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Vendredi dernier, dans la matinée, de 7h40 à 9h00, environ 180 personnes, dont 176 journaliers et 4 contractuels individuels, ont manifesté devant la base logistique de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), située au PK4, en face du bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).
Cette mobilisation visait à dénoncer des licenciements jugés abusifs et des accusations diffamatoires portées par un responsable de la MINUSCA, le congolais Tony Mushimbele, contre certains employés.
L’affaire remonte à plusieurs années. Selon les informations recueillies par la rédaction du CNC, Jéhu Gouandjia Henri Michel, Cédric Nzogna Elysée, Prospère Maleyombo et Ben Gérard Passe Ndoun, embauchés comme assistants magasiniers par le Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS) et mis à la disposition de la MINUSCA, ont travaillé pendant 6 à 7 ans, certains depuis le 28 juin 2016. Initialement gérés directement par les Nations Unies, leurs contrats ont été transférés à l’UNOPS à partir de 2019.
Le 3 octobre 2023, ces quatre contractuels ont été suspendus, puis licenciés, par M. Tony Mushimbele, chef des plans, du contrôle des stocks et des opérations au warehouse de la MINUSCA. Cette décision unilatérale est intervenue avant la fin de leurs contrats, prévue le 31 décembre 2023. Parallèlement, 176 journaliers, employés sans contrat formel depuis 7 à 8 ans, ont été subitement interdits d’accès au site de la MINUSCA le 1er avril, après avoir réclamé une amélioration de leurs conditions de travail. Ces journaliers, souvent mobilisés pour des tâches exigeantes, y compris des travaux de nuit comme le coulage de béton, se sont retrouvés sans emploi du jour au lendemain, une liste affichée au portail leur interdisant l’entrée.
Le conflit a pris une tournure grave en 2022, lors d’une réunion organisée par M. Tony Mushimbele. Selon des informations recueillies par la rédaction de CNC auprès de sources proches du dossier, ce dernier a accusé publiquement les quatre contractuels et certains journaliers d’avoir prémédité son assassinat, affirmant détenir un enregistrement vocal comme preuve. Cependant, cet enregistrement n’a jamais été produit. Ces allégations, relayées dans un courriel adressé à M. Oved Wilfried Ngbo Gouensengue, représentant des employés, ont conduit à une stigmatisation des accusés, qualifiés de « tueurs » sur leur lieu de travail. M. Mushimbele a ensuite porté plainte auprès de la section Conduite et Discipline des Nations Unies, qui, constatant l’absence de preuves, a tenté d’étouffer l’affaire.
Malgré cela, le 3 octobre 2023, M. Mushimbele a suspendu les quatre contractuels « jusqu’à nouvel ordre », une décision jugée abusive, car leurs contrats étaient encore valides. L’UNOPS, se retranchant derrière sa position de prestataire des Nations Unies, a versé deux mois de salaire (octobre et novembre 2023) pour clore le dossier, malgré une clause contractuelle stipulant qu’aucun salaire ne devait être payé en cas d’absence de travail ou de pointage.
Devant l’inaction de la MINUSCA et de l’UNOPS, les employés licenciés ont multiplié les démarches. Dès février 2024, le Ministère centrafricain du Travail, de l’Emploi, de la Protection Sociale et de la Formation Professionnelle a établi des décomptes des droits légaux des sieurs Gouandjia et Nzogna, chiffrant leurs indemnités respectives à 1 878 333 FCFA et 1 801 666 FCFA, incluant congés non pris, préavis et indemnités de licenciement. Des dommages et intérêts de 100 000 000 FCFA par personne ont également été réclamés pour le préjudice subi.
Le 12 février 2024, le Ministère des Affaires Étrangères, de la Francophonie et des Centrafricains de l’Étranger a adressé une note verbale (N°0085) à l’UNOPS, plaidant pour une conciliation amiable. Le Groupe de Travail de la Société Civile sur la Crise Centrafricaine (GTSC), dirigé par Dr Paul-Crescent Beninga, a également saisi la Représentante du Secrétaire Général des Nations Unies en Centrafrique le 18 avril 2024, dénonçant un possible traitement discriminatoire des employés centrafricains par rapport aux expatriés.
Malgré ces efforts, les autorités de la MINUSCA et de l’UNOPS sont restées silencieuses. Le 10 avril 2025, les victimes, représentées par M. Gouandjia, ont déposé un préavis de grève auprès du Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité Publique, Michel Nicaise Nassin, annonçant une manifestation à partir du 14 avril 2025 pour exiger soit la reprise du travail avec de meilleurs contrats, soit le versement de leurs indemnités légales.
L’impasse a culminé ce vendredi 5 juin 2025, avec une manifestation pacifique devant la base logistique de la MINUSCA. Les 180 participants, soutenus par le GTSC, ont déposé un mémorandum réitérant leurs revendications: le paiement des droits légaux, une réparation pour les accusations diffamatoires de M. Mushimbele, et la fin des pratiques jugées discriminatoires. Les protestataires ont dénoncé un « abus de pouvoir » et une « négligence » de la part des responsables de l’UNOPS et de la MINUSCA, soulignant l’impact sur leurs familles, certains étant pères de plusieurs enfants.
En outre, la Direction Régionale du Travail de Bangui-Centre a qualifié ces licenciements de « masqués » et abusifs, tandis que le silence persistant de la MINUSCA et de l’UNOPS alimente le sentiment d’injustice. Les regards se tournent désormais vers la Représentante du Secrétaire Général des Nations Unies, appelée à intervenir pour garantir une résolution équitable, conforme aux principes des droits humains et de la justice prônés par la mission onusienne….
Source: Corbeau News Centrafrique
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