter un coup de machette aux fondements de la démocratie en République Centrafricaine. La dérogation de l’article 18 du code électoral, votée tambour battant le 30 août 2023, fait grincer les dents de tous ceux qui croient encore aux vertus d’un scrutin transparent.

Dans cette République du Président Barthelemy Boganda, où les cicatrices des crises passées peinent encore à se refermer, cette manœuvre politique sonne comme un retour aux vieilles pratiques du continent. “Une élection transparente commence d’abord par un fichier électoral transparent”, martèle Elysée Nguimalé, coordonnateur de l’Observatoire pour la gouvernance démocratique. Ses mots résonnent comme un cri d’alarme dans un pays habitué aux soubresauts politiques.

L’article 18 du code électoral, cette disposition censée garantir la fiabilité des listes électorales, vient d’être mis au placard. Officiellement, il s’agit de permettre à l’Autorité nationale des élections (ANE) de tenir les délais constitutionnels. Dans les faits, c’est un aveu d’impréparation qui ne trompe personne.

Le ministre crapuleux Ernest Mada invoque les “contraintes logistiques”, ce langage technocratique bien connu des chancelleries africaines pour habiller les échecs politiques. Mais sur le terrain, la réalité est plus crue. “L’État a failli à ses devoirs”, tranche sans détour Dieudonné Ngoumbango, président de la Plateforme des partis centristes. Son diagnostic est sans appel: en suspendant l’article 18, le pouvoir avoue son incapacité à respecter ses propres règles.

Cette violation du droit électoral n’est pas qu’une affaire de juristes. Elle ouvre béante la porte aux manipulations, cette plaie chronique des démocraties africaines. Dans un pays où chaque scrutin réveille les démons du passé, pareille négligence confine à l’irresponsabilité.

Mais le plus troublant dans cette affaire reste la mise en scène organisée par le régime Touadéra. D’un côté, Dieudonné Ngoumbango incarne la voix de la résistance démocratique, dénonçant avec véhémence cette suspension. De l’autre, Eddy Symphorien Kparekouti, autoproclamé président de l’Union des forces de l’opposition démocratique (UFDO), applaudit la mesure au nom du “sauvetage de la démocratie”.

Cette UFDO n’est pourtant qu’un leurre, une opposition de façade montée de toutes pièces par la présidence. Ses membres paradent dans les ministères et conseillent le chef de l’État, tout en se présentant comme ses opposants. Ce grand théâtre, digne des plus belles heures du monopartisme africain, vise à donner le change devant la communauté internationale.

Yannick Olivier Nambélé, du Mouvement Cœurs Unis au pouvoir, parfait cette comédie en invoquant la “force majeure” pour justifier l’injustifiable. Sa rhétorique sécuritaire, ce grand classique des régimes africains en difficulté, ne fait qu’épaissir le brouillard jeté sur les véritables enjeux.

Au centre de cette tempête politique se cache l’essentiel: le fichier électoral demeure introuvable. “La liste électorale n’est pas encore disponible”, déplore M. Nguimalé, pointant du doigt l’incurie de l’ANE. Comment organiser des élections crédibles sans connaître ses électeurs?

Cette situation ubuesque révèle l’”incapacité notoire” du pouvoir exécutif, selon les mots du juriste. L’État centrafricain, pourtant prompt à légiférer, peine à appliquer ses propres lois. L’article 10 du code électoral, qui exige une provision annuelle pour financer les opérations électorales, reste lettre morte.

Joseph Bindoumi, président du réseau Arc-en-ciel, tempère les ardeurs tout en gardant l’œil ouvert. Son appel au respect du calendrier électoral sonne comme une dernière mise en garde avant la tempête. Car en RCA, comme ailleurs sur le continent, les élections bâclées ont souvent accouché de crises sanglantes.

Dans cette République meurtrie par des décennies d’instabilité, chaque faille du processus électoral réveille les fantômes du passé. Les Centrafricains gardent en mémoire les scrutins contestés, sources de violences intercommunautaires et de coups d’État.

La dérogation de l’article 18 n’est pas qu’une question juridique. Elle symbolise cette désinvolture du pouvoir face aux institutions, cette tendance à plier les règles selon les convenances du moment. Dans un pays où la confiance en l’État reste fragile, pareille légèreté peut rallumer les braises mal éteintes.

Alors que les élections de 2025 approche à grands pas, la RCA se trouve à la croisée des chemins. Soit elle emprunte la voie de la transparence démocratique, soit elle replonge dans les travers qui ont fait le malheur du continent. Le choix appartient encore à ses dirigeants, mais le temps presse et la patience du peuple a ses limites….

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