Échec de la Cour sur l’origine paternelle de Touadéra

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Échec de la Cour sur l'origine paternelle de Touadéra
Échec de la Cour sur l'origine paternelle de Touadéra

Africa-Press – CentrAfricaine. La décision du Conseil Constitutionnel du 14 novembre 2025 a produit un effet inattendu: en validant toutes les candidatures sans répondre aux questions posées, l’institution a involontairement confirmé ce que beaucoup soupçonnaient. Le président Faustin-Archange Touadéra ne peut pas démontrer son ascendance paternelle centrafricaine.

La requête déposée le 3 novembre 2025 par l’Observatoire pour la Gouvernance Démocratique en Centrafrique (OGDC), représenté par son coordonnateur national Élysée Nguimalé, a placé la Cour constitutionnelle face à un problème juridique qu’elle n’a pas su résoudre. L’organisation demandait l’invalidation de la candidature du président sortant Baba Kongoboro pour trois motifs, dont le plus embarrassant concernait son origine paternelle.

Selon la Constitution illégale du 30 août 2023, article 67, tout candidat à la présidentielle doit être “centrafricain d’origine”, c’est-à-dire issu de parents eux-mêmes centrafricains d’origine. La requête de l’OGDC exigeait que Touadéra présente les actes de naissance de ses quatre grands-parents – paternels et maternels – pour établir sa conformité avec cette exigence constitutionnelle. Le document allait plus loin en affirmant que la famille paternelle du président “demeure inconnue sur le territoire” centrafricain.

Les Centrafricains ont salué cette initiative d’Élysée Nguimalé avec enthousiasme. Beaucoup l’ont surnommé “Joseph Bendounga II”, en référence à Joseph Bendounga, l’ancien député de Bimbo 3 et président du MDREC décédé en janvier 2025. Bendounga incarnait cette opposition irréductible qui refusait toute compromission avec le pouvoir, même face aux pressions les plus lourdes. La comparaison est flatteuse: Nguimalé a osé soulever publiquement une question que tous se posaient en privé, sachant pertinemment que le Conseil Constitutionnel est totalement acquis au régime.

Car il faut le dire clairement: le président de cette institution, Jean-Pierre Waboué, n’est autre qu’un proche parent de Touadéra. Originaire du même village, de la même ethnie, il entretient avec le chef de l’État des liens familiaux directs. Dans ces conditions, comment espérer une décision impartiale? La réponse est venue le 14 novembre: plutôt que de trancher sur le fond, la Cour a simplement déclaré toutes les requêtes irrecevables et validé l’ensemble des candidats.

Cette décision à la qualité spéciale d’être examinée attentivement. Elle ne dit nulle part que Touadéra a présenté les actes de naissance demandés. Elle ne confirme pas que ses grands-parents paternels étaient centrafricains. Elle n’établit pas l’identité de son père. Elle se contente d’enterrer la question sous une avalanche de considérants juridiques avant de conclure que tout le monde peut se présenter.

Les avocats du président Baba Kongoboro n’ont d’ailleurs pas réussi à apporter la moindre preuve documentaire sur l’ascendance paternelle de leur client lors de la séance publique. Face aux arguments de l’OGDC, ils sont restés bloqués, incapables de produire les documents qui auraient permis de clore définitivement le débat. Si Touadéra possédait réellement les actes de naissance de ses grands-parents paternels, pourquoi ne pas les avoir simplement présentés?

La question de l’origine ethnique du président revient régulièrement dans les discussions. Son apparence physique et ses traits faciaux ont toujours confirmé son ascendance peule, probablement nigérienne comme Hassan Bouba. Ces observations ne relèvent pas du simple préjugé: même quelqu’un qui ne connaît rien à l’histoire de Touadéra, en le voyant pour la première fois, ferait spontanément ce rapprochement. Pour un Centrafricain qui connaît les différentes ethnies du pays, l’évidence saute aux yeux: Touadera est Peul. Regarde Hassan Bouba, et regarde Touadera, c’est la même goutte d’eau.

Cette situation prend une dimension particulièrement ironique quand on considère que c’est précisément Touadéra qui a fait inscrire dans la Constitution cette exigence draconienne sur l’origine centrafricaine. La nouvelle loi fondamentale impose que les deux parents du candidat soient eux-mêmes centrafricains d’origine – une barrière manifestement conçue pour écarter certains adversaires politiques. Mais voilà que cette arme se retourne contre son créateur.

D’après la requête de l’OGDC, le nom même “Touadéra” serait révélateur. En langue Ngbaka-Mandja, ce terme signifierait “qui est chez l’oncle maternel”, une expression traditionnellement utilisée pour désigner les enfants dont le père est inconnu ou absent. Autrement dit, les enfants bâtards qui sont nourris que par leur maman.

Le problème devient encore plus épineux quand on considère la date de naissance de Touadéra. Né en 1957 selon certaines sources, ou en 1958 selon d’autres, il serait venu au monde avant l’indépendance de la Centrafrique en 1960. À cette époque, le territoire était encore sous administration française. Dans le meilleur des cas, Touadéra serait donc né français avant d’être centrafricain – une autre incompatibilité potentielle avec les critères qu’il a lui-même fait inscrire dans la Constitution.

Touadéra aurait pu mettre fin à cette controverse de façon simple: présenter son acte de naissance colonial et les documents établissant la filiation paternelle. Ces archives existent nécessairement quelque part, dans les registres de l’administration coloniale puis centrafricaine. Leur absence dans le dossier présenté à la Cour constitutionnelle pose question.

La démarche d’Élysée Nguimalé mérite le respect, indépendamment du résultat final. Il savait que Jean-Pierre Waboué, à la tête du Conseil Constitutionnel, ne statuerait jamais contre son parent. Il savait que l’institution ne ferait pas prévaloir le droit sur les considérations politiques. Mais il a quand même déposé cette requête, obligeant ainsi le régime à affronter publiquement des questions gênantes qu’il préférait garder sous silence.

Cette affaire rappelle comment Touadéra a pris le contrôle du Conseil Constitutionnel. L’ancienne présidente, Danièle Darlan, avait refusé de valider les manœuvres constitutionnelles destinées à permettre un troisième mandat. Elle a été immédiatement limogée et remplacée par son vice-président, Jean-Pierre Waboué, beaucoup plus docile. Ce dernier a accepté non seulement de réviser la Constitution, mais d’en rédiger une entièrement nouvelle, taillée sur mesure pour les ambitions du président.

Le résultat de cette décision du 14 novembre est donc clair: sept candidats participeront à l’élection présidentielle du 28 décembre 2025, dont Touadéra. Toutes les requêtes en invalidation ont été rejetées en bloc. La Cour a choisi la facilité politique plutôt que l’examen juridique rigoureux.

Mais en refusant de répondre sur le fond à la question de l’origine paternelle, le Conseil Constitutionnel a créé un précédent dangereux. Il a établi qu’un candidat peut se présenter à la présidentielle sans avoir à prouver qu’il remplit les critères constitutionnels, du moment qu’il bénéficie du soutien du pouvoir en place. L’institution censée garantir le respect de la loi fondamentale est devenue un simple instrument de validation des choix politiques du régime.

Source: Corbeau News Centrafrique

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